Depuis la libération, le 10 mars dernier, de l’Espagnole Alicia Gomes, détenue dans le nord de notre pays par l’Aqmi, par les services secrets du président burkinabé, son homologue malien, qui se croyait incontournable dans la libération des otages, n’a pas apprécié l’irruption de son frère d’armes sur son terrain de chasse. Raison pour laquelle Amadou Toumani Touré s’est déplacé les 18 et 19 mars à Ouagadougou pour des explications. Il reste à savoir s’il sera entendu. Surtout qu’il y a à boire et à manger dans cette sale affaire.
Ce n’est pas la première fois que le président du Burkina Faso, Blaise Compaoré, l’assassin de son ami et frère d’armes Thomas Sankara, le 15 octobre 1987, intervient dans la libération des otages détenus par Al Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) au Mali.
En avril 2009, il avait obtenu la libération de deux Canadiens, travaillant au compte des Nations unies au Niger. Il est à rappeler que ces hommes avaient été enlevés au Niger en novembre 2008 avant d’être acheminés par les kidnappeurs dans leur repaire malien. Et depuis lors, silence radio du côté de la capitale burkinabé. Le temps pour Compaoré de s’occuper de deux dossiers brûlants sous ses bras : les crises togolaise et ivoirienne.
La tension était montée d’un cran au Togo suite au désaccord sur la représentativité au sein de la Commission Électorale Nationale Indépendante (CENI) entre l’opposition et la majorité présidentielle et sur le chronogramme de l’élection présidentielle, repoussée finalement au 4 mars dernier et qui s’est soldée par la victoire du président sortant Faure Eyadema.
En Côte d’Ivoire, le retard, dans la confection des listes électorales et de la non fixation de la date de la présidentielle, a failli mettre le feu aux poudres. Donc, il était de son devoir d’abandonner le front de la libération des otages pour prendre à bras le corps ces dossiers dans lesquels il joue sa carrière de médiation.
Avec une certaine accalmie dans les deux pays, Blaise n’a pratiquement plus les mains liées. Et quoi de plus normal qu’il lorgne du côté du Mali où il peut encore rehausser sa cote de popularité dans les négociations de libération des otages retenus dans le nord de notre pays.
Et il se trouve qu’une de ses compatriotes Philomène Kabouré est, avec son mari italien, détenue par Aqmi dans le désert malien. Cela milite en sa faveur pour qu’il intervienne afin que sa sœur, qui a refusé d’être libérée sans son mari, retrouve définitivement la liberté.
Mais cela serait vu d’un mauvais œil à Bamako. Le président malien, qui en a fait la libération des otages sa chasse gardée, aurait piqué une vive colère lorsque les médias ont mis Blaise sur la sellette dans la libération de l’Espagnole.
Furieux, a-t-on appris de sources proches du palais de Koulouba, le président malien, qui était annoncé depuis longtemps au Burkina pour une visite officielle, reprogramme son voyage malgré le calendrier chargé de son homologue du Faso. Voisinage et l’appartenance à la même corporation : l’armée obligent.
Le tapis rouge est déroulé. Et au bout des deux jours de visite, les deux chefs de l’État s’entretiennent sur les sujets brûlants de la sous- région, mais surtout du grignotage par le capitaine du domaine réservé au général. Et, il était bon que le Petit fils donne des explications au Grand père.
On apprend que les frères d’armes se seraient entendus pour que les conflits d’intérêts ne détériorent pas leur amitié. C’est ainsi que le président malien aurait laissé entendre que «je t’ai laissé la médiation, tu me laisses la libération des otages.
Le président ATT, qui n’a pas souhaité s’adjuger le rôle de médiateur en plus de ses fonctions présidentielles, a, avec ses pairs de la sous- région, porté leur choix sur Compaoré comme médiateur dans les crises togolaise et ivoirienne. Et, il semble que notre président est pour beaucoup pour que l’assassin de son ami enfile la tenue de médiateur. Un temps, peut être, pour que la justice internationale l’oublie. Ainsi, les bons amis font les bons comptes.
Donc, le message était clair : «i ka na n’ka na bon, ne yèrè ti ta bon».
Traduction : ne verse pas ma sauce, je ne verserai pas la sienne.
Alors le Na (sauce) existe même au sommet de l’État.
Yoro SOW
22 Mars 2010.