Au Mali, la roue de l’histoire tourne à l’envers. En effet, depuis l’indépendance du pays en 1960, c’est la première fois qu’un journaliste est inculpé pour » offense au chef de l’Etat « . Là n’est pas le problème. Celui-ci réside dans la violation volontaire de la loi, portant sur la presse et délits de presse au Mali. Cette loi promulguée par le président Konaré le 7 juillet 2000, rend en son article 13 le directeur de publication responsable du contenu du journal.
Au chapitre des personnes responsables des crimes et délits commis par voie de presse, l’article 52 précise que : « dans l’ordre ci-après sont passibles des peines applicables aux crimes et délits commis par voie de presse : les directeurs des organes médiatiques audiovisuels, les directeurs de publication ou les éditeurs quelles que soient leur profession ou leur détermination et, dans le cas prévu à l’article 16 les codirecteurs de publication. A leur défaut, les auteurs, à défaut des auteurs, les imprimeurs, à défaut des imprimeurs, les vendeurs, les distributeurs et afficheurs… »
C’est dire que cette disposition de la loi n’a pas été observée parce que la justice a superbement évité l’arrestation de Sambi Touré, qui aurait dû intervenir dans la logique du parquet avant celle de Seydina Oumar Diarra, qui serait alors complice.
Cela non pas pour plaider l’emprisonnement du directeur de Info – Matin, mais pour prouver que la procédure a été viciée. Ni l’un ni l’autre ne devrait être poursuivi pour une sale affaire que le parquet aurait dû regarder avec mépris.
Hélas, le puissant procureur Sombé Théra, qui a l’opportunité de poursuite, a cru bon d’emprisonner illégalement Seydina Oumar Diarra, sur la base du droit commun. En effet, au lieu de la loi précitée, le parquet a puisé dans le code pénal, notamment en son article 147, pour justifier son attitude.
Cela est inacceptable dans la mesure où ce qu’on reproche à SOD a été fait dans le cadre d’un organe de presse et s’il devrait être jugé pour ça, le juge doit se référer à la loi sur la presse et délits de presse qui comporte précisément un chapitre consacré aux « délits contre les chefs d’Etat et agents diplomatiques ».
L’article 46 est ainsi libellé : « l’offense commise publiquement envers le chef de l’Etat, le chef du gouvernement, les chefs d’Etat étrangers, les chefs de gouvernement étrangers sera punie des peines prévues à l’article 36 de la présente loi« .
Cette dernière disposition énonce que « l’offense … à la personne du chef de l’Etat de la République du Mali est punie d’emprisonnement de trois à un an et d’une amende de 50 000 à 600. 000 FCFA ou de l’une de ces deux peines seulement « . C’est dire que la loi sur la presse et délits de presse n’a rien oublié. Encore que la loi spéciale ( loi sur la presse) prime sur la loi générale ( code pénal).
Dans tous les pays du monde, ce sont les directeurs de publication qui répondent d’abord devant le tribunal en cas de poursuite et l’auteur de l’article incriminé ensuite. Au Mali, c’est désormais l’envers.
Enfin, nous croyons fermement que dans l’article de SOD, il n’ y a eu aucune offense envers le chef de l’Etat du Mali. Dans la mesure où son nom n’y apparaît nulle part et que nom de Dieu, il n’est pas l’unique président de la République au monde. A notre connaissance, il y en a plus de 150.
Chahana TAKIOU
18 juin 2007