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gos.jpgLa malchanceuse Assétou a quitté son village portant un enfant de trois ans sur le dos. Le père en est un cousin. Elle est descendue à Bamako dans l’espoir de se faire un peu d’argent et prévoyait de rentrer à la maison dès les premières pluies.

Adama le bluffeur

A peine arrivée dans la capitale, Assetou fait la connaissance d’un certain Adama. Le jeune homme est un débrouillard, mais aussi une grande gueule qui a le don de construire une multitude de châteaux en Espagne. Adama a vite fait de convaincre la jeune femme qu’elle serait heureuse avec lui et non avec le mari resté au village. Les boniments du séducteur brisèrent la résistance d’Assétou qui accepta donc de venir vivre avec son amant dans une pièce qu’il loue à Sikoroni.

Deux mois après leur rencontre, la jeune femme tombe en état de grossesse. Elle en informe son nouveau compagnon qui la rassure. Il va s’occuper de l’enfant annoncé et de sa maman dans la mesure du possible. Il propose même à sa concubine de rompre tous liens avec sa famille en attendant son accouchement. Naïvement, Assétou suit le conseil de l’homme qu’elle présente désormais à toutes ses amies comme son fiancé.

La grossesse progresse normalement. Quelques mois plus tard l’embonpoint de la jeune femme commence à gêner le bluffeur Adama. Cet affabulateur ne cherchera pas loin. Un matin après le réveil, il jette sans autre forme de procès la jeune femme dehors en lui disant qu’il n’avait plus les moyens de s’occuper d’elle et de l’enfant à naître. Mise sans ménagement à la porte, Assétou erre à la recherche d’un travail qu’elle ne parvient pas à trouver, vu son état. Au fil du temps, ses habits sont devenus des haillons. Et comme la jeune femme ne se tresse plus, elle a l’apparence d’une folle. Le fils qu’elle entraîne partout dans son sillage a attrapé une sorte de gale. Cette maladie a causé nombre de cicatrices et de plaies ouvertes sur son corps.

Au début du mois dernier, Assétou a accouché d’un second garçon. Elle le porte pendant quelques jours sur son dos, avant de se résoudre à lui chercher preneur. La semaine dernière, elle rencontre au crépuscule, Kadiatou, une femme du quartier. Assétou lui propose d’adopter son dernier-né. Malgré le fait que Kadiatou soit infertile depuis 17 ans de mariage, elle décline l’offre. Elle prétexte que son mari, militaire à la retraite, n’accepterait pas d’accueillir sous son toit un enfant dont il n’est pas le père.

Une troisième femme à la recherche d’une maison à louer passe près des deux femmes en pleine discussion. Elle est accrochée par le sujet débattu qui éveille sa curiosité. Elle ralentit et tend l’oreille pour bien comprendre. Kadiatou la prend même à témoin et lui explique ce qu’elle discute avec son interlocutrice. La femme en quête de maison écoute attentivement. A la fin de l’exposé, l’inconnue se déclare prête à adopter l’enfant.

Qui pourrait croire pareille histoire ?

Sans réfléchir, Assétou lui tend le bébé en prononçant ces paroles de résignation : « Allah ka balo » (Qu’Allah lui prête vie) Et elle tourne le dos. La femme charitable s’empare du bébé et disparaît elle aussi. Kadiatou, médusée, reste seule. Elle demeure plongée pendant des minutes dans une profonde réflexion sur la condition humaine. Enfin elle se résout à rentrer chez elle et à oublier cette étrange affaire. Pas pour longtemps.

La semaine dernière, un homme ayant suivi de loin la grossesse de Assétou jusqu’à son accouchement, constate qu’elle ne porte plus son bébé. Il est allé expliquer ses appréhensions à l’inspecteur Seydou Coulibaly, chef P.J. du 6è arrondissement de la police. L’inspecteur convoque Assétou et lui demande d’indiquer où se trouve son bébé. La pauvre maman lui expliquera exactement ce qu’elle a fait de son enfant, ajoutant qu’elle n’avait pas les moyens de l’entretenir. Qui pourrait croire une pareille histoire ?

Le policier, sceptique, fait venir Kadiatou qui confirme point par point la déclaration de Assétou. Les policiers se lancent à la recherche de la femme inconnue qui a adopté le bébé. Jusqu’au passage de notre équipe, mardi dernier, elle est demeurée introuvable. Les habitants du quartier sont actuellement à sa recherche. Mais en vain.

La malheureuse Assétou ne sait pas qu’il existe une structure étatique où les mères en détresse peuvent confier leurs enfants. Elle répète à qui veut l’écouter qu’elle s’est débarrassée de « son sang » parce qu’elle n’avait pas les moyens d’élever deux enfants. D’ailleurs le premier lui pose des problèmes. Mais elle ne le donnera à personne. Il est le fils de l’homme à qui elle a été donnée en mariage par ses parents.

L’inspecteur va bientôt la présenter devant le procureur de la république près le tribunal de première instance de la Commune I. Mais que va devenir le premier enfant de la malheureuse Assétou si elle est mise sous mandat de dépôt ?

Une question tout de même : le père dans tout ça ? Cet homme qui a jeté à la rue la femme qui portait son fils, n’a-t-il aucune responsabilité ?

G. A. DICKO | Essor

27 avril 2007