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Ces regards tournés vers l’hémicycle de Bagadadji s’expliquent surtout par des interrogations que suscitent l’animation d’une opposition parlementaire par le Rpm, un parti politique qui a deux ministres au gouvernement et dont le chef préside le parlement.

Lors des débats parlementaires et des votes, les partisans de El Hadj Ibrahim Boubacar Kéïta (IBK, président du Rpm) auront-ils le vin suffisamment dilué pour ne pas mécontenter le pouvoir ?

Le président IBK arbitrera-t-il les travaux parlementaires en toute impartialité ? Sinon un remaniement ministériel prendra-t-il en compte l’attitude des députés du Rpm, si ceux-ci se résolvaient à jouer jusqu’au bout, le jeu de l’opposition parlementaire ?

Les réponses à toutes ces questions ne tarderont pas à se découvrir, la session budgétaire étant déjà ouverte. Que peut-on dire du climat qui règne à l’Assemblée nationale après la tempête qui a marqué l’élection du bureau ?

Pour un membre de la conférence des présidents que nous avons rencontré, on ne peut rien conclure pour le moment, mais la situation tend vers l’accalmie.

Les députés Rpm prennent timidement part aux travaux en commission aux côtés de ceux de la coalition, nous dit ce responsable de bureau. Mais les députés semblent être sur le qui-vive.

Pour cette session d’octobre d’importants projets de loi sont sur le bureau du président de l’Assemblée nationale, dont le projet de loi de finances 2005-2006.

A vouloir animer franchement l’opposition parlementaire, les députés du Rpm pourraient au mieux exploiter les possibilités offertes à tout député d’exprimer librement leurs opinions lors des débats parlementaires.

Au-delà, ils n’ont pas le poids pour bloquer le vote des projets de lois dont le gouvernement voudrait l’adoption par l’Assemblée nationale.

Dans le même ordre IBK, le président du Rpm et du parlement sera sans doute tenu à l’oeil pour qu’il n’abuse pas de la police des débats en accordant des faveurs à ses partisans.

Sinon il pourra soulever le courroux des députés de la Coalition des partisans du consensus.

Mais si l’opposition parlementaire étendait sa révolte au rejet systématique des projets de loi, alors la situation pourrait avoir des prolongements en touchant l’action gouvernementale dont le Rpm partage le bilan.

Ce double jeu ne sied pas à un parti cohérent que se voudrait la formation de El Hadj Ibrahim Boubacar Kéïta avec des ambitions présidentielles pour 2007.

Aujourd’hui, rien ne présage que le parti de l’opposition parlementaire va mettre de l’eau dans son vin. Il a saisi la tribune de l’Assemblée nationale pour dire son état d’âme qui s’est traduit par le boycott des bureaux de l’Assemblée et des Commissions.

Mieux, la direction du parti s’est réunie pour entériner l’acte posé par les députés et prôner l’alternance au pouvoir.

Ce signal envoyé à l’opinion national est édifiant : le Rpm opte pour l’opposition. Mais le parti ira-t-il jusqu’au bout parce que l’opposition ne se proclame pas seulement, elle se vit.

Il y a lieu de croire que le processus est irréversible. Mais avec le prix que l’opposition coûte, le parti pourra-t-il jouer le jeu tout en restant soudé ?

En tout cas à l’Assemblée nationale, les conclusions ont été tirées. Tous les bureaux de commissions ont été constitués sans le Rpm.

Selon des sources crédibles, les deux postes vacants du bureau du parlement seront bientôt occupés par d’autres députés, issus de la coalition. Car dit-on, la nature a horreur du vide.

Boukary Daou

21 octobre 2005.