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En décidant d’organiser le 23e Sommet Afrique-France, le Mali, loin de tabler sur un soutien massif de l’ex-puissance coloniale, au nom d’un certain réalisme politique et arc-bouté sur ses valeurs ancestrales de dignité, a choisi de compter d’abord sur lui-même.
Son président l’a fait savoir en répondant à une question relative au soutien financier de la France dans l’organisation du Sommet : « La France est un pays ami du Mali, un partenaire privilégié. En nous engageant à abriter le Sommet, nous comptions d’abord sur nos propres efforts. Par respect pour la France et nous-mêmes, nous avions décidé d’assumer du mieux possible nos responsabilités et de ne pas fixer d’enveloppe financière pour l’appui français.
Mais nous savions aussi que nous pouvons compter sur l’accompagnement du président Chirac et du gouvernement français, et sur leur apport multiforme à la bonne organisation du Sommet. Nous avons collaboré de manière idéale, et je renouvelle mes remerciements à l’Etat français pour son soutien
« .

Actualité oblige, ATT a également fait part de sa vision, dans cet entretien à bâtons rompus, sur l’épineuse et brûlante question de l’immigration clandestine.

« L’apport des Maliens de l’extérieur est vital pour notre pays. Et nous leur en sommes infiniment reconnaissants.
Emigrer, c’est avant tout une décision personnelle. Il n’est donc pas question de dresser des entraves devant ceux et celles qui décident de partir. Mais nous avons une responsabilité en tant qu’Etat, celle de protéger nos ressortissants.
Leur sécurité nous préoccupe au plus haut point. Un dialogue entre pays de départ, pays de transit et pays d’accueil est devenu indispensable pour aborder la question de l’immigration, et aussi à tout le moins pour limiter les risques qui pèsent sur les candidats au départ, livrés souvent à des réseaux mafieux de passeurs sans foi ni loi
« .


Peut-on raisonnablement espérer, dans un jour proche, offrir du travail et de meilleures perspectives, ici en Afrique, à tous ces migrants?

Sur la question ATT d’exprimer son point de vue, tout en effleurant l’approche malienne en la matière.

 » Tous les gouvernements ont à cœur d’offrir du travail et des perspectives aux jeunes. C’est aussi leur raison d’être. Le problème n’est pas seulement africain. Même les pays riches éprouvent beaucoup de difficultés à répondre aux attentes de leurs jeunes.
Au Mali, on cherche à sortir des sentiers battus, en explorant des voies nouvelles. L’Etat a mis en place une Agence nationale pour l’emploi des jeunes (APEJ) et un Fonds national pour l’emploi des jeunes. Les résultats enregistrés sont encourageants. Mais aucune politique économique et sociale n’arrêtera définitivement les migrations. La mobilité des hommes est aussi vieille que le monde. L’amélioration de la situation au plan national peut diminuer les flux migratoires, mais ils ne tariront point. C’est le contraire qui aurait étonné à l’heure de la mondialisation
« .

De l’immigration clandestine à la jeunesse africaine, il n’y a qu’un pas qu’ATT, qui se dit l’ami des jeunes, a franchi au pas de charge. Les jeunes Africains, même s’ils ne sont pas d’accord avec certains choix, n’ont pas le droit de ne pas s’intéresser à la politique, a-t-il fait remarquer.

De toutes les façons, ils feront de la politique quand ce sera leur tour, dans le cadre de la relève générationnelle, pour présider aux destinées de nos nations, a-t-il poursuivi.

Il avait auparavant rappelé que c’est sur sa proposition que le thème relatif à la jeunesse a été retenu pour ce 23e Sommet.

Quid des relations bilatérales entre la France et le Mali ?

Elles sont excellentes, à en croire le président Amadou Toumani Touré. La France, a-t-il précisé, prend une part importante dans le développement de notre pays.

« J’ai eu le privilège, trois mois après mon investiture en juin 2002, d’effectuer une visite officielle en France et recevoir, en octobre 2003, le président Chirac au Mali, à Tombouctou. La tenue à Bamako du Sommet Afrique-France est un signe tangible de la qualité des liens entre les deux pays et des relations personnelles amicales que j’entretiens avec le chef de l’Etat français » a encore relevé le chef de l’Etat malien.

Sans langue de bois, ATT a également abordé l’inévitable question de la crise ivoirienne. « C’est une crise grave, les tensions sont souvent maximales. Nous avons de nombreux compatriotes sur place, qui résident en Côte d’Ivoire… Le Mali ne peut pas rester insensible à une crise qui l’affecte aussi gravement, au plan économique et humain. Je rappelle simplement que c’est sur mon initiative personnelle que les présidents Laurent Gbagbo de Côte d’Ivoire et Blaise Compaoré du Burkina Faso se sont rencontrés, à deux reprises, à Bamako. Et tous les observateurs s’accordent pour reconnaître que c’est la réunion de Bamako II qui a jeté les bases de l’accord obtenu, plus tard à Accra III » de souligner le président de la République.

Avez-vous des liens avec les rebelles de Bouaké, avec Guillaume Soro ? On dit que certains rebelles se sont réfugiés à Bamako, et que d’autres font des allers-retours fréquents…

« Cette fois, dans le rôle de l’aîné, j’ai toujours prodigué des conseils, chaque fois que mon avis a été sollicité, aux dirigeants des Forces nouvelles. Nous faisons partie de la CEDEAO où la libre circulation des personnes est une réalité. Mais le Mali a été constamment clair sur son refus d’hommes en armes sur son sol. Ceux qui ont enfreint cette recommandation ont été désarmés et traduits devant la justice » a déclaré ATT.

Yaya SIDIBE

30 novembre 2005.