L’opposition malienne ne doit plus peiner pour trouver un thème déstabilisateur de l’arrogante majorité politique. En effet, le ministre de l’Equipement et des Transports va bientôt leur en offrir un sur un plateau d’argent : le dédouanement forcé et l’obligation des permis de conduire pour les propriétaires des engins à deux roues.
Ces mesures constituent une couleuvre que les motocyclistes ne sont pas prêts à avaler sans se battre. Et ils comptent sur la classe politique, notamment l’opposition, pour les défendre.
Depuis qu’il a réussi le coup de force qui l’a porté à la tête du Mouvement citoyen (MC) au détriment de ses vrais fondateurs, le ministre de l’Equipement et des Transports se prend désormais comme un « as » de la politique. Il se croit la tête pensante du MC. Et sous prétexte de sécurité routière, il n’hésite même plus à venir au secours du ministre des Finances qui pousse des cheveux blancs devant l’équation du renflouement du Trésor public.
La désormais « éminence grise » du gouvernement a décidé que, du 1er novembre 2008 au 30 avril 2009, des « mesures exceptionnelles » vont être imposées aux propriétaires d’engins à deux roues. Cette action, selon les responsables du département, vise à faciliter le dédouanement, l’immatriculation et l’obtention de l’autorisation de conduire. Mais, c’est en réalité une imposition fiscale qui ne dit pas son nom.
« J’ai l’impression que nos dirigeants nous prennent réellement pour des imbéciles. Mais, qu’ils se détrompent parce que nous savons qu’ils ne se soucient jamais de nous sauf dans leurs discours démagogiques. Le ministre des Transports cherche l’occasion de bâtir une longévité gouvernementale aux détriments des pauvres propriétaires d’engins à deux roues. Mais, nous ne nous laisserons pas faire », avertit un jeune employé de bureau.
« Quand il a pris le contrôle du Mouvement citoyen, j’avais pensé que cet homme était un politicien expérimenté. Mais, les nouvelles mesures préconisées nous montrent qu’il est plutôt un apprenti sorcier qui veut se faire bientôt hara-kiri. En effet, même le président Amadou Toumani Touré avait renoncé à ces mesures pour qu’elles ne jouent pas négativement sur sa campagne en 2007. C’est curieux que Séméga tente de les imposer à la grande majorité des électeurs à l’approche des municipales qui sont pourtant d’une importance capitale pour tout mouvement politique digne de ce nom », déplore Hawa Dia, cadre d’un parti politique de la majorité.
Par naïveté politique ? « C’est évident parce qu’il n’est pas aussi patriote au point de se sacrifier par fidélité à un homme. C’est donc un grand naïf qu’on veut briser en lui faisant prendre des mesures impopulaires », pense cette dernière.
Entre dépit et colère
Pour cet autre cadre politique, « si l’opposition était en panne de thème pour les municipales, je pense que le ministre de l’Equipement et des Transports vient de lui en offrir un sur un plateau d’argent.
L’insécurité routière liée aux engins à deux roues est un fléau connu seulement à Bamako et quelques grandes villes où l’on trouve une minorité de propriétaires d’engins à deux roues. A cause de quelques irresponsables, on veut pénaliser tout le monde et exposer le pays à une révolte déstabilisatrice. Je pense que le gouvernement a occulté les dimensions socioéconomiques de cette mesure », analyse un confrère de la place.
« Nous ne sommes pas contre le dédouanement des engins à deux roues. Mais, le gouvernement doit percevoir directement cette recette fiscale à l’importation des engins au lieu d’importuner les pauvres citoyens à cause de cela », indique un paysan de Koutiala.
« Nous imposer un permis ou une autorisation de conduite de nos pauvres motos relève de l’ironie. Et je suis surpris qu’aucun député ni aucun élu municipal n’ait réagi à cette absurdité. Nous les attendons au tournant », promet-il.
« Je me suis ruinée à la dernière rentrée pour offrir une Jakarta à mes enfants (une fille et un garçon, Ndlr) pour leur permettre d’étudier. Le prix d’essence et l’entretien me coûtent autant que la satisfaction de leurs besoins essentiels. Et aujourd’hui, il faut que je trouve les moyens de dédouaner une moto qui n’aurait pas dû être vendue sans l’être, trouver un permis… Au lieu de trouver un mécanisme d’aide pour nous les pauvres, les gouvernants cherchent à nous accabler, à priver nos enfants de moyens d’étude », déplore Sitan Sidibé, une veuve responsable de foyer.
Elle ajoute : « Nos dirigeants sont devenus de vrais loups pour nous les pauvres. Nous avions voté pour ATT en 2002 et 2007 parce que nous pensions qu’il était l’ange capable de résoudre nos maux. Hélas, il s’est entouré de démons qui ne pensent qu’à leurs poches ou à leur ascension politique ! »
Les engins à deux roues ont un rôle socioéconomique très important dans ce pays. Dans les zones rurales, par exemple, ils assurent une part importante du transport des productions agricoles. Ils sont en tout cas incontournables dans un pays qui, malgré les efforts louables des autorités, est encore très enclavé. Sans compter que le moment est très mal choisi pour une majorité éprouvée par les dépenses du ramadan, de la rentrée scolaire et académique ainsi que, bientôt, de la Tabaski.
Vieux Georges
30 Octobre 2008