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Apparemment, le Front pour la démocratie et la République (FDR) a déjoué le dispositif mis sur pied par le pouvoir pour gérer l’après-élection.

En prévision de la présidentielle du 29 avril 2007, le ministère de la Sécurité intérieure dirigé par Sadio Gassama, après plusieurs concertations stratégiques, avait misé toute sa stratégie sur la répression. A Koulouba, les cercles de pouvoir étaient persuadés que le FDR allait opter, dès la proclamation des résultats provisoires, pour la violence, la mise à sac du pays.

Tous les commissariats de la ville de Bamako avaient été vidés de leurs éléments pour épauler les « Ninjas » et l’unité anti-émeute de la garde nationale. La violente réplique des forces de sécurité à la tentative de marche des jeunes du RPM entre clairement dans cette logique de ne tolérer aucun « trouble à l’ordre public ».

Le ministère était prêt à réagir violemment et, dans certains cercles du pouvoir, l’hypothèse de la mise au cachot des principaux leaders du FDR était envisagée. Pour deux des figures de proue du défunt Coppo convertis laudateurs zélés, cela aurait même marqué, enfin, une douce « vengeance » contre le président du RPM qu’ils considèrent avec rancune comme l’architecte de leur embastillement.

A l’évidence, les stratèges en réplique anti-contestation ont mal évalué leur coup. Soit par amateurisme soit par incompétence. Parce que, le FDR, dans son essence et son fonctionnement, est aux antipodes du Coppo. Tant le FDR est composé de personnes à la feuille de route impressionnante, tant le Coppo était un ramassis d’incendiaires déterminés à installer la chienlit dans le pays.

Il paraît franchement inimaginable de croire une minute qu’un ancien Premier ministre, un ex-chef de la diplomatie, un ancien ministre des Forces armées, un ancien directeur général de la Caisse des retraites et l’ancien médecin personnel du président Konaré se muent, du jour au lendemain, en incendiaires décidés à casser leur pays.

Cependant, si le FDR a opté pour la voie légale de contestation, cela ne veut absolument pas dire qu’il n’envisage pas un plan B au cas où la Cour constitutionnelle ferait fi des réclamations et des recours en annulation. Puisque les probabilités que cette Cour régurgite le scrutin du 29 avril et ordonne de nouvelles élections plus sérieuses sont quasiment nulles, le FDR travaille certainement sur d’autres schémas de riposte. Et c’est là que la gestion du 29 avril se corse.

Insomnies

Nous l’avons vu : toute la stratégie du pouvoir a été bâtie sur la répression des mouvements de rue ; et ces troubles n’arrivent pas. Cependant, à Koulouba, l’on est informé que tous les jours que Dieu fait, les principaux leaders du FDR, à savoir les 4 candidats et le représentant de l’ADJ, se réunissent et ce n’est certainement pas pour prendre du café et se distribuer quelques apéritifs. Sur quoi exactement portent les discussions ? C’est ce que le pouvoir aimerait bien savoir.

Malheureusement, aucune information ne filtre de ces huis clos. Koulouba n’arrive pas à percer le mystère de ces rencontres. Nous savons que le changement d’approche a été discuté à partir de cette réalité du manque d’information : il faut donc « casser le FDR ». Semer au mieux la division entre les membres, au pire la suspicion. Les religieux que personne n’a entendu tout au long du processus électoral (à l’exception notable de la Conférence épiscopale) ont été commis pour apaiser une tension qui, pour le moment, n’existe même pas. Puis, en pleine nuit, des émissaires de Koulouba débarquent chez Soumeylou Boubèye Maïga au nom du président de la République.

Rien qu’à l’observation de la mine patibulaire de SBM, les émissaires ont rebroussé chemin. Et il n’est pas sûr que ce soit avec des promesses de maroquins ou de strapontins que l’on réussira à harponner les chefs du FDR. Même si l’on chuchote à Bamako que certains des candidats à la présidentielle sont allés à la soupe avec des promesses de rogner quelque os ministériel pour leur sagesse exemplaire et leur mutisme exceptionnel.

Une fois confronté à l’inefficacité de la menace et à l’inopérable stratégie de division, quelle sera la réaction du pouvoir face à la détermination du FDR à contester la légalité et la légitimité de l’élection du 29 avril ? Bien malin qui pourrait le savoir. Comme bien malin qui pourrait anticiper ce que le FDR prépare comme riposte. Et dans une démocratie, il existe pour les bons stratèges, les moyens de faire vivre un enfer au pouvoir, sans descendre dans la rue ou casser des vitrines. On appelle cela : la stratégie de l’encerclement.

Ousmane Sow
(journaliste, Montréal)

11 mai 2007.