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En ne pactise pas avec le diable car le diable ne tient jamais ses promesses. Pire, il vous emmène faire un tour en enfer, sachant bien que l’enfer est pavé de bonnes intentions. Pas plus qu’on ne vend son âme au diable. Désirant le savoir et la jouissance, le Docteur Faust regrettera toute sa vie d’avoir vendu son âme à Méphistophélès.

Fort justement, les accords que l’Etat malien vient de signer avec des hors-la-loi à Alger ne constituent pas seulement une forfaiture, ni même le pacte de la honte, mais un acte de haute trahison envers le peuple malien.
Car, malgré toutes les subtilités utilisées dans le verbiage officiel, ces accords tristement célèbres consacrent à jamais la partition du territoire national à la grande satisfaction des Caïn, qui ont pris les armes pour tuer leurs propres frères. Ainsi, en voulant réparer une injustice, croyait-on, on commet une autre injustice pire que la première.

A cause des promesses mirifiques faites dans les prétendus accords d’Alger, bientôt, de Sikasso à Kayes en passant par Mopti (la ville du Président) tous les Maliens vont se ruer à l’assaut de Kidal, la nouvelle terre promise, le futur jardin d’Eden. Pour avoir pris les armes, Iyad, Fagaga et comparses sont devenus le peuple élu de Dieu. C’est un précédent dangereux car il y a de quoi aiguiser la conscience et l’appétit des autres régions.

De Scipion Emilien à Dibi Sylas Diarra

Il faut remonter dans l’histoire pour trouver des exemples de ce genre de capitulationnisme étatique. En accordant une prime au banditisme et au gangstérisme, le pétainisme des dirigeants maliens n’a rien à envier à celui du maréchal Philippe Pétain qui, après les premiers revers militaires subis par la France lors de la seconde guerre mondiale, conclut le 22 juin 1940 un armistice avec les Allemands. Il s’incline devant Hitler qui lui impose en 1942 le retour de Pierre Laval à la tête du gouvernement de Vichy, apporte toute sa caution à l’occupant nazi.
Avant lui, furent signés le 30 septembre 1938 les accords de Munich entre les Premiers ministres français Daladier et anglais Chamberlain. Sous le prétexte de maintenir la paix, les démocraties occidentales encourageaient en réalité l’expansionnisme du Führer.

On aimerait voir à la tête de l’armée malienne des généraux comme Scipion Emilien dit l’Africain qui, non content de vaincre Hannibal à Zama, imposa aux habitants de la ville rivale de Rome les tristes conditions de l’humiliation du vaincu. Non seulement on détruisit jusqu’à leurs coqs, on réduisit le nombre de leurs têtes d’éléphants mais aussi les Carthaginois ne pouvaient plus lever de troupes ni faire la guerre sans l’aval de Rome. Ou comme le général américain, Mac Arthur, commandant des forces alliées en extrême orient qui, en 1945, reçut la reddition sans condition des troupes japonaises. Ou encore Jules César au pied duquel le chef gaulois Vercingétoryx, après la bataille d’Alésia en 632 av.J.C. a jeté ses armes. A défaut d’agrandir leurs propres conquêtes, aucun de ces braves guerriers n’a accepté de brader une partie du patrimoine national.

Les grottes de Tégargaret ne sont pas l’antre du loup et ne peuvent éternellement servir de refuge à des épouvantails pour moineau. Sous la première République, le président Modibo Kéïta n’a jamais transigé avec l’irrédentisme touarègue. De vaillants guerriers comme les capitaines Dibi Sylas, Malick Diallo, Mamadou Sissoko, Amara Danfaga se sont stoïquement illustrés dans ce que le maréchal allemand Rommel, alors à la tête de l’Afrika Korps en Lybie, appelait la guerre du sable.

Encore que sous le règne du président Modibo Kéïta, on avait à faire à une rébellion digne de foi, exprimant les préoccupations légitimes des populations de l’Azawad. Mais tel n’est pas le cas actuellement où il a suffi qu’un petit groupe de prébendiers tousse pour qu’un colonel de l’armée nationale saute par la fenêtre. Car il faut le dire tout net, Fagaga et sa clique de pistoleros du désert ne cherchent pas le développement de Kidal. Ils cherchent plutôt à développer leurs poches en faisant main basse sur les investissements destinés à la huitième région. D’où leur insistance à mettre dans les accords d’Alger des clauses relatives à une grande autonomie de gestion des ressources du terroir.

Face aux maîtres chanteurs de l’Azawad, ATT dans un nid de guêpe

L’Etat malien est bêtement tombé dans les filets de grands maîtres chanteurs car les accords d’Alger ne sauraient aucunement être la continuation de l’application des dispositions du Pacte National signé en avril 1992.
Le Pacte National a été appliqué dans son intégralité par la réinsertion des ex-combattants, des investissements massifs opérés au nord. La cérémonie de la flamme de la paix, organisée en mars 1995 à Tombouctou, consacrait à cet effet le retour définitif de la paix dans le septentrion. Mais voilà que quelques têtes brûlées prennent encore les armes pour réclamer des sous, rien que des sous, sous prétexte de l’octroi d’une «large autonomie à Kidal». Là-dessus, un proverbe bamanan dit qu’au lieu d’en vouloir à l’endroit où tu es tombé, il faut en vouloir à l’endroit où tu as trébuché.
En réalité, mis à part l’argent investi dans la réalisation des infrastructures socio-économiques, les énormes fonds alloués aux régions du nord à travers différents programmes de développement ont été tout simplement dilapidés.

En particulier, les primes de réinsertion et les prêts accordés à titre individuel ou collectif ont été bouffés sans autre forme de procès. Personne n’a remboursé et c’est le contribuable malien qui paye aux bailleurs étrangers. De venir encore, comme la cigale à la fourmi, demander de quoi se mettre sous la dent et dans sa poche, on répondra : « que faisiez-vous pendant les temps chauds ? ». Malheureusement, le Mali n’est pas le Pérou et les Maliens ne sont pas aussi riches comme Crésus. Piochez, fouillez, bêchez, ne laissez nulle place où la main ne passe et repasse, comme le vieux laboureur l’a dit à ses enfants avant sa mort est la seule chose qui nous met en repos.

Négocier mais toujours en position de force
En privilégiant la voie du dialogue sur le langage des armes, les autorités maliennes sont sans doute traumatisées par le sang qui coule dans certains pays voisins. Négocier mais jusqu’où ne faut-il pas aller trop loin ?

En franchissant la ligne rouge, elles sont tombées dans la compromission. Au lieu d’attendre sagement que la faim fasse sortir le loup hors du bois, elles sont parties naïvement se jeter dans un nid de guêpe.
Or, côté pourparlers, l’ancien secrétaire d’Etat de Nixon, Henri Kissinger, prêchait partout qu’il faut toujours négocier en position de force. Même si cette théorie a échoué au Viêtnam à cause de la détermination du peuple viêtnamien à réunifier sa patrie, elle aurait, à coup sûr, réussi avec les maîtres chanteurs de l’Azawad, adeptes des valisettes bourrées mais esseulés sur le champ de bataille à cause de la désertion de leurs troupes.

En visite à Kidal pour une revue des troupes, le chef d’Etat-major général des forces armées maliennes, le Général Seydou Traoré, n’avait-il pas dit que ceux qui ont pris les armes contre leurs propres frères feront l’objet « d’un autre traitement ? ». Tout comme le général Mc Arthur qui voulait bombarder la Chine lors de la guerre de Corée, au temps du président Harry Truman, il n’a pas été écouté par les politiques. En lieu et place d’un traitement de choc, les bandits armés ont eu droit à un passeport pour le paradis. C’est comme si l’on climatisait les salles de prison, écran géant à l’appui, pour encourager les délinquants et autres assassins à persévérer dans le crime. Mais, à présent que le vin est tiré, il faut le boire.

Habituées à nous faire boire le calice jusqu’à la lie, nos autorités promettent de mener une campagne d’explication des accords d’Alger.

Pour dire quoi à un peuple excédé par tant de roublardise ? Que le poisson vit dans l’eau ?

Mamadou lamine Doumbia

6 juillet 2006