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Dans cette contribution à l’allure plutôt dithyrambique, le dramaturge Gaoussou Diawara invite les auteurs de «ATT-cratie» à jeter bas le masque, descendre dans l’arène au même titre que les partis politiques pour atteindre leurs objectifs inavoués au lieu de continuer à salir un homme.

Les grands diseurs ne sont pas les grands faiseurs. «ATT-cratie» signé le Sphinx vient à point nommé pour illustrer cet adage car l’œuvre qui est loin d’être une réussite tant sur le plan du fond et de la forme met à nu la nature vulgaire et prétentieuse de ses auteurs. On ne se réveille pas subitement analyste politique.

Ecrire c’est poser un acte sans compromis avec sa conscience. Tout écrivain se démasque par sa manière de se dire. Il y a écrivain et écrivain. L’écrivain a des yeux pour voir la réalité dans ses manifestations, des oreilles pour entendre et comprendre son époque et un cœur pour battre avec les pulsions du monde.

L’écrivain signe des titres comme ATT-cratie. Et répondre même à un tel tas d’éclaboussures, c’est jeter des perles aux pourceaux.

Cette publication m’a rappelé une comédie du dramaturge anglais William Shakespeare «Beaucoup de bruit pour rien» tant elle a pris des proportions qui se réduisent à peu de rien. On l’a dit : Il faut rendre à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu.

Le Sphinx autoproclamé, qui écrit sur ATT, ignore tout du Sphinx d’Egypte et de la Grèce antique. Il ne sait pas pourquoi Amadou Toumani Touré tient en main les destinées de notre pays. Mais Dieu qui l’a désigné à ce poste sait pourquoi il l’a fait. Ou bien ?

Dieu, le Tout Puissant qui nous a créés tous, qui nous connaît à fond, individuellement et qui décide de la destinée de chacun de nous, en toute souveraineté n’a pas choisi par hasard ATT comme Timonier du Bateau Mali, après le départ du Professeur Konaré.

Oui ! Dieu le sait. Et ATT, de même, en âme et conscience sait que sa victoire du 8 juin 2002 aux élections présidentielles est d’abord et avant tout la victoire du peuple souverain du Mali, la victoire de la Mémoire, des valeurs séculaires de solidarité, la victoire des idéaux élevés de la nation, la victoire de ce que Montesquieu appelait «l’Esprit des Lois».

A quelques encablures de la fin de son brillant premier mandat, œuvre conjuguée de son peuple et de son équipe, voilà que des spectres, j’allais dire des fantômes se signalent dans la vie politique sereine du Mali pour se faire voir derrière un sphinx.

Après les révolutionnaires de la 25è heure, les patriotes à la petite semaine, les démocrates du dimanche et les manifestants des fêtes foraines, voilà que surgit au cœur de la campagne présidentielle de 2007 un Sphinx venu de nulle part, crachant force injures, des vagues enflammées de menaces à l’endroit des citoyens honorables.

Il compile des flonflons, des cancans et des fausses rumeurs qu’il enveloppe dans des mystères. Ses seules sources : «les milieux généralement bien informés». Ainsi, il roule tous ses lecteurs dans la farine et prend les enfants du bon Dieu pour des canards sauvages. Au comble de l’intoxication, il pousse les Maliens à attraper un chat noir dans une chambre noire.

D’entrée de jeu, ce monstre à corps de lion et à tête humaine prévient ses lecteurs : «Notre ambition n’est pas de faire le bilan du régime. Ceux qui souhaitent y trouver les réalisations chiffrées de juin 2002 à nos jours seront déçus. Mais seront satisfaits tous ceux qui sont soucieux du devenir du Mali».

Sur la base de quels critères fiables peut-on envisager un devenir sans bilan ? Toute analyse objective d’une situation donnée comporte nécessairement une reconnaissance des acquis, des points en création, des difficultés et des perspectives. Ici, aucune maïeutique pour atteindre sa cible.

Le Sphinx qui prend sûrement le soleil pour son étoile a ses raccourcis pour contourner la vox populi et la vox déi.

Ce comportement s’apparente plutôt à une personne énigmatique qu’à un Sphinx. Le Sphinx du Plateau de Gizeh au Caire en Egypte, tout comme le Sphinx de Thèbes en Grèce étaient des puits de savoirs et de sagesse. C’était des gardiens des Temples et étaient visibles.

Celui de Thèbes a été largement connu à travers la légende d’Œdipe-Roi, une tragédie écrite par Sophocle (496-406).

Avant de tuer sa victime à l’entrée de Thèbes, le Sphinx lui posait trois questions qui avaient chacune valeur de symbole. Qui séchait devant ces questions n’entrait pas dans la ville.

Voici l’énigme en question : Quel est l’animal qui, le matin, marche à quatre pattes, à midi, marche à deux pattes, le soir, marche à trois pattes ? La réponse, c’est l’homme. Le matin, c’est l’enfant qui roule à quatre pattes. Il va à la vie, la thèse posée en vue d’une explication.

A midi, c’est l’adulte sur ses deux pieds qui, incarnant l’anti-thèse, affronte la vie et ses difficultés pour se bâtir une identité.

Le soir, c’est le vieil homme appuyé sur une canne. Il fait la synthèse de son parcours grâce à la sagesse. Il réunit les éléments de la thèse et de l’antithèse en un tout. C’est l’opération inverse de l’analyse.

Le philosophe allemand Hegel vulgarise son système dialectique à travers ces trois termes (thèse, antithèse et synthèse).

Le Sphinx vous jugeait à partir de votre maîtrise des valeurs du passé, du présent et de l’avenir.
Mais le Sphinx d’ATT-cratie condamne à partir des préjugés et des a-prioris.

Si le Sphinx de Thèbes avait condamné Œdipe, un héros maudit, ce dernier n’allait pas accomplir son destin en tuant son père sans le savoir et en épousant sa mère qu’il ignorait. En découvrant son identité et celle de ses parents, il se crève les yeux. Les yeux extérieurs se ferment et s’ouvrent ceux de l’intérieur grâce à la psychanalyse.

Le Sphinx-calebasse de Bamako évite les hauteurs dans les idées. Il excelle surtout dans l’art de radoter et de comploter.
Dès la mise en marche de la gestion consensuelle du pouvoir et du dialogue social par ATT et son équipe, le Sphinx prend le maquis. Il a des yeux qui ne voient rien, des oreilles qui n’entendent rien et un cœur insensible au changement.

Au moment où héroïquement notre peuple lutte contre aléas climatiques, conséquences de la crise ivoirienne, hausse du prix du carburant, crise acridienne, chute du prix du coton, le Sphinx affûte ses armes pour en découdre avec le régime.

A l’affût des ragots et des tintamarres, il accumule non les acquis démocratiques, l’avancée dans le bien-être social, mais des histoires de chiens écrasés dans les journaux et les grains feutrés où des gourous qui n’ont pas su perdre accusent les tenants du pouvoir de tous les péchés d’Israël.

Si la parole est un bien public qui circule bien au Mali et à visage découvert, le Sphinx utilisera l’autocensure et préfèrera les coups bas, les peaux de bananes contre ses cibles.

Des hommes de courage ont signé des témoignages explosifs au prix de leur vie pour alerter la conscience universelle. C’est le cas de Ibrahima Ly (Toiles d’araignée) Jean Alata (Prison d’Afrique) Mamadou Diawara (Le manifeste de l’homme primitif) Steve Biko (Que personne ne pleure) écrit avec son sang avant sa mort dans une cellule de l’Afrique du Sud sous le régime de l’apartheid.
Mais «ATT-cratie», cet ouvrage qui est, selon ses auteurs, le fruit de trois années de collecte, d’information, de questionnement etc. demeure au pays de la parole libérée des paroles sans père.

Vide sur les plans intellectuel, philosophique et littéraire, l’œuvre, de l’incipit à l’excipit (ou du premier au dernier mot) n’apporte à ses lecteurs qu’un seul sentiment : la nécessité d’une indifférence face à la jalousie et à la méchanceté humaine.

Truffé de contradictions, ce livre l’est. Ses auteurs reconnaissent «qu’en 1991, l’arrivée de ATT au pouvoir était perçue comme une providence». Mais comment comprendre leur virage à 180° dès la première année de son quinquennat en tant que Président ? Ils rêvent de le voir partir pour «redonner un second souffle à la démocratie malienne».

Oublient-ils qu’une transition de 18 mois comporte moins de contraintes qu’un mandat présidentiel de 5 ans ?

Reconnaissent-ils que par son savoir-faire, son esprit de composition, ATT a mis les nouvelles institutions de la République en marche sous la transition alors qu’aujourd’hui la République Démocratique du Congo court depuis 18 ans derrière une vie politique normale ?

Revenu en 2002 à l’appel du Mouvement Citoyen appuyé par l’ossature de la classe politique malienne, ATT a réussi au Mali grâce au consensus ce qui est ailleurs qualifié de miracle, à savoir le renforcement de l’Etat, des institutions et de la démocratie à l’image de notre peuple. Des actes chaque jour sont posés dans la lutte contre l’exclusion, la pauvreté, le chômage.

Comme cela se dit : petite pluie abat grand vent. L’entente entre Maliens fait qu’aujourd’hui ce pays surmonte toutes ses difficultés, la solidarité aidant.
Qui se ressemble s’assemble. Autour des idéaux de paix, d’unité dans la diversité, de tolérance et de justice, notre peuple ne se laissera pas divertir par des Enchanteurs Merlins. Notre route est certes dure et longue, mais l’espoir est permis.

Les prophètes de mauvais augures qui, hier, ont baigné dans l’océan des privilèges au compte de l’Etat, n’entendent pas que les vagues du changement les ramènent à la berge. Oui au flux. Non au reflux.

Ils font feu de tout bois contre tous ceux qui émergent du lot. Ils refusent le fait qu’être homme c’est d’abord être digne.

Ils ont oublié la leçon du stoïcisme du loup d’Alfred Vigny. «L’homme est un apprenti et la douleur est son maître. Nul ne se connaît tant qu’il n’a pas souffert».

Opposés à cette philosophie, ces aigris sociaux, des auteurs qui cherchent à faire une révolution dans un verre d’eau profitent de la quiétude que vit le Mali d’aujourd’hui pour attirer l’attention sur des méthodes diffamatoires dont certains politiciens peuvent user pour semer le doute dans la conscience de leurs électeurs.

Ils s’improvisent auteurs, trempent leur plume dans du vitriol et salissent des citoyens dans 30 thèmes étalés sur 147 pages. Ils veulent, à défaut de grives, manger des merles. Ils déshabillent Pierre pour habiller Saint Paul. Ignorant que l’enfer est pavé de bonnes intentions, ils veulent «libérer la démocratie malienne à laquelle ATT a imprimé un coup de frein», selon leurs propos.

La cécité politique du Sphinx a atteint un degré inquiétant. L’expérience démocratique du Mali inspire aujourd’hui sans contexte de nombreux pays. Même en Europe où avec 2000 ans de recherche, aucun modèle démocratique exportable n’est créé. Parce que les Grecs ont inventé la démocratie politique directe dans laquelle les citoyens prennent eux-mêmes les décisions concernant la cité (polis) en fonction de chaque réalité. Et la formule de Rousseau semble avoir une dimension universelle. «Si l’avis contraire au mien l’emporte, cela prouve simplement que ce que j’estimais être la volonté générale ne l’était pas et je dois donc m’incliner».

Au lieu d’inciter les citoyens maliens à la sédition contre une institution légale solidement implantée dans le peuple, le Sphinx ferait mieux de se démasquer et de descendre dans l’arène politique pour atteindre ses objectifs par la voix des urnes. Quand on prend la plume, c’est pour fusionner. «N’insultez pas car selon Victor Hugo, le mot c’est le verbe. Et le verbe c’est Dieu». Et les Saintes Ecritures mettent en garde : «N’humiliez pas car Dieu venge l’iniquité des pères sur les enfants jusqu’à la troisième et jusqu’à la 4ème génération».

En guise de conclusion, il faut reconnaître un fait : les démocraties africaines souffrent d’un certain nombre de tares qui demeurent de véritables dangers pour nos communautés. Elles ont causé le malheur du Biafra en 1967, du Tchad en 1987, du Rwanda en 1994. Tous les conflits meurtriers qui ont anémié le Liberia, la Sierra Léone, l’Ethiopie, la Somalie, le Soudan et la Côte d’Ivoire de nos jours sont issus de ces phénomènes qui sont au nombre de trois :

1) L’Afrique souffre d’un manque grave de culture de nation ;

2) Le déficit culturel influe dans la quête de la démocratie sur la gestion ethnique qui conduit au désastre ;

3) La possession, la guerre, le pouvoir naissent là où la culture de la citoyenneté a déserté.

Ces trois dangers habitent les instincts du Sphinx et expliquent son raisonnement et son cheminement opérationnel.

Lavoisier a raison : «La nature a horreur du vide». Occupons notre peuple contre les francs-tireurs en l’armant avec la culture de la nation.

Gaoussou DIAWARA
Dramaturge

26 octobre 2006.