Cette démolition a provoqué une profonde indignation dans toute la communauté catholique de Bamako, et d’ailleurs. Fait rarissime au Mali, c’est la première fois en effet que l’Eglise Catholique du Mali est confrontée ouvertement et publiquement à un problème foncier du genre.
A l’origine de ce problème, un litige foncier entre l’Eglise catholique et un Libanais Georges Francis, neveu du Père défunt Youssouf Joseph Francis (Libanais également).
En 1969, Youssouf Joseph Francis arrivait au Mali dans le cadre d’un “partenariat” entre l’ordre des Maronites (Eglise proche-orientale) et l’Eglise Catholique malienne.
Le Père Youssouf Joseph Francis a été très vite désigné responsable à Bamako. Dans l’exercice de cette fonction, il acquiert beaucoup de biens dont des terrains (celui de l’actuel Hôtel les Cèdres, celui de Samaya, celui abritant l’Eglise des Maronites au Quartier du fleuve…)
Seulement, très vite, le père Youssef comme on l’appelait, a eu une autre inspiration : établir les titres fonciers de ces parcelles acquises au nom de la communauté catholique, en son nom propre.
Sous le régime CMLN de Moussa Traoré, les autorités politiques qui soupçonnaient l’“homme de Dieu” d’agir de façon pas très catholique, avait démandé à la communauté chrétienne de l’expatrier.
Ce qui fut fait. Mais l’homme, dit-on, en rentrant, avait même confisqué les clés de certains établissements appartenant à l’Eglise, rendant la tâche difficile à son successeur.
Youssouf Joseph Françis : un prêtre pas très catholique?
L’attitude du père Youssouf Joseph Françis laissait croire à l’épope, qu’il avait une idée précise dans la tête : s’approprier certains biens de la Communauté. Sinon pourquoi établir, en tant que Prêtre, serviteur de Dieu, des titres seulement en son nom et non à celui de la communauté catholique comme il lui revenait de le faire?
Monseigneur Luc Sangaré (paix à son âme), de son vivant, aurait lui aussi, dans le temps, soupçonné son “frère” d’agir, en dehors des voies de l’Eglise.
C’est d’ailleurs un document faisant état de la situation, découvert par l’actuel Archevêque de Bamako Jean Zerbo dans les archives du Monseigneur après sa mort qui a permis à l’actuelle équipe dirigeante de l’Eglise de relancer le dossier dit litige foncier entre l’Eglise et le Père Youssouf Joseph Françis devant les nouvelles autorités du pays.
L’Eglise donc, après avoir découvert le pot aux roses du défunt père libanais a entrepris de redresser la barre.
Disons que celui-ci (le Père Youssouf Joseph Françis) avait peaufiné sa stratégie. Puisqu’en 1980, il établit un testament que l’on retrouvera plus tard dans les archives d’Albi (Diocèse du Liban) et dans lequel il reconnaissait que les biens acquis au Mali, appartiennent ou disons reviennent à l’ordre des Maronites qui exercaient au Mali au nom de l’Eglise catholique du Mali, donc par conséquent appartiennent à l’Eglise catholique du Mali.
Seulement en 2004, bien avant à sa mort, il prit le soin d’établir un second testament dans lequel il déclare cette fois-ci qu’il lègue tous ces biens à son neveu Georges Françis, celui-là même qui a entrepris de démolir aujourd’hui les édifices de l’Eglise.
Sous Alpha Oumar Konaré, Président de la République, l’Eglise catholique avait exposé le problème et celui-ci avait sorti deux décrets présidentiels réaffectant les titres fonciers de Samaya à l’Eglise catholique du Mali.
Seulement, ces deux decrets, par la suite, furent attaqués par Georges Françis devant la section Administrative de la Cour Suprême de Bamako qui lui donna raison pour excès de pouvoir de la part du Président de la République. C’est dire que le litige foncier de Samaya était loin de connaître son épilogue.
Ce problème foncier, faut-il le dire, traîne déjà devant les juridictions du pays depuis plus de 10 ans sans qu’aucun dénouement heureux ne soit trouvé.
L’Eglise de son côté, visiblement, fidèle à sa morale comptait certainement régler le problème sans trop faire de bruit.
Mais comment ? C’est toute la question. Il se trouve que Georges Françis, un homme d’affaire qui excelle dans la promotion et la gestion d’espaces de loisirs (Bars restaurants, hôtels…) mis en confiance par un testament lui désignant comme héritier du défunt père, attend vite rentrer en possession de ses “biens”. D’où la démolition le lundi passé, sous son ordre, d’une partie des bâtiments de Samaya.
Visiblement, la justice malienne s’est penchée plus sur le deuxième testament du Père défunt que sur le premier.
Que compte faire l’Eglise ?
Suite à l’action du Libanais Georges Françis, les responsables de l’Eglise sont montés au créneau. Une première réunion entre eux à huit clos a eu lieu pour décider de l’attitude à tenir; une seconde rencontre s’est tenue avec la presse pour éclairer l’opinion publique.
La décision ultime prise par ces responsables a été finalement d’aller directement poser le problème au Président de la République, désormais seul et valable arbrite dans cette affaire.
La délégation, qui s’y rendait le lundi dans la soirée, a été priée de rebrousser chemin et de patienter jusqu’au mardi, en attendant que le problème soit examiné par le locataire de Koulouba.
Toute la journée du mardi, les responsables de l’Eglise ont attendu sans voir un signe de Koulouba.
Hier encore, jusqu’au moment où nous mettions sous presse, aucune information dans ce sens ne nous est parvenue.
Mais il est bon de signaler que l’Etat a ordonné d’arrêter les démolitions en attendant qu’une autre solution soit trouvée.
Pour l’Eglise, la solution au problème viendra de Koulouba puisque la justice semble avoir dejà tranché.
Au sein de l’Eglise, c’est déjà l’indignation après le geste (osé ?) du Libanais. Certains habitants des lieux, ne cachent pas leur surprise et ont encore du mal à expliquer la brutalité par laquelle le Libanais a procédér en allant démolir à coup de bulldozer les bâtiments du séminaire de Samaya.
D’autres pensent que du dénouement de cette situation dépendra le respect qu’on portera désormais à l’Eglise catholique du Mali. Donc tous les regards sont tournés vers Koulouba.
De l’avis de certains observateurs la seule alternative, qui pourrait permettre un réglement en douceur, est peut être l’expropriation pour cause d’utilité publique.
Ce qui permettra au Libanais d’être “exproprié” au profit de l’oeuvre communautaire qu’est l’Eglise. Mais cela nécessite au préalable une certaine compensation pour Georges Francis.
Peut-être en lui attribuant une autre parcelle. Et c’est là que l’Etat a un rôle à jouer.
Affaire à suivre
Aimé RODRIGUE
24 novembre 2005.