Ce n’est pas une surprise pour les observateurs avertis de la scène politique. Au 2ème congrès ordinaire du Rassemblement pour le Mali, son président, Ibrahim Boubacar Kéïta est monté sur ses grands chevaux pour étaler sur la place publique ses sentiments de désapprobation avec la manière dont les affaires publiques sont gérées depuis l’arrivée d’ ATT au pouvoir. En cette circonstance, IBK n’est pas allé avec le dos de la cuillère. Pour lui, c’est la démocratie malienne qui est malade et l’Etat en aurait pris un coup dur. Ainsi, autant le président du RPM fustige la manière dont sont gérées les affaires publiques, autant il évoque un passé récent, quand il assumait les hautes fonctions de l’Etat, entendez par là quand l’Adéma était au pouvoir et quand lui était le président de ce parti et en même temps le premier ministre. Pour IBK, rien n’est plus comme avant, rien ne vaut cette période où il occupait une place bien confortable dans l’appareil de l’Etat.
De là, il estime qu’il est de son devoir d’user de son poids politique pour renverser la tendance, en réalisant l’alternance politique aux élections présidentielles de 2007. C’est ce qui explique les offensives qu’il engage depuis un bon moment à l’endroit du pouvoir en place.
DES CHANGEMENTS NOTOIRES
Il y a certes eu des changements notoires, dans la mesure où l’Adéma n’est plus au pouvoir. Le moins qu’on puisse dire, c’est que le président du RPM a touché du doigt la problématique de la qualité de la gestion des affaires publiques et de la comparaison entre le pouvoir ATT et celui de l’Adéma. Est-il nécessaire d’en arriver là, quand on sait que le RPM a participé au même titre que les autres partis qui comptent parmi les mieux implantés sur l’échiquier politique national non seulement à l’arrivée d’ATT au pouvoir, mais aussi à la gestion des affaires publiques pendant son mandat? Précisons que cela est intervenu après qu’il eût été une personnalité influente de l’Adéma. L’opinion publique nationale et internationale appréciera.
OPPOSER ATT ET L’ADEMA
Le moins qu’on puisse dire, c’est que l’Adéma, elle a géré le pouvoir pendant dix ans, pendant que ATT va vers la fin de son premier quinquennat. Comment peut-on comparer ces deux périodes de façon objective? La question est posée et il appartiendra aux uns et aux autres de l’apprécier en toute sincérité, en toute impartialité. Aussi, est-il nécessaire, parce qu’on n’est plus d’accord ni avec l’Adéma ni avec le pouvoir ATT de vouloir les mettre l’un versus l’autre?
Le moins qu’on puisse dire, c’est que nous sommes à une étape de notre processus électoral où les acteurs politiques qui comptent parmi les plus ambitieux pour les élections générales de 2007, notamment les présidentielles, sont à la recherche d’arguments de campagne. Pour atteindre un tel objectif, les astuces sont nombreuses. Heureux sera bien celui qui saura jouer ces cartes en mains, de façon pragmatique et efficace dans le sens de ses ambitions.
DEVOIR DE VIGILANCE
Au regard de ce contexte assez spécifique, il faudra de la vigilance pour éviter que les partenaires du jour et dans la perspective des élections générales de 2007 ne soient mis l’un contre l’autre. Pour ce qui est de la gestion du pouvoir par l’Adéma, on ne peut raisonnablement pas dire qu’elle était parfaite à tous les égards et pendant tout le temps qu’elle a duré.
Economiquement, socialement et même dans plusieurs autres domaines, on y a enregistré des avancées remarquables. Comme pour dire que malgré les lacunes et insuffisances de cette gestion, elle a conforté la conviction des millions de Maliennes et de Maliens que l’ouverture démocratique était nécessaire, que les sacrifices consentis pour en arriver là n’ont pas été vains.
REGRETS ET OPERATIONS DE CHARME?
Cependant, force est de constater que cela n’a pas empêché IBK d’abandonner l’Adéma qui, selon les déclarations récentes d’un de ses responsables, a fait de chacun de ses hauts responsables ce qu’ils sont aujourd’hui. Ainsi, pour avoir forgé le parti, en lui donnant tout, sinon beaucoup, celui-ci, en revanche, leur a permis de se hisser: professionnellement, socialement et politiquement. En faisant allusion à ce que fut le Mali sous le règne de l’Adéma, IBK regrette-t-il aujourd’hui d’avoir quitté ce parti? Ou a-t-il l’intention de dénigrer davantage le pouvoir ATT?
D’autre part, on est tenté de croire que le président du RPM veut créer une situation qui, selon ses calculs, serait de nature à lui attirer davantage de sympathie, peut être celle de Soumeylou Boubèye Maïga qui est déterminé à présenter sa candidature aux élections présidentielles de 2007 ou éventuellement d’autres cadres et responsables de l’Adéma, qui sont en train de se battre pour que ce parti connaisse encore une scission à la veille des élections générales de 2007. Si, de cette manière IBK compte réaliser son opération de charme à l’endroit de certains adémistes, sachant bien qu’à ce niveau il y a des problèmes, il doit se détromper car, nul n’est dupe tant à l’Adéma qu’en dehors de ce parti.
DE LA PROFESSION DE FOI D’IBK
Le président du RPM a critiqué la gestion du pouvoir par ATT en exprimant ce que, selon lui, doit être un Etat de démocratie en ces termes: “Un Etat bien campé sur son rôle de sécurisation des personnes et de leurs biens, régulateur du champ économique sans en être acteur d’aucune façon, d’égal partage au seul bénéfice de tous les fils du pays, un Etat non populiste et surtout repoussant toute démagogie antinomique, avec une gestion moderne. Enfin un Etat fondé solidement sur le règne du droit. En sorte qu’il suffise de le dire pour assurer l’harmonie sociale et la quiétude politique et économique. Un Etat impartial et non partisan. Voilà l’Etat que nous avons essayé de construire et dont nous sommes fiers d’avoir posé les fondements. Assurément un Etat non patrimonialiste. Voilà la tache à laquelle nous convions de nouveau l’ensemble national car, aujourd’hui, un tel Etat n’existe plus au Mali.” Ce fragment du discours d’IBK à l’occasion du 2ème congrès ordinaire du parti maque la rupture totale du parti et de son président avec le pouvoir ATT. Nous espérons que dans tous les cas, c’est de bonne guerre, d’un point de vue strictement politique.
LES AMIS D’ATT PRIS A PARTIE PAR IBK
Le long de ce discours, bien de passages sont l’expression des critiques acerbes à l’endroit du pouvoir qui, selon IBK, dévierait de l’orientation qui lui convient. On peut aussi sentir une réaction qui s’adresse ni plus ni moins qu’au Mouvement citoyen et à tous ceux qui sont très proches du pouvoir. Le président du RPM n’est pas non plus d’accord avec la manière dont les médias d’Etat sont utilisés. Il a exprimé ses sentiments à ce sujet en ces termes :”Il n’est que de regarder notre télévision nationale pour se demander sous quels cieux nous nous trouvons”.
Au regard de tout ce qui précède, sans vouloir être exhaustif du contenu du discours d’IBK à l’occasion de la clôture des travaux du 2ème congrès ordinaire du parti, il ne fait plus aucun doute que le RPM engage officiellement l’offensive pour la conquête de Koulouba en 2007. Nous sommes ainsi dans la logique des élections présidentielles de 2007, même si chacun, de son côté, estime que l’heure n’est pas encore arrivée. Va-t-on, dans ces conditions, attendre le coup de sifflet?
Moussa SOW
30 janvier 2007.