Dans un exercice destiné à la jeune génération, l’ancien chef de la Transition retrace le fil des événements du 26 Mars 1991.
En cette année de célébration du Cinquantenaire de l‘Indépendance, tout événement national revêt un caractère particulier. Il en est ainsi de l’anniversaire de la Révolution du 26 mars 1991 que le pays a célébré la semaine dernière. Le président de la République, Amadou Toumani Touré a saisi cette opportunité pour apporter un témoignage sur ces événements, dans le cadre d’une émission de nos confrères de l’ORTM intitulée « Ce jour-là ».
A travers cette démarche, Amadou Toumani Touré, témoin et acteur clé du 26 mars 1991 entendait expliquer à la jeune génération ce qui s’est passé ce jour-là. Une précision de taille : il intervenait non pas en qualité de président de la République, mais en tant qu’acteur et témoin de la Révolution démocratique. Il était au micro de notre confrère Sidiki N’Fa Konaté, le directeur général de l’ORTM, un autre témoin privilégié de la journée du 26 mars 1991.
En effet, celui-ci fut le premier journaliste à interviewer le lieutenant-colonel Amadou Toumani Touré, après le renversement du régime. En se soumettant à cet exercice inédit, le chef de l’État n’avait certainement pas l’intention de faire de grandes révélations.
Comme indiqué plus haut, il s’agissait simplement d’expliquer à la jeune génération les péripéties de cette journée décisive dans l’histoire du Mali moderne. L’initiative était d’autant plus utile que les tentatives de réécrire l’histoire n’ont pas manqué après la révolution de Mars 1991. Amadou Toumani Touré a d’abord expliqué le climat qui prévalait dans le pays les jours ayant précédé le 26 Mars.
Il existait alors une situation de chaos dans le pays. Les manifestations réclamant le changement étaient réprimées dans le sang. Des biens publics et privés étaient saccagés. Un climat de guerre civile régnait avec des Maliens tuant des Maliens. C’est dans un tel contexte que des jeunes officiers dont ATT lui-même décidèrent de prendre leurs responsabilités pour arrêter le bain de sang.
Après des consultations entre officiers de différentes armées, le principe du coup d’État fut arrêté ainsi que les modalités de son exécution. En tant que corps d’élite, la compagnie des commandos parachutistes, alors dirigée par le lieutenant-colonel Amadou Toumani Touré se trouva en première ligne. C’est à elle que revint la délicate tâche de mener l’opération à bien. C’est ainsi que le 26 mars aux environs de 23 heures, un groupe de militaires arrêtèrent le président de la République et d’autres dignitaires du régime réunis à Koulouba. L’opération fut menée sans effusion de sang. Une nouvelle page venait de s’ouvrir dans l’histoire du pays.
Le coup d’État pouvait-il échouer ? Amadou Toumani Touré n’exclut pas cette hypothèse. Mais dans tous les cas, les jeunes officiers avaient pris suffisamment de précautions envisageant plusieurs scénarios. Amadou Toumani Touré revient sur tous les autres épisodes de la Journée du 26 Mars 1991, comme ces tirs nourris que lui et ses éléments essuyèrent au niveau de l’actuelle Cité administrative en construction au moment où ils conduisaient le couple présidentiel arrêté au Camp para de Djikoroni. Il y avait-il un coup dans le Coup d’État ?
C’est bien probable. Les téléspectateurs ont également eu droit à des explications sur les circonstances dans lesquelles le Comité national pour la réconciliation (la junte) prit contact avec la coordination du Mouvement démocratique basée à la Bourse du travail. « Nous nous sommes spontanément rendus à la Bourse du travail pour rencontrer nos aînés du Mouvement démocratique qui avaient pris une part décisive dans la chute du régime ».
Le Comité national pour la réconciliation et la coordination du Mouvement démocratique formeront ensuite le Comité de transition pour le salut public (CTSP). C’est cet organe qui pilotera la transition. Une transition dont Amadou Toumani Touré peut être fier. Il avait pourtant bien fallu franchir nombre d’obstacles comme par exemple les difficultés de trésorerie. A ce propos, ATT révèle qu’au lendemain du coup d’Etat, au Trésor public, il n’y avait en tout et pour tout que … 350 millions de Fcfa.
Dans le témoignage, l’on apprend comment Amadou Toumani Touré s’est retrouvé à la tête CNR puis du CTSP. Des responsabilités qui n’allaient pas de soi pour lui, admet-il. L’un des moments cruciaux de la Transition fut sans doute la Conférence nationale qui jeta les bases des textes fondamentaux de la III République.
Ces assises nationales furent une grande réussite par rapport à d’autres conférences du même type organisées dans d’autres pays du continent. Amadou Toumani Touré n’entend pas évidement tirer sur lui seul tous les mérites du changement de régime et de la réussite de la transition. Il a travaillé avec des hommes et des femmes qui méritent respect et considérations et dont certains ne sont même plus de ce monde.
Cette initiative du président Touré ne doit pas être assimilée à un cours d’histoire. Il l’a précisé lui-même en soulignant que ce sont les historiens qui se chargeront de véhiculer à la postérité tout ce qui s’est passé. Il s’agissait juste d’un témoignage. Un témoignage utile et instructif car venant d’un acteur clé au 26 Mars.
Salim Togola
L’Essor du 30 Mars 2010.
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ATT à la télévision : Du marketing politique
ATT était l’invité de Sidiki Konaté, le directeur général de l’ORTM, pour « son » témoignage sur le 26 mars 1991, la Transition et le passage de témoin.
ATT avait le beau rôle : il tenait seul le crachoir et Sidiki, au besoin, lui tendait la perche ou l’aiguillonnait en cas de besoin. L’émission rappelait cette autre que l’autre a animé (autre temps, mêmes mœurs) avec Ibrahim Baba Kaké.
L’émission était la bienvenue, et pour une fois, offrait à ATT l’occasion de donner sa version des faits, 19 ans après le 26 mars, surtout que jusque-là, l’image qui nous était restée était celle où ATT annonçait que le 26 mars lui rappelait l’anniversaire de sa fille.
L’exercice avait son sens au moment où l’histoire du Mali est en constante évolution, en constante réécriture. Mais, il avait surtout son sens dans un contexte où le président est assailli par les problèmes de frontières, de gouvernance… C’était un exercice de com dont il avait besoin pour rebondir et surtout signifier sa présence.
Mais, le message fort que l’on retient du « one man show » d’ATT, c’est que le président de la République a tenté de courtiser son opposition. Il a passé le plus clair du temps à lui lancer des œillades et la perche. L’occasion était bonne pour le président pour tenter de se remettre en selle après les bourdes et les flops de ces derniers temps sur les questions d’otages et sur la politique intérieure, où on le sent de moins en moins.
En attendant de savoir ce qu’en pense l’opposition (qu’il faudrait chercher avec une loupe), ATT a délivré son message et fait parler de lui. C’était le but. Objectif atteint.
A Kalambry
Les Échos du 30 Mars 2010.