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Qu’est-ce qui se passe dans ton pays ? Pourquoi y tue-t-on des journalistes ? Votre pays est-il dirigé par un dictateur ?… Autant de questions gênantes qu’on ne cesse de me poser ici après la mort de Ghislaine Dupont et de Claude Verlon enlevés et tués samedi (2 novembre 2013) près de la ville de Kidal. Des questions embarrassantes quand on est en voyage dans un pays où les libertés, surtout de presse et d’expression, sont constitutionnellement sacrées.

Que ressentir ? La gêne ! On est très gêné et embarrassé pour le Mali, cette terre hospitalière et où des centaines d’innocents sont morts en 1991 pour que la liberté de presse et d’expression soient garanties à jamais.

Puis la gêne laisse la place à la consternation, à la tristesse et à la colère puis à la révolte. L’assassinat de Ghislaine Dupont et de Claude Verlon est vraiment un acte lâche et écœurant. Mais, ces nombreuses questions ont au moins le mérite de nous permettre d’échanger avec des confrères africains et des citoyens américains sur la situation de Kidal où le « MNLA » a impunément droit de cité. Une impunité hélas encouragée par la France.

Dans un pays comme les Etats-Unis, où les présidentielles maliennes ont eu un écho élogieux, comment peut penser qu’il y ait encore une région où le pays ne peut pas assumer sa souveraineté ? Et, pourtant, comme le disait le ministre de la Défense et des Anciens combattants sur France 24, « Kidal est la seule région du Mali pour le moment où la souveraineté de l’Etat n’est pas effective ».

Et cela à cause de la complaisance de l’Elysée et du Quai d’Orsay (ministère français des Affaires étrangères) à l’égard du MNLA. Les autorités françaises ont fait de la prétendue « question touareg » un sujet hautement sensible au point d’y nier la souveraineté du Mali. Elles sont plus véhémentes à l’égard des rebelles touaregs que les nationalistes Corses (France) ou Basques (Espagne).

Nous ne le dirons jamais assez que le Mali doit à la France d’exister aujourd’hui comme un Etat. Mais, cela ne doit pas nous empêcher d’avoir un regard critique sur la situation qu’elle encourage à Kidal. Une cité où la présence des forces armées et de sécurité maliennes ainsi que celles de la Minusma est très limitée par l’Opération serval.

Ce qui fait que la capitale de l’Adrar des Ifoghas est devenue un nid des terroristes et des extrémistes qui peuvent s’y infiltrer et se livrer à toutes sortes d’exactions comme l’enlèvement et l’assassinat des deux journalistes de RFI. Et ce n’est un secret pour personne que le MNLA est le principal complice des terroristes. Les Français craindraient des actes de vengeance contre leurs protégés touaregs qui se sont pourtant volontairement mis aux bancs de la communauté en essayant d’imposer en vain leur cause à leur communauté.

En fait, le président Hollande avait les mains liées par deux forces qui ne comprennent rien à la situation au nord du Mali : l’opinion nationale française soucieuse du sort des otages libérés il y a quelques jours, et les lobbies qui ont créé le MNLA de toutes pièces pour déstabiliser le Mali et se livrer aux trafics d’arme et de stupéfiants.

Un no man’s land entretenu par l’Hexagone

C’est surtout la position de ce dernier lobby qui n’est pas défendable. En effet comment peut-on lier le sort de toute une région, au peuplement si diversifié, à la vision de quelques irrédentistes en quête de prétextes déstabilisateurs pour se livrer à leurs trafics ?

C’est la France qui a entretenu la situation actuelle de no man’s land qui prévaut. A quelle fin ? Allez-y demander plutôt à Laurent Fabius. Au Quai d’Orsay et à l’Elysée, on doit avoir l’assassinat de nos deux confrères sur la conscience. En effet, comme le disait le grand frère Oudou Bengaly sur Facebook, «le chien enragé a mordu le fils de son maitre». Ce qui équivaut à sa condamnation à mort.

Après cet abominable crime, la France va-t-elle enfin tirer les leçons de l’impunité qu’elle encourage à Kidal et arrêter d’entretenir ce que beaucoup qualifient aujourd’hui de «malfrats sanguinaires du MNLA» ? Rien n’est moins sûr parce que la France est à l’image de son président actuel : indécise et incrédule !

En ce moment où l’espoir renaît dans tout le pays, le Mali n’avait plus besoin qu’on lui impose une telle mauvaise publicité à travers un acte crapuleux et odieux. Mais, qu’est-ce que ces barbares des temps modernes pouvaient-il reprocher à nos confrères ? Tout simplement de faire leur boulot. De se battre avec le courage de leur passion du journalisme pour informer. Victimes de ce « crime odieux, abject et révoltant », Claude et Ghislaine ont payé le prix fort pour leur soif de d’informer le public.

Parce que la vérité dérange les politiques et les forces obscurantistes. C’est pourquoi les journalistes sont leurs principales victimes. On est alors tenté de dire : plus jamais ça ! Mais, on le dit aussi avec l’intime conviction que c’est une utopie car ce métier demeurera toujours un risque mortel dans un monde d’obscurantistes, d’ignorants… de mensonge et d’intolérance !

Moussa Bolly

(Depuis Athens, Géorgie (USA))

05 Novembre 2013