La décision du G8 d’annuler la dette des 18 pays les plus pauvres du monde dont le Mali et 13 autres pays africains et 4 en Amérique Latine suscite beaucoup de commentaires.
Si daucuns la qualifient d’historique, d’autres pensent que cela est insuffisant et qu’il faut dautres mesures d’accompagnement.
Le représentant résidant de la Banque Mondiale à Bamako, M. Alassane Diawara nous a affirmé que le Mali s’endette plus qu’il ne rembourse ses dettes.
Au titre de l’année 2004 par exemple, le Mali a remboursé à la Banque Mondiale au titre du service de la dette, 19 millions de dollars soit plus de 10.279.000.000 FCFA.
Pour la même période, c’est-à-dire l’année 2004, la somme totale encaissée par le Mali en provenance de la Banque Mondiale dépasse les 92 millions de dollars soit plus de 49.772.000.000 FCFA.
Ces chiffres nous ont été fournis par la représentation de la Banque Mondiale au Mali par le service du chargé à la communication M. Moussa Diarra.
C’est ce qui a fait dire à M. Alassane Diawara que le Mali s’endette plus qu’il ne rembourse ses dettes annuellement.
Qu’à cela ne tienne, le Mali est considéré comme un bon élève des Institutions financières internationales.
Dans une récente interview qu’elle nous a accordée, la présidente de la Coalition des Alternatives Africaines Dettes et Développement (CAD-Mali) ex-Jubilé 2000 , qui oeuvre pour l’annulation inconditionnelle de la dette des pays du Tiers-Monde affirme que c’est parce que le Mali accepte tout ce que la Banque Mondiale lui demande de faire qu’il est un bon élève.
Tout de même, le représentant-résident de la Banque Mondiale au Mali, M. Diawara se réjouit des performances du Mali.
Notre interlocuteur pense que la décision d’annuler la dette du Mali n’est pas une première.
<<La première tentative dannulation de la dette du Mali a été lInitiative PPTE (Pays Pauvres Très Endettés) qui a déclaré le Mali éligible d’abord selon sa situation économique et financière. Après une phase transitoire, le Mali a atteint le point d’achèvement quand son dossier est passé au conseil dadministration de la Banque Mondiale qui a analysé le service de sa dette, c’est-à-dire les ressources d’exportation par rapport au PIB que le Mali affecte au paiement de sa dette. Cest tout cela qui a plaidé en faveur du Mali>>, déclare Alassane Diawara.
JUBILE 2000, PIONNIER DANS LA LUTTE CONTRE LA DETTE
Depuis le Sommet de Toronto au Canada en 1988, le G7 actuel G8, a sur sa conscience la situation d’endettement des pays du Tiers-Monde. Autrefois, il parlait d’allègement, maintenant, on parle d’annulation de la dette ; la précision est de taille et Jubilé 2000 se réjouit de cette évolution dans sa démarche.
Les actions de Jubilé 2000 en faveur de l’annulation pure et simple de la dette des pays du Tiers-Monde ne datent pas d’aujourdhui.
Depuis 1998, la Coalition des Alternatives Africaines Dette et Développement (CAD-Mali) a pris part à la campagne internationale de Jubilé 2000 lancée par les mouvements sociaux du Nord en faveur de l’annulation de la dette des pays du Tiers-Monde.
Après l’évaluation de cette campagne internationale pour l’annulation de la dette à Dakar en novembre 2000 avec la participation de Jubilé 2000, les mouvements sociaux se sont engagés pour la continuation de l’action à l’unisson ; cest ainsi qu’est née CAD-Mali.
La coalition a mené plusieurs activités au niveau national ; recherches documentaires, formation dactivistes militants, de journalistes, des femmes de la CAFO, de parlementaires, détudiants.
La coalition a interpellé les Directeurs du FMI et de la Banque Mondiale au Palais des Congrès lors de leur visite au Mali en février 2001.
Au niveau sous-régional, la CAD-Mali est membre du Réseau Ouest- Africain des Alternatives pour le Développement (ROAD) qui demande l’annulation inconditionnelle de la dette et surveille les politiques internationales qui nous mettent dans l’engrenage de la dette (Initiative PPTE, NEPAD, Accord de Cotonou, AGOA…).
CAD-Mali est membre du Réseau Jubilé Sud qui demande à son tour l’annulation totale de la dette des pays du Tiers-Monde initiateur du Tribunal de la dette à Porto Allegre au Brésil.
En réaction à cette annulation de la dette, CAD-Mali pense que cela est insuffisant en terme de nombre de pays bénéficiaires (seulement 18) : pourquoi ne pas prendre au moins lensemble des 42 pays classés PPTE ? s’interroge Mme Barry Aminata Touré, présidente de la CAD-Mali.
L’Initiative d’annuler la dette des pays les plus pauvres doit être accompagnée par des mesures telles que :
– augmenter l’aide publique au développement et sans condition ;
– interrompre les Programmes d’Ajustement Structurel ;
– assurer un commerce équitable et juste sur le marché mondial et que les règles de lOMC soient profitables aux pays pauvres au lieu de provoquer une concurrence et de les appauvrir ;
– rapatrier les biens volés à lAfrique par certains gouvernements ou multinationales et qui sont fructifiés au Nord. <<La dette nest pas seulement technique, elle est aussi politique. Dans tout cela, il y a la responsabilité de nos Chefs dEtat ; il faut quils se mettent en cartels pour dire souvent non...>>, a déclaré Mme Barry.
DETTE DU MALI, 1042 MILLIARDS TOMBENT DANS LEAU
Si la décision d’annulation de la dette des pays pauvres formulée par le G8 est mise en oeuvre, ce sont au total 1042 milliards de FCFA, soit 60% de la dette du Mali qui seront annulées. Les créanciers sont le crédit IDA, le FMI, la Banque Mondiale et la BAD.
Déjà, 22 milliards de FCFA font l’objet d’allègement dans le cadre de l’Initiative PPTE ; le Mali s’est engagé à rembourser 20 milliards de sa dette en 2005 dont 6 milliards ont été payés : les 13 milliards restant ne seront plus remboursés, à en croire le ministre de l’Economie et des Finances.
Mais avec une décision d’annulation, il est possible que la Banque Mondiale retourne les 6 milliards.
En plus, le Mali bénéficiera de 55 milliards FCFA comme bonus qui seront injectés dans le développement des infrastructures ; développement des ressources humaines.
DES ZONES DOMBRE
Les experts de la dette, les conseillers du Ministère de l’Economie et des Finances et même les économistes de la Banque Mondiale au Mali ont opté pour la prudence en ce qui concerne les conséquences de la décision d’annulation de la dette.
Le représentant résident de la Banque Mondiale au Mali M. Alassane Diawara nous a affirmé qu’il faut attendre trois à quatre mois pour y voir un peu plus clair.
Le ministre de l’Economie et des Finances M. Abou Bacar Traoré présente deux situations : le montant qu’on ne paiera pas sera comptabilisé dans l’enveloppe de l’aide ; dans ce cas, le Mali n’aura rien ou recevra peu.
Cela permet de résoudre à court terme le financement de la dette mais le problème ne sera pas résolu puisque le pays sera obligé de s’endetter encore pour le financement de son développement.
L’autre cas de figure est que ce sont les pays du G8 qui vont rembourser à la place des pays pauvres. La portée de cette mesure est également très réduite.
En labsence du contenu de la dette et des modalités de remboursement, plusieurs zones dombre persistent encore.
Daba Balla KEITA
16 juin 2005