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Alger abrite, depuis hier, une conférence des ministres des affaires étrangères de plusieurs pays sahéliens. Il s’agit pour tout le monde de trouver des solutions aux problèmes d’insécurité qui sévissent dans ces pays. Seulement, voila, des ministres sont-ils les mieux indiqués pour prendre des décisions ?

C’est l’Algérie que les pays sahéliens ont choisie pour tenir des assises sur la paix et la sécurité dans la bande sahélo saharienne. Les ministres en charge des affaires étrangères du Mali, du Niger, du Burkina Faso, du Tchad, de la Libye et du pays hôte sont tous à Alger. Cette rencontre intervient à un moment où trois des acteurs clés, à savoir, le Mali, l’Algérie et la Mauritanie sont en froid.

Ces deux derniers pays ont rappelé leurs ambassadeurs respectifs de Bamako, après que la justice malienne ait élargi trois présumés terroristes arrêtés et jugés pour détention illégale d’armes et munitions, et défaut de visa d’entrée sur le territoire malien. Elle intervient également au moment où la zone connaît une recrudescence de l’insécurité causée par la branche maghrébine d’Al Qaïda. Enlèvements et séquestrations sont devenus courants.

En ce moment même, le réseau terroriste détient quatre personnes en otage. Mais, il n’y a pas que ça. La Bande est devenue, depuis un certain temps, une zone de transit et de transaction pour les narcotrafiquants et les vendeurs d’armes, sans compter les passeurs de migrants clandestins en partance pour l’Europe.

Depuis plusieurs années, le président malien a émis le vœu d’organiser un sommet des chefs d’État concernés par ces fléaux. Il s’agit principalement des pays riverains de la Bande. Mais Amadou Toumani Touré peine encore à tenir cette rencontre, en raison de la réticence de certains de ces pairs. En particulier, Abdelaziz Bouteflika de l’Algérie, et Mohamed Ould Abbel Aziz (et de ceux qui l’ont précédés) de la Mauritanie.

Pourtant, après une première rencontre préparatoire des ministres en charge des affaires étrangères suivie d’une réunion des chefs d’état-major de plusieurs pays concernés, le président malien était en droit de penser que son projet aboutira le plus rapidement possible. C’était sans compter avec les prétendus problèmes de calendrier et les rivalités qu’entretiennent certains chefs d’État qui se disputent quelque vain leadership.

Ce sont ces mêmes chefs de la diplomatie qui se retrouvent. Pour parler de quoi ?

Cette nouvelle conférence ne peut être encore qu’une rencontre de concertation même si les ministres présents sont dûment mandatés par leurs présidents respectifs. Il n’y aura pas de décisions notables. Les seules personnes habilitées à prendre des grandes décisions, celles qui peuvent faire évoluer la situation sont précisément les chefs d’État.

Parce qu’il s’agit de décisions souveraines, qui engagent la souveraineté des différents pays, qui demandent un engagement total. Il s’agit de mener une guerre concertée et solidaire contre le réseau terroriste le plus puissant de la terre. II s’agit aussi de lutter contre les réseaux de narcotrafic les mieux organisés de la planète.

Et tout cela ne peut se faire sans les moyens adéquats. Avec une promesse d’aide de certains pays occidentaux comme la France, l’Allemagne, le Canada et l’Espagne, le gouvernement malien, à l’issue d’une session du Conseil national de sécurité, avait pris la décision de commencer le combat, même sans l’accompagnement de ses réticents voisins. Mais auparavant, pour les inciter à se joindre à lui, le Mali, à travers des accords de coopération militaire et sécuritaire, permet à tous ses voisins d’entrer sur son territoire pour traquer et arrêter des bandits, terroristes ou autres criminels.

Après le Niger qui a déjà usé de ce droit de poursuite, un exemple inédit de coopération, l’Algérie, qui a longtemps tergiversé, vient d’en faire autant. L’on pourrait même dire qu’elle en a abusé. Les Algériens, en effet, se sont permis de procéder à l’arrestation de quatre Maliens, sur le territoire malien, de les exfiltrer, sans pour autant seulement informer, avec un minimum de courtoisie et de bonne foi, les autorités maliennes.

Si la conférence des ministres en charge des affaires étrangères des différents pays sahéliens ne permettra pas de prendre des décisions majeures, elle pourrait être l’occasion pour Algériens, Mauritaniens et Maliens d’aplanir les différends entre leurs pays.

Mais pour ce qui est des questions sécuritaires, l’absence du Maroc est criarde. Au cas où les chefs d’État se décidaient de se réunir enfin au sommet, la présence et la participation de Mohamed VI est plus que nécessaire, parce que son pays pourrait jouer un rôle très important dans la lutte contre Al Qaïda et les narcotrafiquants.

Cheick Tandina

Le Quotidien de Bamako du 17 Mars 2010.