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L’histoire est un éternel recommencement. Des rives de la Volga aux bords du Djoliba en passant par la place Tien Amen à Pékin, les peuples ont forgé l’histoire à la lumière de leurs propres réalités. Chacun évoque le souvenir d’un passé douloureux qu’il faut à jamais enterrer.

Mais le poète a dit que les morts ne sont pas morts. Ils sont parmi nous, ils sont dans le souffle du vent… Et c’est pour cela qu’on ne peut pas enfouir la mémoire d’un peuple sous terre. Contrairement à Karl Marx, Hegel disait que ce sont les grands hommes qui font l’histoire. Théorie aisément vérifiable à la lumière même du matérialisme historique.

Lenine et Staline en Russie, Mao en Chine, Sekou Touré en Guinée, Kwamé N’Kurumah au Ghana sont tous des héros immortels qui ont laissé une trace indélébile sur la marche des évènements et sur l’évolution du monde. Selon que l’on fasse le bien ou le mal, il y aura toujours quelqu’un pour dire qu’au moins celui là, il n’est pas né pour rien.

Ainsi, trouve-t-on encore en Allemagne des admirateurs d’Hitler principalement en Bavière et dont les skinheads ne sont que la manifestation caricaturale. Le franquisme n’est pas mort après Franco ni le salazarisme après Salazar. Après tout, avec l’arrestation de Daouda Yattara on reparle de Satan et de ses disciples. Plus près de nous Henri Konan Bédié réclame l’héritage d’Houphouët Boigny en l’assaisonnant de la théorie xénophobe de l’ivoirité, contrairement à la volonté du père fondateur de la nation ivoirienne.

Le léninisme, le stalinisme, le franquisme, le satanisme sont des théories philosophiques qui collent bien à la peau de gens honorablement ou tristement célèbres. Et pourquoi pas le modibisme au Mali pour l’homme du 22 septembre 1960 ? Car en huit ans seulement d’un règne constructif, il aura bâti le Mali nouveau en jetant les bases d’une économie nationale indépendante.

Tous les Maliens reconnaissent qu’il est le père de la nation et le héros de l’indépendance nationale. A commencer par les quatorze zéros du 19 novembre 1968 qui, une fois entrés par effraction dans l’histoire, s’en sont donné à cœur joie. Alpha, qu’on dit être le disciple de Modibo, a honoré sa mémoire et construit un monument à sa gloire, mais il n’est jamais allé au-delà du dépôt de la traditionnelle gerbe de fleurs sur la tombe de l’illustre disparu et de la tenue des oraisons funèbres.

Aujourd’hui, 28 ans après sa mort, ATT continue à inaugurer les chrysanthèmes comme un empereur japonais. Faisant délibérément la sourde oreille aux revendications légitimes de l’Union Soudanaise RDA d’organiser des funérailles nationales pour le premier président du Mali indépendant.

On sait comment est mort Modibo Kéïta entre les mains de la soldatesque moussaïste. On sait dans quelle atmosphère il a été enterré. Mais au lieu de fêter les héros, on caresse les dictateurs en leur assurant asile doré et impunité. On ne sait pas si un jour l’œil de Caen ne va pas poursuivre les dirigeants de la IIIème République pour avoir délibérément commis un déni de justice.

A défaut de lui construire un mausolée comme sur la Place Rouge, au moins que la jeune génération de l’après indépendance apprenne, par l’organisation de funérailles grandioses, un pan important de sa propre histoire. Ce geste hautement patriotique, s’il n’ennoblit pas ATT, ne le fera pas descendre en enfer.


Mamadou Lamine Doumbia

17 mai 2005