Partager

«Je suis capable de vivre, sans difficulté, dans le désert comme en Sibérie», clame ce parfait gentleman. C’est pour nous édifier sur son étonnante capacité d’adaptation à toutes les situations si cela peut lui ouvrir les portes de la réussite.

C’est ainsi qu’il s’est «improvisé transitaire» à Tema (ville portuaire du Ghana) lorsque cela s’est avéré nécessaire pour aider des compatriotes dans le besoin.

«Lorsque je suis arrivé ici, il y a trois ans, j’ai trouvé de nombreux Maliens. Ils passaient des journées sous l’arbre en attendant qu’un improbable transitaire puisse s’intéresser à eux pour le transit de leurs camions et marchandises. J’ai alors pris l’initiative de les aider», nous explique Tidiane, avec enthousiasme.

Et pourtant, cet homme qui ne recule jamais face à un défi n’est pas transitaire de métier. Il a abandonné les bancs en 1978 après des échecs au DEF. Mais, «avec la volonté, on peut tout faire. Je n’avais aucune expérience dans le domaine. Mais grâce à des relations ici et en Côte d’Ivoire, j’ai rapidement appris», souligne-t-il.

Une réussite fascinante pour ce 3è garçon d’une famille de 13 enfants. Aujourd’hui, il est le transitaire préféré des Maliens qui transitent leurs marchandises par le port de Tema. On est jamais dépaysé en arrivant dans ses bureaux situés au premier étage de l’immeuble du Fishing Harbour.

«Avant que Tidiane ne s’installe comme transitaire, nous vivions un véritable calvaire chaque fois que nous venions chercher nos marchandises», témoigne un jeune de San venu chercher ses motos chinoises.

«Ce travail, il ne le fait pas pour de l’argent parce que souvent, pour nous aider, il dépense plus qu’il ne gagne. Depuis qu’il est là, nous ne rencontrons plus de difficultés. Il n’est pas seulement notre transitaire, mais un ami et un frère pour chacun de nous», ajoute son compagnon de voyage.

Il est vrai que la coquette villa de Tidiane ressemble le plus à un lieu de transit pour les transporteurs et commerçants en difficulté qu’à un gîte d’intimité familiale. Et selon son entourage, la générosité est l’un des traits caractéristiques d’Amadou«Il n’est pas rare de voir Tidiane oublier ses propres problèmes pour voler au secours de quelqu’un qu’il ne connaît même pas», témoigne l’un de ses employés.

Forgeron de son destin

Un constat partagé par M. Moctar Sow, ancien international malien de football et consultant en management. Personne ne connaît «Sékou» mieux que lui. «Il est le camarade d’enfance de mon jeune frère. Il a passé son enfance à la maison. C’est un brave garçon entreprenant qui a toujours forgé son destin. Il a du cœur», dit-il.

«Je n’avais pas le choix. Issu d’une famille pauvre, je devais me battre ou passer ma vie sur le banc de la société. Je me devais de réussir pour ma mère, pour mes frères et sœurs. Le choix est donc vite fait», rétorque ATD. Après avoir quitté l’école, Tidiane se débrouille avec une vieille bâchée pour aider les siens.

Mais, son rêve, c’est d’aller en France. Ne parvenant pas à le réaliser, il va en aventure en Côte d’Ivoire avec son permis de conduire comme seul atout. A Abidjan, il devient chauffeur pendant deux ans. Puis, il est vendeur de fruits. Ses bénéfices sont régulièrement envoyés à sa vieille mère dont il est l’unique soutien financier et moral.

Le jeune homme se fait surtout remarquer par son dynamisme et son courage. Une société américaine, Starkist International, le recrute alors comme chauffeur. Tidiane gravit allègrement les échelons et se retrouve représentant commercial de cette dernière lorsqu’elle décide de fermer sa filiale en Côte d’Ivoire.

Il se fait des amis et noue des relations solides dans le milieu des affaires. Mais, si ATD est loyal, franc et sincère, on ne peut en dire autant de certains de ses partenaires qui vont profiter de ses qualités pour le mettre dans des situations souvent compromettantes.

Intégrité et efficacité

Même s’il s’en sort souvent ruiné, il n’y perd jamais son honneur et sa dignité. Après un court séjour en Allemagne, notre transitaire revient au bercail malade, mais pas démotivé. L’un de ses débiteurs le contraint alors à se rendre au Ghana. Tidiane tombe sous le charme de ce pays bien lancé sur la voie du développement.

Il est aussi affligé par les difficultés que nos opérateurs économiques y rencontrent. Commence alors une nouvelle aventure, une autre « succes story ». Il ne mettra pas du temps à s’imposer par son efficacité, son honnêteté et sa bienveillance.

Une notoriété qui dépasse même le cadre de son Mali natal pour lui valoir la confiance des autorités de nos voisins. C’est ainsi que le gouvernement du Niger lui fait appel pour le transport d’un don (riz) reçu du Japon. Un contrat exécuté avec célérité et satisfaction. Ils sont nombreux nos compatriotes qui connaissent l’homme et souhaitent que le gouvernement suive l’exemple de son homologue nigérien.

«L’Etat ne cache pas sa volonté de mettre les Maliens de l’extérieur à contribution dans la construction du pays. Il doit aussi penser à leur offrir des opportunités d’affaires pour faire prospérer leurs entreprises. Tidiane peut faciliter par exemple le transit et le transport de l’engrais et des autres intrants que la CMDT importe en grande quantité», revendique l’un d’entre eux.

Ce ne peut être qu’une juste récompense pour ce battant de 47 ans, père de deux garçons, qui a toujours privilégié les intérêts de son pays et le confort de ses compatriotes. Il est incontestablement un partenaire sérieux et crédible pour tout opérateur économique soucieux d’efficacité.

Moussa Bolly
Envoyé spécial

06 juin 2005