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Le Mali, un pays majoritairement musulman, n’a pas cessé d’invoquer Dieu à l’annonce des consultations présidentielles du 28 juillet et du 11 août 2013. Les prières et les vœux furent exhaussés. Le pays sous des pluies battantes a voté sans encombre. Des élections apaisées, aux taux de participation inégalés. Ibrahim Boubacar Keïta, appelé de façon lapidaire IBK a reçu l’onction du Seigneur. Mes félicitations s’adressent au parti dont je suis l’un des présidents d’honneur, l’UM/RDA. Nous avons fait le meilleur des choix. Sagesse oblige, le lauréat a exigé de ses militants et sympathisants, mais également de ceux des partis amis, qu’ils se réjouissent avec mesure du succès.

Le « perdant « , par sa présence physique et celle de son épouse et de ses enfants chez son aîné Ibrahim Boubacar Keïta a fait preuve d’humilité et de grandeur d’âme. Le geste est d’autant plus symbolique qu’il est inédit en Afrique. La renonciation de Soumaïla à des recours intempestifs en annulation l’a porté aux nuees. Le candidat malheureux a conforté nos valeurs sociétales. Je n’étais pas surpris que le fils d’un enseignant émérite, d’un infatigable chercheur en histoire, ait accompli ce geste magistral, qui fait honneur à son pays et à sa modeste personne. J’eus l’honneur d’être » moniteur six-aoûtard « à l’école de Légal Ségou II – Kayes -, dirigée par Bocar Cissé.

Les enfants de la famille : Mariam, Samba, Ami…m’étaient attachés. Avec un père dévot et une mère dévote, les enfants de Bocar et de Ba Sadio ne pouvaient être qu’à l’image de leurs parents. Cet autre échec doit-il amener Soumaïla à » prendre ses sandales et donner du talon pendant que Rome brûle ? « . Je ne le pense pas. Le président de l’URD affirme ne pas abandonner l’arène politique. Qui sait de quoi demain sera fait ? L’apport de l’éminent gestionnaire à l’hémicycle ; un homme aux compétences avérées, serait plus que jamais nécessaire, car il s’agit de rénover cette » Ecurie d’Augias « , instrumentalisée depuis toujours. Les formations politiques qui l’ont soutenu, doivent constituer autour de lui, une opposition d’envergure et dynamique. Une telle structure oppositionnelle a manqué à ce pays. Selon AMIEL : » Le sous-sol de toute civilisation, c’est la moralité moyenne des citoyens. Si les juges, les élus du peuple, les grands commis de l’Etat, les officiers supérieurs… se dévoient, il y a quelque chose de pire que la fornication… « . Ce fut toujours le cas au Mali.

» Le succès n’est d’autant mieux remporté que lorsqu’on l’a chèrement acquis… « . IBK fut persévérant, et il en a été récompensé. Le 3ème président de la 3ème République fut largement plébiscité par les 77,61% des électeurs. Faut-il rappeler que la période de grâce pour un nouveau président est plutôt maigre. Les critiques iront bon train à partir de l’ossature du Gouvernement et de la qualité des hommes qui y figureront. On ne saurait opérer les changements souhaités avec des ministres qui proviennent d’un népotisme exacerbé. Le Mali est face à des besoins pressants. Il faut des hommes compétents et désintéressés pour y faire face : la paix au Nord, une armée à genou, la sécurité, la cherté de la vie, le chômage des jeunes, l’or qui se brade, la problématique de l’école, l’agriculture qui ne nourrit ni son homme ni le pays…

Le président français annonce sa présence physique à Bamako pour l’investiture d’Ibrahim Boubacar Keita. Le Mali doit réserver à la France en retour, la primeur des déplacements du nouveau président à l’étranger. Il s’agit dans l’immédiat, au travers d’une visite de travail…, d’obtenir de Hollande la confirmation de la France, quant à l’intégrité territoriale du Mali. Ce prélude aux négociations du Burkina, clarifiera davantage la situation de Kidal. Les Bilal Ag Achérif, Mossa Ag Attaher…, sont d’indécrottables narcotrafiquants qui renoncent difficilement à leurs velléités indépendantistes ….

Il faut qu’ils apprennent que la France a choisi son camp. Ces bandits armés ont besoin d’espace pour se livrer à leurs activités criminelles : trafic de drogues, de cigarettes, de munitions, d’armes… Les Ag Assarid n’abandonneront pas leurs idées séparatistes lors de simples rencontres au Burkina à Abidjan ou ailleurs. Seule une position tranchée de la France pourrait contraindre ces Touaregs au renoncement. Dioncounda et Hollande en étaient à : » tu » et à » toi « . Cette estime réciproque entre les deux présidents, qui s’est matérialisée par » l’Opération serval « , sauva et surprotégea le Mali. Quand IBK a pour » cousin » Lionel Jospin, les relations du Mali avec la gauche française y gagnent davantage en compassion et en sollicitude. Il faut en profiter. Laurent Fabius, un »malianophile « , architecte de tous les textes introduits au Conseil de sécurité sur le septentrion malien, est toujours disposé à prêter une oreille attentive aux préoccupations de Bamako. Les chefs du MNLA ont suffisamment travesti la vérité auprès des Jean Félix Paganon, représentant spécial de la France pour le Sahel, Elisabeth Guigou, présidente de la Commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale. Ces personnalités ont pris les allégations du MNLA pour des versets bibliques sur » la xénophobie et les atrocités » commises sur les seuls Touaregs. Paganon et Guigou ont pris partie pour les » Ag » à l’Elysée, à Matignon… Hollande a besoin qu’Ibrahim lui apporte de cinglants démentis aux élucubrations des avocats des Moussa Ag Assarid.

De mon point de vue, Blaise Compaoré n’est plus le médiateur qu’on aurait souhaité pour la poursuite des négociations de Ouagadougou. Son accointance avec Iyad Ag Ghali, qui a vécu à l’hôtel Laïco au Burkina pendant que le Mali était sur des braises ardentes, et la présence comme toujours des assassins d’Aguelhok chez lui, justifient notre récusation de Blaise… Avons-nous le droit de réclamer à la CEDEAO un nouveau médiateur, et pouvons-nous demander le transfert des rencontres d’Ouagadougou à Bamako, à Dakar… ? C’est là toute la question. Le cadre restreint d’un journal ne nous permet pas un long exposé sur le paradoxe de l’agriculture malienne, et sur les décennies de détresse de l’enseignement. Les champs ne nourrissent plus leurs hommes a fortiori le pays. Les céréales demeurent inaccessibles au plus grand nombre. Les productions sont mangées en herbe depuis toujours. Le Mali n’est pas encore le pays des » crève-la-faim « , mais il y persiste une disette chronique qui ne s’explique pas. Les rhétoriques sur la pénurie des produits vivriers ne résistent pas à l’analyse. Le président atténuera, nous en sommes convaincus, la souffrance de la multitude qui n’arrive plus à s’assurer depuis des décennies déjà, les trois repas quotidiens. Le pays est surtout victime des spéculateurs véreux qui provoquent des ruptures de stocks et des flambées de prix.

Mirabeau disait tantôt : « … après le pain, l’homme a surtout besoin d’éducation… « . Des efforts financiers louables ont été faits pour le développement de l’éducation. On ne peut consacrer 36% du budget national au seul secteur éducatif et qu’il tourne toujours à pure perte. Des années tronquées, d’incessantes grèves, des examens au rabais, des élèves de 6ème année qui ne savent pas lire la partie » diphtongues « du syllabaire…Le département a horreur de l’introspection, qui mettrait à nu sa part de responsabilité dans les faibles pourcentages de réussite aux différents examens d’Etat. Ce triste panorama en cache d’autres. Nous demeurons au service du pays, lorsqu’il s’agit de repenser le système éducatif. Il le faut, parce qu’il y va de l’avenir des enfants, et du devenir de la nation.

Par Moussa Sangaré

Professeur de philo- psychopédagogie

L’Indépendant du 5 Septembre 2013