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Si nous partons du postulat que le nord du Mali échappe déjà totalement au contrôle de l’Etat malien, ce n’est pas la mise en place d’autorités intérimaires nommées par décret selon le bon vouloir des groupes armés et dont la composition dépend d’eux, qui ramènera Kidal, Tombouctou, Taoudenit et Menaka dans le giron du Mali. N’est-on pas en présence d’un scénario de livraison clé en main du nord du Mali à des indépendantistes, dont la signature de l’accord de paix et de la réconciliation n’a pas permis de percevoir la foi en l’unité et la cohésion nationales.

une-3067.jpgDepuis le parachèvement de la signature de l’accord le 20 juin 2015, l’insécurité n’a pas dessiné une courbe descendante. Ce sont des centaines de Maliens, civils et militaires, des amis du Mali venus nous aider à pousser dehors des ennemis du Mali, qui sont tombés sur le territoire malien du nord, du centre et du sud. Malgré la nomination des gouverneurs et la célébration par leurs administrés, ni Menaka ni Taoudénit, n’ont été à l’abri des attentats ou attaques terroristes. Gao et Tombouctou non plus, Kidal n’en parlons.
Avec l’entente du 14 juin intitulée « ENTENTE Précisant les modalités pratiques de la mise en place des autorités intérimaires, du redéploiement des services déconcentrés de l’Etat ainsi que l’installation des chefs de circonscriptions administratives et du mécanisme opérationnel de coordination dans les régions de Tombouctou, Gao, Kidal, Taoudénit et Ménaka », et conclue entre le Gouvernement de la République du Mali, représenté par Hamadou KONATE, Ministre de la Solidarité, de l’Action humanitaire et de la Reconstruction des Régions du Nord, Vice-président du Comité National de Coordination de la mise en œuvre de l’Accord, d’une part, la Coordination représentée par Monsieur Sidi Brahim Ould SIDATT, et la Plateforme, représentée par Me Harouna TOUREH, d’autre part, la situation présage-t-elle un lendemain meilleur pour le renforcement de la sécurité et de l’unité nationale ? La mise sous scellés des régions du nord et sous le contrôle de la CMA et de la Plateforme l’éloigne davantage du contrôle de l’Etat malien et le gouvernement ne semble même pas s’en mouvoir de cette réalité. « Créée il y a quelques semaines, la nouvelle région administrative de Taoudenni est un casse-tête pour l’État malien. Et pas seulement parce qu’il s’agit de l’une des plus vastes et des moins peuplées du pays. Selon une source onusienne, la ville éponyme, située dans l’extrême nord du Mali, en plein désert, échappe totalement à l’autorité de l’État. Il n’y a là-bas ni soldats maliens, ni Casques bleus de la Minusma, ni éléments de la force française Barkhane », selon un article de Jeuneafrique.com du 17 juin 2016.
« La zone, haut lieu du trafic de drogue, est aujourd’hui contrôlée par deux groupes : le Mouvement arabe de l’Azawad (MAA), qui s’y est implanté en février 2014, et Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), qui s’y trouve depuis le début de 2015». Ces deux groupes, poursuit l’article, l’un participant au processus de paix, l’autre faisant tout pour le torpiller, « cohabitent sans difficultés », ajoute la source onusienne. Ils assurent notamment la sécurité des convois de drogue.

Révolte contre les AI.
Selon notre confrère de L’Indicateur du Renouveau, le 17 juin, avec les Autorités Intérimaires (AI), c’est la « déception et colère » à Gao et Tombouctou. « Alors que le gouvernement, les partenaires et les mouvements jubilent pour l’accord pour la mise en place des autorités intérimaires dans les cinq régions du Nord, à Gao et à Tombouctou, c’est la déception qui le dispute à la colère face à cette nouvelle reculade des autorités nationales. Celles-ci, au départ, ne voulaient des autorités intérimaires que dans les communes non fonctionnelles. Conséquence : les jeunes des régions de Gao et de Tombouctou ainsi que les élus sont désormais sur le pied de guerre en attendant de voir le visage des personnes devant s’occuper des leur sort pour les dix-huit prochains mois ». Ils annoncent leur volonté de s’opposer à la désignation d’anciens chefs rebelles, leurs hommes de main ou des gens qui n’ont aucun lien avec leurs régions, poursuit L’Indicateur du Renouveau. C’est dire que ces jeunes de Gao et Tombouctou ne veulent pas plier l’échine devant la mise en coupe réglée des régions du nord, qui leur échapperait progressivement au profit d’anciens indépendantistes. Et qui seraient en plus imposés par décret présidentiel.

B. Daou

Le Républicain du 20 Juin 2016