C’est le prix à payer pour se débarrasser des Talibans ou de Saddam Hussein. On peut appeler cela des dommages collatéraux, comme Donald Rumsfeld, le secrétaire d’Etat américain à la défense, dont les avions bombardent régulièrement des cortèges de mariage, à la recherche de terroristes talibans, mais la méthode est la même que celle des poseurs de bombes dans les trains de Madrid et de Londres : il s’agit de “terroriser” l’ennemi en tuant sa femme et son enfant, en rasant son village et son quartier.
L’Occident emploie pour cela des missiles et l’Orient des kamikazes, avec, des deux côtés, une redoutable efficacité. Le Premier ministre anglais vient de faire une déclaration importante ce 17 juillet : il faut dit-il, vaincre les terroristes, pas seulement militairement, mais dans le fond de leur pensée. C’est un aveu de culpabilité. Il serait plus simple, comme l’a fait le Premier ministre espagnol Zapatero, de retirer ses troupes de Bagdad.
L’Occident toujours impérialiste ?
Depuis sa puissante avance technologique du XVIIIe siècle, l’Occident entreprit de conquérir et de soumettre définitivement le monde. C’est sans doute dans cette optique que les médias français traitent les évènement du Proche et du Moyen-Orient de façon partisane, ce qui annule tout l’avantage diplomatique que la France a toujours eu sur les Anglais dans cette partie du monde, lequel avantage servait à combler tant bien que mal l’avance anglaise dans nombre de colonies.
Aujourd’hui, il se trouve qu’une bonne politique de communication peut réparer l’effet négatif laissé par une invasion, de même qu’une communication maladroite peut anéantir l’effort diplomatique de plusieurs années. Ainsi, la France vient d’être battue par la Grande Bretagne à l’occasion de l’élection de la ville hôte des Jeux Olympiques de 2012, une élection où la décision a été faite par les voix des pays pauvres, qui ont condamné vigoureusement l’invasion de l’Irak par la coalition américano-britannique.
Etre Français est une garantie contre l’exécution, assurait un spécialiste du Proche-Orient, commentant la libération des otages français. Rien n’est moins sûr. De même, impossible de jurer que Paris n’aura pas de Kamikaze dans son métro, tant la France, dans ses médias, a le même langage que ceux qui ont leurs troupes en Irak. Les résistants y sont appelés terroristes, les Irakiens sont divisés en Chiites en Sunnites et en Kurdes, alors que la résistance est générale…
D’autre part, Paris reconnaît le gouvernement pro-américain de Baghdad, tout en dénonçant celui, pro-russe, de Tchétchénie. On se rappellera aussi que lors de la rébellion de l’IRA (Armée républicaine irlandaise), la télévision française, lorsqu’elle annonçait la mort d’un Républicain irlandais par grève de la faim, montrait aussitôt l’attentat commis, pour faire balance.
Les poseurs de bombes de l’Armée Républicaine Irlandaise exigeaient d’être reconnus comme des prisonniers politiques, tandis que pour le Premier ministre britannique, Mme Thatcher, ils n’étaient que de vulgaires prisonniers de droit commun, des terroristes. C’est dire combien la terminologie, au coeur de la bataille médiatique, est importante.
Berlin est-il menacé ? Pourquoi pas, malgré la condamnation de la guerre d’Irak par son gouvernement, étant donné la présence de soldats allemands à Bagdad pour la formation de la nouvelle armée irakienne, sans compter ceux qui sont partis en Afghanistan, soutenir les Américains après les attentats du 11 septembre 2001 ?
Certains font remonter à cette date le début de la guerre des civilisations, de la vieille guerre entre Occident et Orient, entre Chrétiens et Musulmans, et soufflent sur le feu de la guerre sainte, qu’elle s’appelle croisade ou djihad ?
Est-ce du racisme que d’attirer l’attention des deux camps sur le rôle joué par le passé et aujourd’hui plus que jamais par leur vieil ennemi commun, Israël ? En tout cas, il est impossible de nier le rôle de premier plan que joue le conflit israélo-palestinien dans l’aggravation de la tension entre Musulmans et Chrétiens partout dans le monde.
Un nouveau monde
En réalité, un monde de paix et d’amour a toujours existé à côté de l’autre, celui de la confrontation et de la haine, et c’est sans doute une erreur que de placer la réconciliation universelle à la fin des temps. Il faut permettre aux amis de la vérité et de la paix de s’exprimer, de se faire entendre et de remporter la victoire, la seule qui soit utile à l’humanité, celle de la paix.
Les altermondialistes, qui s’identifient aux hommes de bonne volonté, font beaucoup dans cette voie. C’est eux qui, s’opposant à la politique impérialiste de l’Occident, organisent des marches et des sommets alternatifs opposés à ceux du G8. L’un d’entre eux portait courageusement, à Gleneagles, une pancarte où il était écrit : “London = Irak” et cela, au lendemain même des attentats de Londres! Les peuples d’Occident ont toujours défendu la cause de la paix et de la liberté des peuples du monde entier, au XXe siècle, en se dissociant des guerres impérialistes de leurs gouvernements.
C’est en vain que ces derniers ont tenté de faire prévaloir le thème des sauvages à civiliser ou des infidèles (musulmans) à anéantir, pour faire prévaloir leurs visées hégémonistes. Ils feront sûrement mentir les sinistres prévisions des tenants de la guerre des religions, d’autant plus qu’on peut remarquer, avec un minimum de bonne foi, qu’il n’y a aucune animosité anti-chrétienne ou anti-juive chez les musulmans.
L’histoire l’a montré et le présent aussi. Les musulmans ont, pendant des siècles, gouverné d’importantes communautés juives et chrétiennes, dont ils reconnaissaient les droits en tant que “peuples de l’Ecriture”, droits inscrits dans le Coran.
Quant aux poseurs de bombes actuels, avec un minimum de bonne foi également, on reconnaîtra qu’ils ne frappent pas n’importe qui, ni n’importe quoi, une vérité à rappeler à cet architecte qui, selon » la revue Jeune Afrique “l’Intelligent” » (dont le propriétaire Béchir Ben Yamed est un Juif tunisien), proposait de remplacer les tours jumelles détruites par un édifice évoquant une cathédrale.
Comme si les poseurs de bombes de Moscou (se rappeler le “problème” tchétchène), de New York (la guerre israélo-arabe), de Madrid et de Londres (la guerre d’Irak), ne visaient que des églises ou des groupes de Chrétiens ! D’ailleurs, ne frappent-ils pas aujourd’hui les Irakiens eux-mêmes, même dans les mosquées du moment que ceux-ci sont en première ligne, à la place des soldats américains?
Ibrahima KOÏTA
20 juillet 2005