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Sévaré 13 février 2005, 7H 35mn. L’avion présidentiel parti de Bamako aux alentours de 6h 44mn s’immobilise sur le tarmac du petit aéroport de la localité. La journée s’annonce belle ; le soleil marque déjà son territoire et une foule impressionnante est à l’accueil. D’un simple coup d’œil, on domine la mosaïque humaine et culturelle de la région de Mopti. Des Peulh aux Dogon, en passant par les Bambara, les Bozo, les Bobo et les Sonrhaï… tous étaient de la partie, dansant, chantant et brandissant des pancartes et banderoles pour souhaiter la bienvenue à l’enfant du pays. Même le mythique orchestre, le Kanaga de Mopti, distillait les effluves matinales de son riche répertoire.

Après les salutations d’usage, le convoi s’ébranle en direction de Djenné, l’historique cité, où un exercice tout particulier attend le Président ATT. Il s’agit de parlementer – l’expression a tout son sens – avec l’ensemble des composantes de cette localité afin qu’elles lèvent leurs réserves quant à la construction du Seuil de Talo qui, dans l’imaginaire populaire local, assècherait le Bani au large de Djenné et du coup affamerait les populations.

Des salves de fusils annoncent l’arrivée du cortège présidentiel qui se fraie difficilement son chemin à travers une véritable marée humaine. La chaleur de l’accueil est de bon augure, les messages délivrés successivement par le Maire, le Chef de Village et l’Imam de Djenné le sont davantage. D’autant plus que, soucieux d’apporter quelque chose dans la corbeille des négociations qui ne sont pas gagnées d’avance, le Chef de l’Etat charge le ministre de l’Agriculture d’installer solennellement le Chef de la Cellule de Coordination du Programme de Développement rural du Cercle de Djenné. Ce programme va permettre la sécurisation des productions agricoles sur une superficie totale de 70.000 ha dont plus de 15.000 ha de périmètres rizicoles à maîtrise totale de l’eau.
Djenné la mystérieuse a fêté l’ancien élève de retour

Puis, le Chef de l’Etat s’adresse à Djenné, en français, bambara et fulfuldé et réserve le sonrhaï pour son prochain passage. A la grande satisfaction de l’auditoire. Le ton est mesuré, pédagogique, convainquant et incite à la confiance. Le Président expose avec force arguments sa Vision pour le Mali, au cœur de laquelle l’agriculture joue le rôle moteur. Il rappelle que c’est à Djenné qu’il a fait son entrée en 6eme.

Concluant sa démonstration, ATT lance :  » je ne peux que vous vouloir du bien. Si j’affame Djenné, je tue Mopti en aval dont je suis natif « . L’argument vaut son pesant d’or ; les populations sont rassurées et le dernier cercle des opposants au projet de Talo se laisse désarmer. Le Président peut être assuré de gagner son pari, à savoir obtenir l’autorisation et les bénédictions des populations de Djenné. L’autre argument-massue que le Chef de l’Etat met dans le plateau des négociations, c’est la présence à ses côtés du représentant de la BAD (Banque Africaine de Développement).

Dans son intervention, celui-ci annonce la mise en place d’une structure chargée de mener des études en vue de la réalisation d’un Seuil à Djenné, la BAD ayant marqué son accord pour financer lesdites études pour la bagatelle de plus de 888.000.000 FCFA. Mieux, la réalisation d’infrastructures socio-sanitaires sera prise en compte dans le projet dont ATT a voulu le démarrage imminent.

Après toutes ces bonnes nouvelles, garanties et aussi l’annonce d’un véhicule neuf sous huitaine pour la Gendarmerie de la ville, ATT a obtenu gain de cause. Et comme pour sceller le pacte moral ainsi conclu, l’Imam de Djenné, El Hadj Almamy Korobara, a fait des bénédictions pour le pays et ses dirigeants. C’est donc avec la satisfaction du devoir accompli que ATT et sa délégation ont pris le chemin de San, autre étape phare du périple présidentiel.

Il est 14 heures quand la délégation présidentielle arrive à San. La ville a fait sa toilette pour montrer son plus beau visage au Chef de l’Etat. De nombreux partis politiques sont présents à l’accueil et sont identifiables à leurs logos et messages. De mémoire de Sanois, on a rarement vu une foule aussi compacte sur les artères de la ville.
Pour la petite histoire, une unité de cavalerie aux couleurs chatoyantes achevait de faire le spectacle sur l’aire de réception.

L’étape de San

La magnificence du moment s’est traduite dans l’ensemble des interventions, à commencer par celle du Maire de la Commune et du Président de l’ARPASO (Association des Riziculteurs de la Plaine Aménagée de San-Ouest) dont la parabole du verbe a arraché des applaudissements très nourris à un public largement convaincu de la dimension historique de l’événement.

En effet, les travaux d’extension de San-Ouest dont ATT a donné le premier coup de lame portent sur l’aménagement de 1530 ha. Le Grand-Duché du Luxembourg, sollicité par l’Etat malien, a mis à disposition une subvention d’environ 2.165.000.000 FCA. Et c’est une entreprise nationale, Entreprise Générale Mamadou Konaté, qui devra réaliser les travaux pour une enveloppe de plus 748 millions de FCFA dans un délai d’exécution de 150 jours.

18h34mn, soit près de cinq heures de retard sur l’horaire initial, le Président et sa suite foulent le sol de la Commune rurale de Fani. C’est là que sera réalisé le Seuil-barrage de Talo dont les études sont bouclées depuis plus de huit ans. La nuit est complètement tombée ; la foule est restée compacte et mobilisée malgré la fatigue de l’attente et la poussière ambiante. L’aire de réception est illuminée par un groupe électrogène, les projecteurs de l’ORTM et les phares des véhicules 4X4.

Le seuil de Talo, faut-il le rappeler, est l’élément central du programme de mise en valeur des plaines du Moyen Bani qui se propose de réaliser, en deux phases et sur un délai de 10 ans, l’aménagement et la mise en culture irriguée en submersion contrôlée de 20.320 ha nets. Sur cet ensemble, 16.030 ha seront affectés à la riziculture, 4.290 ha à la production de pâturage aquatique (bourgou) et 490 ha de bassins piscicoles.

Parallèlement, d’autres réalisations connexes sont prévues à savoir, entre autres, la réhabilitation de la piste Cinzana – Katiéna – Wori – Talo – Yangasso sur 124km, la formation et l’organisation des exploitants ainsi qu’un boisement villageois sur 150 ha. L’enjeu est donc de taille et explique largement la mobilisation des populations.

La réalisation de ce projet qui fut longtemps une Arlésienne, coûtera à l’Etat malien plus de 22 milliards de FCFA grâce à l’appui financier de la BAD (Banque Africaine de Développement) et du Fonds de l’OPEP.  » C’est de l’argent qui doit être remboursé, insistera le Président de la République, en invitant les populations à plus d’effort, de solidarité, de don de soi, d’entente pour tirer le maximum de profit de ces réalisations « .

Seuil de Talo : un rêve devenu réalité

Lorsque le Président de la République, entouré des officiels, pose la première pierre à l’endroit où sera aménagé le seuil-Barrage, un vent de soulagement mêlé de joie et d’incrédulité souffle sur l’assistance. Enfin, se dit-on, l’Arlésienne prend forme. Bla et sa région peuvent à présent graver cette journée mémorable en lettres d’or dans les annales locales.

20 Heures. La délégation présidentielle quitte Talo pour rallier Bla, deux heures plus tard, où l’attend un déjeuner atypique. Malgré l’heure tardive, ATT a le temps de s’entretenir avec les autorités politiques, administratives et coutumières de la localité. Lorsque le cortège présidentiel arrive dans les faubourgs de Ségou, il est plus de 30 mn au-delà de minuit. Le peuple de la Cité des Balanzans n’a pas succombé au sommeil ; mieux, la ville est en effervescence pour saluer l’arrivée nocturne du Président de la République. Qui, à chaque fois qu’il a foulé le sol de Ségou, a apporté de bonnes nouvelles.

Lundi 14 février 2004. Il est 8h45mn lorsque le cortège présidentiel s’ébranle en direction de la zone Office du Niger. Trois étapes importantes sont inscrites au carnet de ATT : Koumouna, Boky-Wère et Ké-Macina.
Il est 9h30mn. Le Président de la République et sa suite sont accueillis à Koumouna dans une liesse populaire. Ici, faut-il le rappeler, ATT est à son second séjour en l’espace d’un an. Les populations, à travers le maire de la commune rurale, lui en savent gré.

D’autant plus que le projet de Koumouna est spécifique en ce sens que, c’est la première fois, l’Etat va installer des promoteurs privés dans des parcelles qu’il a aménagées. Le projet pilote que ATT a co-inauguré avec la représentante de la Banque Mondiale porte, entre autres, sur :
– l’aménagement d’un périmètre pilote de 930 ha ;
– une opération pilote de développement de l’irrigation privée sur 444 ha ;
– l’aménagement d’une superficie supplémentaire de 281 ha pour les populations de Zafina et Komola dans le cadre de leur déplacement.

Les aménagements réalisés par une entreprise nationale, STD SA, ont coûté la coquette somme de 2.268.909.600 FCFA, alors que le contrôle, assuré par un bureau canadien SNC Lavalin, s’élève à plus de 249 millions de nos francs. Quant aux travaux de création des villages de Zafina et Komola, villages désormais dotés d’un centre de santé et d’une école, ils ont été réalisés sous la maîtrise d’ouvrage délégué de l’AGETIER.

Koumouna préfigure l’installation des privés sur des aménagements réalisés par l’Etat

Outre l’inauguration de Koumouna, le Président donnait aussi le coup d’envoi des travaux d’agrandissement du Canal Costes-Ongoïba et les travaux des canaux du périmètre de Mbéwani sur financement de la Banque Mondiale dans le cadre du PNIR (Programme National d’Infrastructures Rurales).

Sur sa lancée, la délégation présidentielle prend la direction de Boky-Wèrè dans la commune rurale de Kolongo. Ici, le Président ATT donne le premier coup de pelle de la réhabilitation des aménagements du casier de Boky-Wèrè sur une superficie de 1250 ha. Ces travaux sont rendus possibles grâce au concours financier de l’Union Européenne pour un montant de 4.450.592.565 FCFA.

Aux dires du représentant de l’UE, cette seconde phase constitue le plus gros investissement de la Communauté au Mali dans la période 1995-2007. Et si les délais sont tenus, à savoir le 30 juin 2005, le représentant de l’UE a annoncé une intervention plus substantielle sur le 10eme FED pour ouvrir d’autres grands chantiers. Tout en saluant les entreprises retenues pour l’exécution des travaux, à savoir SOGEA-SATOM et le groupement des bureaux BCEOM-BETICO, le Président les a exhortés au respect des délais contractuels.

Dernière étape du périple présidentiel à l’Office du Niger, Ké-Macina. Ici, ATT lance officiellement les travaux de la Deuxième Phase de Ké-Macina portant sur 3160 ha. Ici comme ailleurs, les financements sont importants et donnent le vertige, 6.286.973.653 FCFA, mis à disposition par le Fonds Kowétien et le Fonds de l’OPEP. Les travaux seront réalisés par l’entreprise SATOM et le contrôle par SABOUR-GID, qui ont été retenus suite à un appel d’offres international. ATT a marqué toute sa satisfaction par rapport à l’approche novatrice d’implication des populations dans la gestion du projet d’une part, et la mise en place d’un système de crédit agricole d’autre part.

Autant de bonnes nouvelles pour une seule journée, il y avait largement de quoi justifier la mobilisation des populations de l’Office du Niger pour saluer le Chef de l’Etat à l’aller comme au retour. Et surtout, admettre avec lui que son ambition déclinée dans le Programme Gouvernemental d’Aménagement de 50.000 ha en maîtrise de l’eau n’était pas qu’un effet d’annonce.

A Boky-Wèrè et Ké-Macina, ATT ouvre de nouveaux chantiers
Dans son combat, ATT est suivi par le peuple qui ne lui ménage pas son soutien ; un peuple, convient-il de le reconnaître, était en proie au doute tant l’articulation entre le  » dire  » de ses dirigeants et leur  » faire  » manquait cruellement de visibilité. Mieux, une analyse de contenu des messages entendus et lus sur le terrain atteste de la parfaite communion entre le leader et son peuple qui, pour une fois, voit un début de réponse à ses préoccupations.

Le peuple des 5eme et 4eme régions le lui a d’ailleurs bien rendu qui s’est mobilisé au-delà de l’imaginable pour saluer en ATT non seulement le Chef de l’Etat, mais aussi le fils, le frère, l’ami, l’ancien pensionnaire de l’école du village… Que dire de ses amis, les Tout-Petits, dont certains étaient toujours debout, au-delà de minuit, entre Bla et Ségou, attendant sagement l’arrivée du cortège présidentiel. Et plus d’un membre de la délégation présidentielle s’est ému de voir et d’entendre ces milliers d’enfants s’adressant directement au Chef de l’Etat pour lui dire, avec leurs mots, « ATT, nous manquons de clases« , « ATT, nous voulons un centre de santé« , « ATT, nous voulons le téléphone et le courant« …

En définitive, ATT serait très avisé d’être plus souvent sur le terrain pour prendre le pouls du pays profond d’une part, et veiller jalousement à la mise en œuvre des engagements qu’il prend d’autre part. Du coup, il consoliderait sa pratique de gouvernance faite de plus d’écoute et d’égards vis-à-vis des préoccupations du monde rural qui, il faut le dire sans sourciller, constitue le pays réel.

Diarra Diakité
Chargé de Mission CCOM
Source : site internet de Koulouba – 23 février 2005