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Eh bien, en tirant sur tout ce qui respire, notamment sur les puissants et les forts et en disant tout haut ce que les autres murmurent tout bas, Hamidou Diarra dit « Dragon » vient d’être victime d’une expédition punitive sans qu’on sache réellement à qui profite le crime.

Il surfait déjà sur une popularité bien assise mais la bastonnade sur un terrain vague de Kati l’a encore rendu plus célèbre. Le martyr est devenu un héros qui, grâce à la providence, n’a pas passé la barque à Caron.

Ce sont les risques du métier, disent les plus cyniques en oubliant que personne ne veut délibérément confier son âme à Dieu.

Il faut plutôt dire que « Dragon », un homme qui n’a pas sa langue dans sa poche, a accepté de prendre des risques en évitant l’autocensure en vigueur dans les médias publics face aux grandes injustices qui gouvernent le monde en assumant ses responsabilités de journaliste qui font appel au devoir de conscience.

Mais vérité au-delà des Pyrénées mensonge en deçà, on ne s’attaque pas impunément aux puissants de ce monde.

Son émission « ani sogoma », diffusée en langue nationale bamanan, plaît énormément aux déshérités et aux pauvres qui y trouvent une raison d’espérer en soulageant leur misère.

Ce faisant, ils flattent bassement l’orgueil de l’animateur qui, le lendemain, s’en donne à cœur joie en oubliant que le médium qu’il utilise est un couteau à double tranchant.

Egalement adulé par l’AMUPI, ce nouvel Ayatollah n’ignore rien de nos traditions ancestrales qui parle de « boli », de « cortè », de circoncision et tutti quanti.

Certains le considèrent volontiers comme un prêcheur chargé de mettre les hommes sur la voie du salut.

Le cas Hamidou Diarra est révélateur de l’impunité qui régnait jusque-là quant aux violations flagrantes de la liberté de la presse au Mali.

Et c’est sans doute l’immense popularité de l’animateur vedette de radio Klédu qui a déchaîné les passions, soulevé les foules et montré tout le danger qu’il y a à laisser les journalistes entre les mains de leurs bourreaux.

Il y a plus grave qu’une simple violation des libertés. Outre que c’est une mauvaise publicité pour l’image de marque du pays à l’extérieur mais aussi la démocratie en prend un sale coup.

Le Mali n’est pas la Colombie ni le Nicaragua et encore moins l’Irak. Attention à la nuit des longs couteaux ou aux vendettas à la sicilienne.

Car de bout en bout, on a encouragé ces nazis qui souillent la conscience de la nation. Tout commença au temps du Comité Militaire de Libération Nationale.

Alors journaliste sportif à l’Essor, Ali Badara Kéïta est traîné dans les grottes de Kati et sérieusement maté par une bande d’affreux.

A l’époque, on soupçonna fortement le tristement célèbre Tiécoro Bagayogo, alors tout-puissant Directeur Général des Services de sécurité et gourou du Djoliba AC, d’avoir commandité l’opération.

Ali Badara Kéïta avait-il fait des commentaires désobligeants sur l’équipe de Tiécoro ? Toujours est-il qu’interrogé par Moussa Traoré sur l’identité de ses agresseurs, le doyen ne put souffler mot.

Même situation avec Cheick Oumar Konaré, anciennement journaliste à « Info-Matin » dont la voiture fut même incendiée par ses agresseurs.

Pour avoir la vie sauve, Konaré a été obligé d’abandonner la profession pour devenir membre du barreau.

On cite aussi les cas du rédacteur en chef du « Challenger » qui n’a du son salut qu’en prenant ses jambes à son cou et de Oumar Sidibé du « Zénith-Balé ».

A qui le prochain tour, car aux dires de certains confrères, les noms de quinze journalistes à bastonner proprement figureraient sur une liste rouge, chacun attendant son tour chez le coiffeur.

Le pire est que jusqu’alors, aucune association de journalistes n’avait osé lever le petit doigt. Ce faisant, les dirigeants des associations professionnelles se faisaient complices du règne de l’impunité.

Ils étaient plus préoccupés de leur confort personnel que de la défense des intérêts de la profession. Le cas « Dragon » est-il la goutte d’eau qui a fait déborder le vase en les aidant enfin à sortir le bec hors de l’eau ?

Accusé d’être le commanditaire de tous ces crimes de Alpha à ATT, la Sécurité d’Etat, la STASI du Mali, doit se blanchir car on oublie souvent que des parrains de cosa nostra capables du pire sont cachés sous la carapace de certains privés maliens et qui sont tout aussi puissants qu’au temps de Al Capone et Lucky Luciano.

Mamadou Lamine DOUMBIA

18 juillet 2005