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Au Seuil de Djenné, début de la deuxième étape de la tournée du ministre Moussa Léo Sidibé, ce n’est pas encore la reprise. Mais les populations gardent espoir pour une très prochaine relance, le chantier étant une source de revenus pour les bras valides des localités riveraines.

C’est le cas d’Almamy Sakouma, un Bozo bon teint, père de trois enfants: «avant le début des travaux du barrage, mon activité principale était la pêche. Avec le démarrage des travaux, j’ai d’abord travaillé comme manœuvre, puis on m’a recruté comme gardien de la carrière. Je gagnais suffisamment et je pouvais subvenir aux besoins de ma famille. Mais, avec l’arrêt du chantier, je suis retourné à mon filet et à ma pirogue. Je demande donc aux autorités de tout faire pour que le travail reprenne».

Tout comme lui, ce sont de nombreuses femmes qui ont vu le revenu des foyers diminuer. Aminata Konta et Kadia Tangara en font partie. «Nous sommes celles qui gèrent les foyers. Quand nos maris et nos enfants travaillaient sur le chantier du barrage, nous étions heureuses et nous pouvions nous offrir, ainsi qu’à nos enfants, de jolies choses. Mais, depuis plus de deux mois, nous serrons nos ceintures. Il faut tout simplement qu’on reprenne. C’est que nous espérons tous les jours».

Même les techniciens partagent ces différents avis, dans la conclusion d’un document remis à la délégation ministérielle. «En raison des objectifs assignés au Programme de Développement de l’Irrigation dans le Bassin du Bani et à Sélingué (PDI BS) et singulièrement le rôle socio économique important attendu du Seuil de Djenné, il serait souhaitable, en accord avec les partenaires techniques et financiers, de mener les concertations nécessaires en vue du redémarrage des activités dans les meilleurs délais».
Le même document informe que «les travaux du Seuil de Djenné sont suspendus pour cas de force majeure, depuis le 30 mars 2012 pour l’entreprise et le 5 avril 2012 pour le Bureau d’Ingénieur Conseil… à la suite des évènements survenus le 22 mars 2012, qui ont fortement marqué le contexte politique, économique et social du pays». Conséquence, certains Partenaires Techniques et Financiers du PDI BS, dont la BAD, ont suspendu les décaissements des fonds du Programme. De façon concrète, cette décision s’est traduite par la méfiance des prestataires (Entreprises, Bureaux d’Etudes) des travaux en cours, au motif de la sécurité des personnes et des biens, de l’environnement du travail et de la difficulté d’approvisionnement du chantier.

Il fallait donc «gérer la suspension des travaux». C’est ainsi que, le mercredi 4 avril 2012, une réunion de concertation des principaux acteurs s’est tenue, sous la présidence du Directeur du Programme, à la Direction Nationale du Génie Rural. A la suite de l’analyse des débats et face à la question sécuritaire, la réunion a pris des mesures importantes, parmi lesquelles la suspension des activités de la Mission de Contrôle et de surveillance du chantier de Djenné. Toutefois, afin de créer les conditions d’une meilleure reprise des travaux, le Bureau d’Ingénieurs Conseil a été invité à produire, pour l’information du Maitre d’Ouvrage, une note sur l’état global d’avancement du chantier, l’état des lieux et la situation des prestations réalisées au moment de l’arrêt des travaux.

S’ajoutent à cela la production par l’Ingénieur Conseil d’une note d’information sur les conséquences et l’incidence de l’arrêt des travaux déjà réalisés, la conduite à tenir et les mesures graduelles à prendre en fonction de la durée de la suspension des travaux; la surveillance accrue et la sécurisation du Chantier (travaux, matériels et matériaux approvisionnés, explosifs, carburants); la sécurisation des populations en amont et en aval du seuil contre les risques d’inondation des crues du fleuve; l’information de l’ensemble des partenaires et collaborateurs du Programme (structures techniques) sur la suspension et la sauvegarde des acquis des activités déjà menées et la sauvegarde des acquis du Programme sur l’ensemble de sa zone d’intervention.

Conformément aux recommandations de la réunion du 4 avril 2012, l’entreprise CGC a entrepris les travaux de sécurisation et de protection du batardeau, en prévision de la saison des crues. Dans ce cadre, les activités comme la poursuite des travaux d’étanchéité et de sécurisation du batardeau contre la crue, la protection en enrochement des cotés latéraux du batardeau, l’élargissement de la section du fleuve en rive gauche, pour faciliter l’écoulement des eaux de crue, ont été réalisées. S’agissant du Seuil, la préoccupation majeure concerne des dégradations qui pourraient survenir au niveau des fouilles réalisées (batardeau, passe à poisson), à la suite de la saison de la crue et, par conséquent, le risque d’engendrer des coûts supplémentaires à la reprise.

Aussi, d’autres facteurs indirects sont à considérer, dont le dépassement du délai de mise en œuvre du Programme, avec comme conséquences la mobilisation des financements (plans de financement des activités, difficultés dans le paiement des ouvrages cofinancés, dépréciation possible des termes de l’échange), le coût final des travaux (personnel, biens, services et équipements), l’atteinte des objectifs du programme (réalisations, efficacité de l’aide), les performances du programme et du portefeuille pays (mobilisation futures des ressources pour le financement de nouveaux projets).

Rappelons, enfin, que le seuil de Djenné constitue l’ouvrage charnière des réalisations prévues dans le cadre de la phase 1 du Programme de Développement de l’Irrigation dans le Bassin du Bani et à Sélingué (PDI BS) dans ladite zone. Il a pour rôle principal la mise en valeur, par la sécurisation de l’irrigation, des plaines du Pondori, aussi bien que de la rive droite du Bani. L’ouvrage est constitué d’un seuil mobile de 314,6m, comportant 7 passes, équipées au total de 196 vannes de type Aubert (Markala). La réalisation du Seuil de Djenné comporte trois lots distincts.

Le Génie Civil (Lot 1), est cofinancé par la BAD (FAD : 27, 57%), le Fonds Koweïtien pour le Développement Arabe (FKDEA: 36,83%), la Banque Arabe pour le Développement Economique de l’Afrique (BADEA 25,58%) et la Banque d’investissement et de Développement Communautaire de l’UEMOA (BIDC : 10,02%). Les travaux hydro électro mécaniques (Lot 2) sont entièrement financés par l’Exin Bank de Corée du Sud. Le Pont route (Lot 3) est conjointement financé par la Banque Africaine de Développement (FAD) et le Fonds Saoudien pour le Développement (FSD).

Paul Mben

22 Septembre du 14 Juin 2012