Partager

Dans quelques jours, l’Assemblée Nationale issue des élections des 8 et 22 juillet sera installée. Sur les 147 députés sortants, seulement une trentaine a été reconduite. Cela dénote, sans doute, la sanction des électeurs vis-à-vis de leurs élus pour leur bilan et augure, à n’en pas douter, du nouveau dans la nouvelle Assemblée nationale, par la qualité, le patriotisme et l’engagement reconnus de certains députés rentrants.

Déjà la presse, dans des titres et colonnes de certains articles, présage des chocs, des débats houleux dans l’hémicycle. Oui des débats houleux il le faut et toujours, seulement pas comme en 1993-94 où des heures durant, des élus ne s’attaquaient qu’à leurs collègues et leur parti en occultant les vrais problèmes de la nation.

De telles tempêtes à l’Assemblée Nationale ne combleront point les attentes du peuple, 15 années après mars 1991, Mars dont les raisons profondes doivent servir de bréviaire aux hommes politiques.

Dans l’hémicycle, il faudrait plutôt des idées nouvelles, mobilisatrices et constructives, les seules capables d’unir pour bâtir. Oui, des idées ayant pour fondement le Mali, son devenir, son peuple et les profondes aspirations de celui-ci.

La compétition sans incident, des élections qui n’ont pas mobilisé l’électorat comme souhaité, est terminée. Des candidats de partis politiques ou des candidats indépendants sont élus.

Cela étant fait, Ia loi et le devoir surtout commandent aux élus de se débarrasser de la carapace de candidat pour être véritablement les élus du peuple, du peuple seul, en honorant la mission exaltante dont ils sont désormais investis, celle de servir le peuple, d’être à son écoute, en accordant plus d’attention à sa souffrance et en répondant avec respect à ses appels désespérés par des mesures qui apaiseront ses peines.

Notre Assemblée Nationale est budgétivore, très budgétivore. Cet état de fait doit changer par la relecture totale des textes qui la régissent et la révision de nombreux avantages et droits que se sont accordés, chaque année pendant 15 ans, les élus des Assemblées précédentes, au mépris de la situation économique peu reluisante du pays et des priorités d’investissement: écoles, centres de santé en nombre encore très insuffisants et l’assainissement.

Il est incompréhensible, même inadmissible de voir des effectifs pléthoriques dans les salles de classe des établissements scolaires et de l’insalubrité à Bamako, avec des mares saumâtres dans les rues après chaque pluie, dans ses six communes face aux dépenses annuelles de l’Assemblée Nationale, haut lieu où siègent les Représentants du peuple ; la Conscience du peuple.

Au regard de la pratique courante, on peut affirmer, sans risque de se tromper que l’unique règle de pensée dans l’hémicycle est «la charité bien ordonnée commence par soi même». A un élu du peuple, ne sied pas cette ligne de conduite.

Dans les années 60, les populations de Bougouni et de Kolokani, pour ne citer que ces deux cas parmi tant d’autres, étaient tellement fières de leurs élus ; qu’à Kolokani elles disaient : «Dossolo Traoré (leur élu), ne porte et ne défend à l’Assemblée Nationale que nos préoccupations».

Oui les préoccupations des populations de Kolokani étaient pour Dossolo un sacerdoce, parce que convaincu d’être en mission et mû d’abord par le souci du développement de son cercle. Sans doute, une autre époque, un autre temps, une autre génération d’hommes politiques dont l’exemple doit fort inspirer les élus d’aujourd’hui.

Quelle satisfaction, quel bonheur peut-on ressentir chez soi, ou ailleurs, submergé d’avantages matériels et financiers lorsque ceux-là mêmes, par la voix de qui on doit cette situation, croupissent dans la misère en passant le clair de leur temps, entre divers lieux et leur domicile, à la recherche de la pitance quotidienne, sans y parvenir de façon décente. Au Mali, il faut une véritable Assemblée Nationale du peuple, pour le peuple, et cela chaque jour par tous les actes que l’Institution pose.

La fonction de député n’est pas un métier et ne saurait l’être. Elective, elle est beaucoup plus une mission, que l’exercice d’un métier lucratif ou salarié avec primes, droits et retraites exorbitants. De 1960 à 2007, les temps ont bien changé ; 47 années se sont écoulées, mais les moyens du pays restent limités très limités.

La gestion et l’utilisation des ressources du pays exigent de chaque citoyenne, de chaque citoyen modération, retenue et surtout esprit de justice, d’équité et de loyauté vis-à-vis des autres, quel que soit le niveau de la hiérarchie occupé par le citoyen.

Loin de moi toute prétention et tout sentiment de donner des leçons, seulement les faits sont troublants même traumatisants. Face aux réalités nationales d’aujourd’hui, dont la vie des populations dans les campagnes, la proposition de loi, votée, accordant dix (10) millions de francs CFA à chaque élu de l’Assemblée Nationale pour frais d’installation soit 1,470 milliard pour 147 députés était inique, aberrante, inconséquente.

Par cette loi, nos élus n’allaient-ils pas constituer une classe, avec un standing particulier de vie, qui les éloignerait davantage du peuple ? L’incidence de la proposition de loi, était sans aucun doute, la motivation principale des centaines de candidatures enregistrées pour les législatives.

Fort heureusement, la Cour constitutionnelle a rectifié le tir, en invalidant ladite proposition de loi. Cette rectification sonne et sonnera à l’avenir comme un rappel à l’ordre et un avertissement contre l’abus de droit, fait en des termes juridiques certes, mais très courtois, à mon avis, à l’égard d’une Assemblée Nationale qui vote à la majorité (75 voix pour, seulement 2 contre) une loi anticonstitutionnelle.

La fonction de Président ou de membre d’Institution, de ministre, de gouverneur, de directeur, d’élu…. que nous assumons aujourd’hui, nous le devons à l’indépendance du Mali, durement acquise pour des objectifs clairs : liberté, égalité, épanouissement, mieux-être du Malien.

Ces fonctions ne doivent, en aucune manière, être des moyens par lesquels une minorité s’arroge des droits et des privilèges au détriment de la grande majorité, que sont les contribuables pourvoyeurs non négligeables du budget national.

Une Nation doit se reconnaître dans ses Institutions. Notre Assemblée Nationale doit être à l’image du peuple et du Mali dont la devise : Un Peuple-Un But-Une Foi, n’est pas dénuée de sens.

Par l’Assemblée Nationale, en son sein et partout au Mali, doivent être consolidées des lignes de conduite qui confortent la confiance des masses en leurs dirigeants, support de l’équilibre national et de la stabilité sociale.

Il est fort souhaitable que l’Assemblée Nationale, qui va bientôt entrer en fonction, soit celle qui aidera à vite opérer, par des lois et dans les faits, des transformations qualitatives radicales dans tous les domaines de la vie nationale : l’administration, la santé, l’éducation et la justice où baignent dans le désordre et que des chantiers tels l’emploi, le projet de logements décents pour tous, les investissements etc, connaissent un essor nouveau pour plus de mieux-être pour tous.

Elus, du courage et bonne chance pour le bonheur des. Maliens, de tous les Maliens!


Contribution de Seydou KEITA

14 août 2007