Suite à l’élection du président de l’Assemblée Nationale, l’actualité reste dominée par la défaite de Me Mountaga Tall, président du CNID-FYT, face à Dioncounda Traoré, président de l’Adema et de l’ADP. Et les commentaires vont bon train dans la presse, les rues et les grins de Bamako.
De ces échanges, deux opinions différentes s’opposent. D’un côté, ceux qui trouvent en Tall un homme politique prétentieux avec des ambitions illimitées, capable de tout pour arriver à ses fins.
De l’autre, ceux qui voient plutôt, en l’homme, un politique chevronné, avec un excellent parcours, qui a beaucoup contribué à l’avènement de la démocratie et qui, à ce jour encore, contribue à rehausser le débat démocratique au Mali.
Les supputations sont telles qu’on se demande aujourd’hui si Me Tall a jamais été compris par les Maliens, dans sa perception et ses démarches politiques. Me Tall lui-même s’expliquait, tout juste après la victoire de Dioncounda Traoré, sur les motivations profondes de sa candidature au perchoir : “Je voudrais d’abord et avant tout,, féliciter le nouveau président élu, et souhaiter, du fond de mon coeur, qu’il réussisse pleinement sa mission. Vous savez, il y a un temps pour tout. Il y a eu le temps de la compétition à laquelle je me réjouis d’avoir contribué en faisant en sorte que l’élection du président de l’Assemblée nationale soit un moment de débats…”.
Autrement dit, “L’Assemblée nationale du Mali, qui est le creuset par excellence de l’expression démocratique” aurait perdu ses marques si Dioncounda ne devait pas avoir de concurrent dans la course pour le perchoir, et qu’on devait tout simplement l’introniser ”comme un roi héritier”.
Me Mountaga Tall aurait donc contribué à combler ce vide démocratique. Et mieux, le faisant, le président du CNID-FYT met déjà à mal les opposants au régime ATT qui n’auraient pas manqué l’occasion de tirer sur la mouvance présidentielle, au cas où Dioncounda Traoré aurait été élu sans adversaire.
IBK et ses camarades du FDR, qui continuent d’ailleurs à spéculer sur un supposé empiètement du régime lors des législatives pour les réduire à néant, risquaient d’y trouver matière à caution.
Que les deux candidatures soient de l’ADP ne constitue aucune entorse à la démocratie, encore moins des signes annonciateurs d’une probable implosion du regroupement? Car comme l’a dit Tall lui-même, ce n’était qu’une compétition. Et dans une compétition, il y a forcément un gagnant et un perdant.
Certes, Dioncounda a gagné, mais Me Mountaga aussi, car il est parvenu à se conformer à un engagement politique : susciter le débat. Ne dit-on pas que le dictateur forge son image à la puissance des armes, alors que le démocrate s’illustre par la qualité des débats contradictoires?
N’est-ce pas pour ces mêmes raisons qu’IBK, alors premier ministre d’Alpha Oumar Konaré, s’était juré de faire tout pour qu’il ne siège pas à l’Assemblée, pour avoir osé introduire une motion de censure contre le Gouvernement? N’est-ce pas pour ces mêmes raisons que Tiébilé Dramé et ses compagnons ont pris armes et bagages pour créer le Parena? Idem pour le défunt régime du général Moussa Traoré qui ne pouvait plus sentir ce jeune contestataire de l’époque contraint à l’exil.
C’est dire que Me Mountaga Tall n’est pas un néophyte en politique. Il savait très bien les risques qu’il encourait en se portant candidat pour le perchoir, c’est- à -dire qu’il allait passer ou échouer, comme le veut toute compétition, mais tous ces deux scénarios lui importaient peu; l’essentiel, pour lui, était de susciter le débat.
Et ce pari, Mountaga l’a gagné et de façon élégante, car c’est lui, le premier, qui s’est levé pour aller féliciter Dioncounda Traoré, le tout nouveau président de l’Assemblée nationale. Mais il semble que ce côté vivifiant de la démocratie est presque passé inaperçu. Me Tall serait-il en avance sur ses concitoyens dans la perception même du jeu démocratique?
A regarder de près, on se rend compte que l’homme a, en réalité, commis peu d’erreurs politiques tout au long de son parcours, sans pour autant réussir à se retrouver loin des polémiques. Toujours est-il qu’il reste une des valeurs sûres de la démocratie malienne.
Et contrairement à ce que d’aucuns pensent, l’enfant de Ségou n’entend point quitter l’ADP, encore moins nourrir de l’animosité envers Dioncounda Traoré. “A présent, la compétition est terminée. Il y a un président, il faut se mettre au travail et faire en sorte que l’Assemblée nationale du Mali, qui est le creuset par excellence de l’expression démocratique, puisse travailler dans un même sens et dans un même élan. Et de ce point de vue, en tant que député, je dis bien en tant que député, je saurai prendre toute ma part…” Des propos qui illustrent bien son état d’âme.
Adama S. DIALLO
07 septembre 2007.