Le samedi 13 novembre, le président de la République Amadou Toumani Touré s’est rendu dans la Commune rurale de Nossombougou, cercle de Kolokani pour présider la cérémonie d’ouverture de la campagne de vaccination bovine annuelle et inaugurer le nouveau centre de collecte de lait qui vient d’y être construit. Grand bien lui en prend, car en se prononçant, dans son discours, sans ambiguïté sur le douloureux problème du Kouôdialanda qui frustrait tout le Bélédougou il fait d’une pierre plusieurs coups et surtout désamorce la terrible bombe qui gonflait dans le Bélédougou depuis les coups de feu débiles du 25 août 2010.
Samedi 13 août 2010, dans la sous-préfecture de Nossombougou à 70km au nord de Bamako. Une immense foule digne des temps héroïques de l’US-RDA de Modibo Kéita et de Bah Dossolo Traoré, ces temps où le régime et le peuple en communion faisaient un seul corps, gonflé à s’étouffer dans le grand espace désherbé pour la circonstance.
Toutes les formes de musique du Bélédougou sont là, mêmes celles que l’on croyait disparues à jamais comme le tchibarani, le bourou royal de Yékébougou. Les populations des six cercles et du district de Bamako qui constituent le Bélédougou ont massivement répondu présent à l’appel du cercle de Kolokani, pour réserver un des plus exceptionnels accueils au président de la République.
Ce qui n’était plus dans leurs habitudes « depuis la fin du pouvoir de ce que tout le Bélédougou appelait Bah Dossolo » et celui de l’US-RDA. Que l’on se souvienne de la fameuse visite à Kolokani du président Houphouët-Boigny invité du président Modibo Kéita. Plus jamais visite présidentielle n’aura, d’après des anciens de l’US-RDA, autant d’éclat et de somptuosité pendant le règne de Modibo.
Au-delà de la santé animale, l’espoir
Les différents discours prononcés par le maire, hôte de la cérémonie et ceux des acteurs techniques et politiques de l’élevage l’ont souligné à suffisance, le choix de la Commune de Nossombougou pour l’installation du centre de collecte de lait cru résulte du grand potentiel de production laitière de la zone. Mais cette motivation aussi noble et prometteuse soit-elle n’aurait pas suffi à elle seule pour drainer autant de monde à travers tout le Bélédougou.
Depuis plus d’un an, le Bélédougou entier, de Mouroudhian au nord au Tiènsabadougou au sud sur les frontières de Mandé, de Niamina à l’est au pays kakôlô et manika de Kita à l’ouest, se bat légalement pour récupérer le site historique de la bataille du Kouôdialanda où les troupes des « kafos » coalisées du Bélédougou ont affronté dans une bataille épique, désespérée, à armes inégales, les troupes coloniales de pacification du chef de Bataillon Caillet.
Des spéculateurs fonciers résident à Bamako ont obtenu illégalement grâce à la complicité de l’administration 180 ha de ce site. Ils s’y sont installés avec armes et munitions, arrogance, menaces et défis. Le 25 août leurs vigiles encouragés par leurs mentors ont fini par tirer sur une mission d’observation accompagnée par un huissier assermenté en blessant quatre hommes dont l’huissier en question.
Depuis cette tentative de meurtre à la latifundium, le Bélédougou est entré en ébullition. La politique de règlement pacifique suivant les lois juridiques prônées par la Commission de règlement du litige foncier du Kouôdialanda (CRLFK) est ouvertement désavouée. L’administration grande coupable de toute cette tension par les actes des préfets Oumar Cissé de Kolokani et sous préfet Souleymane Coulibaly de Nossombougou, mutés aujourd’hui respectivement à Kéniéba et à Harybomo, s’évertue à noyer le poison dans l’eau, au lieu de prendre des mesures justes d’apaisement. Malgré les interventions du ministère de la Culture pour accélérer les procédures de classement du site, l’administration se presse très lentement.
Dans le Bélédougou, la tension est extrême entre communautés, entre villages, entre individus. Des mariages, des amours, des alliances ancestrales, des rapports de travail de commerce sont soumis à de rudes épreuves. La question n’est plus de savoir s’il faut faire parler la poudre mais quand il faut le faire.
Alors la nouvelle de la prochaine visite présidentielle pour ouvrir la campagne de prophylaxie annuelle est accueillie comme une aubaine.
Oui au Président, mais…
Il a fallu beaucoup de débats, de diplomatie de la part des nouveaux administrateurs de Kolokani et de Nossombougou pour convaincre le bamanan d’accueillir dignement suivant les règles de l’hospitalité traditionnelle, le président de la République qui est le seul maître du choix de la localité où doit se dérouler une telle cérémonie. Tache ardue car l’ancien sous préfet avant de plier bagage aurait diffusé partout dans la ville que la laiterie en construction appartiendrait à l’occupant illégal du Kouôdialanda, Wélé Diallo, que viendrait inaugurer son ami ATT président de la République.
Puis par des voies dignes d’un roman de John le Carré la commission de règlement et les chefs de village de Bélédougou apprennent que malgré la durée d’un an de lutte en suivant la loi, aucune information n’était parvenue au chef de l’Etat. Solitude et ignorance des maîtres du pouvoir. Rome brûle-t-elle ? Les laudateurs zélés de la cour chantent le contraire « Ce n’est rien César, tout va bien à Rome. Toto baignado ! ».
La Commission de règlement ; après d’âpres discussions, vote la décision de se joindre à l’administration et à la population pour la préparation d’un accueil sans réserve au présidant de la République. Mais partout dans le Bélédougou, une seule condition est formulée par tous : que cette visite soit opportunément saisie pour informer de vive voix le chef de l’Etat de leur inconditionnel attachement au site historique du Kouôdialanda dont des chars de l’armée nationale portent le nom, afin qu’enfin l’on sache sa vraie opinion.
Pas un pouce d’un site historique du pays ne sera cédé à une seule personne. Le maire de Nossombougou dans son adresse de bienvenue au chef de l’Etat est le premier à solliciter auprès du président, la diligence des procédures d’inventaire et de classement du site de la bataille dans le patrimoine national culturel et historique.
Trois chefs de « kafo » (ceux de Kolokani, Nonkon, zambougou,) mandatés par tous leurs pairs du Bélédougou attendent la fin des cérémonies officielles pour demander cinq minutes d’audience au chef de l’Etat sur le même sujet.
Mais dès l’entame de son discours, ATT crève l’abcès par son préalable qui traite du Kouôdialanda. Il dira en substance que le Bélédougou est une terre de savoir et d’histoire.
Que la pénétration coloniale au Soudan a rencontré de rudes oppositions armées qui ont vu se lever et se battre, malgré la supériorité technique des armes de l’envahisseur, des héros et héroïnes patriotes pour leurs libertés et dignités, comme à Sabouciré et ici au Kouôdialanda.
En affirmant s’incliner devant la mémoire des vaillants combattants tombés sur les collines de Zambougou et dans les ruisseaux du Kouôdialanda, le chef de l’Etat donne instructions aux administrateurs de répertorier aux fins de préservation, de classement et d’aménagement pour la postérité, tous les hauts lieux de notre histoire à travers tous le pays.
La foule hurle de joie, applaudit à tout rompre. Les larmes de réconfort coulent sur le vieux visage parcheminé du patriarche Sékou Diarra de Nonkon-Warala, porte-parole du Bélédougou ancien. Son homologue Zambla, dit Zambla Moussa Traoré détourne aussi les yeux mouillés pareils à un lac de matin humide. « Je peux à présent mourir cet instant même sans regret.
Je mourrais en paix pour avoir rempli mon contrat de vie face à l’histoire, grâce à Allah et Mahomet, et face aux mânes des ancêtres morts ici avec dignité. J’en étais si torturé ! Qu’Allah aide toujours la vérité ».
Mandé Alpha
23 Novembre 2010.