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A 48 heures de l’événement, la majorité de la population semble être préoccupée plutôt par la situation en Côte d’Ivoire que par la Biennale. Si les organisateurs ne changent pas de fusil d’épaule en développant d’autres stratégies de communication et de mobilisation, on risque d’assister à une piètre Biennale, voire un échec sans précédant, en terme de mobilisation

Tous les regards sont tournés vers la Biennale artistique et culturelle du cinquantenaire à Sikasso, prévue du 19 au 29 décembre. A 72 heures de ce rendez-vous national inédit de la jeunesse malienne, on ne sent rien d’exceptionnel dans la cité du Kénédougou. Les Sikassois ne semblent pas s’approprier l’événement.

C’est presque l’indifférence. Et pour cause: la majorité de la population semble être préoccupée par la situation en Côte d’Ivoire que par la Biennale. Un tour dans les grins et autres lieux de rencontre publique permet de se rendre à l’évidence. C’est le constat général qui se dégage partout où notre équipe est passée. Les sujets dominants restent la situation en Côte d’Ivoire et les prélèvements « de soutien à la Biennale » « imposés » par l’administration régionale sur les tous les actes administratifs et autres services publics à la population.

En abordant le sujet avec les Sikassois, on lit la frustration sur leurs visages et ils ne décolèrent pas :  » Hé ! M. le journaliste, nous avons d’autres chats à fouetter. Nous sommes fatigués par votre histoire de la Biennale. Nous avons trop dépensé, mais nous ne ressentons rien de concret au bout du rouleau. Notre environnement est resté le même et la vie continue « . Cette déclaration est d’un jeune diplômé sans emploi qui, à l’image de la plupart des Sikassois, ne parvient pas à gommer sa « contribution forcée ».

D’autres acteurs de la vie publique dénoncent avec regret la centralisation de « l’affaire au seul niveau de la Commission régionale d’organisation », que préside le gouverneur. A titre illustratif, jusqu’à hier, aucun maire des communes rurales du cercle de Sikasso n’était, officiellement, invité par la fameuse Commission. Réunis, depuis le 15 décembre, autour de la table-ronde sur la prévention et la gestion des conflits au Centre Charles Lwanga, lesdits maires n’en revenaient pas car se sentant exclus.

Il n’en demeure pas moins pour leurs homologues des six autres cercles de la région. Mieux, au grand marché de Sikasso, les clients ne se bousculent pas autour des gadgets de la Biennale comme les tissus imprimés aux couleurs de l’événement dont les trois pagnes sont cédés à 3 500FCFA.

Le chef de l’exécutif régional a franchi le Rubicon, le mardi 14 décembre, en permettant aux forces de sécurité et de l’ordre de jeter des gaz lacrymogènes sur les femmes sollicitées pour la journée de salubrité et assurer la cuisine pour les trois repas à servir aux différentes troupes, conformément à l’esprit du Jatigiya instauré par la Commission.

Selon des témoignages concordants, l’incident est survenu suite à la demande des femmes d’augmenter leurs frais de condiments et autres intéressements liés à l’assainissement. Toute chose qui a amplifié le désintéressement de la population. Mais, à la Commission d’organisation, on rassure que le défi de l’organisation sera relevé et l’incident relatif aux femmes est clos.

« La situation est sur la bonne voie. Nous sommes prêts à abriter la fête. Depuis le mercredi dernier, toutes les délégations sont sur place. Et, le gouverneur s’apprête à leur rendre une visite de courtoisie. Par rapport aux femmes, c’était une petite incompréhension d’intéressements. Les inquiétudes des femmes ont été prise en compte et l’incident est clos « , a indiqué hier un membre de la Commission, joint au téléphone. Même son de cloche chez le Directeur national de l’action culturelle, Kora Dembélé, qui espère que malgré l’anxiété avant le jour  » J « , la fête sera belle.

Tous grands et sérieux rendez-vous se sentent, généralement, à travers la ville, par des affiches ou des banderoles annonçant l’événement. A la date du 15 décembre, ni l’un et ni l’autre n’était visible sur les grandes altères. Et pourtant, le chargé de la communication du ministère de la Culture, Amadou Konaté, rassure que des milliers d’affiches ont été remises depuis longtemps à la Commission d’organisation à cet effet.

Les observateurs se demandent si la Commission d’organisation fonctionne réellement. Dans tous les cas, un sérieux péril plane sur la mobilisation à la base et au rythme où évoluent les choses, si les organisateurs ne changent pas de fusil d’épaule en développant d’autres stratégies de communication et de mobilisation, on risque d’assister à une piètre biennale voire même à un échec sans précédant. Espérons que les Sikassois se ressaisissent avant le jour « J » afin que la fête soit belle.

Soumaila GUINDO

Envoyé spécial à Sikasso

17 Décembre 2010.