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Du 10 au 12 septembre 2007 la Conférence panafricaine sur l’alphabétisation s’est tenue à Bamako. C’est la 3e rencontre des six conférences régionales et sous-régionales, après celles de Doha (mars 2007) et de Pékin (Chine, juillet 2007), organisées par l’Unesco dans le cadre de la Décennie des Nations unies pour l’alphabétisation (2003-2012) et la mise en œuvre de l’initiative « Savoir pour pouvoir » (Life en anglais). Mais, au-delà des promesses, qu’est-ce que Bamako va changer dans le triste sort des millions d’enfants et d’adultes qui croupissent dans l’obscurantisme ? Les bonnes résolutions prises ici seront-elles traduites en actions concrètes et durables ? Nous avons tenté de trouver la réponse dans les discours prononcés à l’occasion de cette conférence.

« Evaluer les engagements pris et mesurer les nouveaux défis spécifiques au continent africain » : tel semblait être l’objectif phare de la Conférence de Bamako sur l’alphabétisation. Inutile de se focaliser sur les avantages de l’alphabétisation et de l’éducation non formelle. En effet, tout le monde s’accorde sur le fait que, comme l’a dit Mme Touré Lobbo Traoré, « le niveau d’alphabétisation est primordial dans la capacité des populations à prendre en main leur santé » .

Tout comme « le volume de participation et la conscience citoyenne sont indissociables de la bonne compréhension des enjeux et des choix » . Il est donc clair que « la bonne santé des sociétés que nous voulons bâtir dépend, pour une large part, de la place que nous ferons à l’éducation » . L’analyse est pertinente, mais il n’est pas évident que les solutions apportées soient aussi efficaces. En tout cas, si la volonté politique reste seulement dans les discours, il ne faudra nourrir aucun espoir d’une quelconque évolution de l’analphabétisme sur le continent.

Comme l’a dit le DG de l’Unesco, Koïchiro Matsuura, il ne s’agissait ni plus ni moins que de plaider la cause de l’alphabétisation, débattre des difficultés sans les contourner, échanger des informations et élaborer des stratégies aussi novatrices qu’efficaces. Cela est d’autant nécessaire que la forte croissance démographique en Afrique est en train de réduire à néant les efforts en la matière, car elle n’est pas accompagnée de vraies stratégies d’éducation pouvant empêcher les nouvelles générations de plonger dans l’analphabétisme.

Ce qui fait que, « en valeur absolue », le nombre d’adultes analphabètes ne cesse de croître sur notre continent. Pis, le dernier rapport mondial de suivi sur l’Education pour tous (EPT) prévient que nous aurons probablement 168 millions d’adultes analphabètes d’ici à 2015 contre 133 millions recensés en 1990. A quoi ont-ils donc servis les efforts tant revendiqués par les décideurs politiques ?


Passer à l’action

Il n’est pas nécessaire de perdre son temps dans ce débat pour ne pas noyer les bonnes résolutions dans la démagogie. Il faut aller de l’avant, anticiper sur la croissance d’un fléau et mobiliser les ressources nécessaires à la résolution en amont de cette équation qui ne cesse de nous défier. Pour cela, les regards sont surtout tournés du côté des gouvernements qui conçoivent et exécutent les stratégies d’éducation. Et ce sont eux qui répartissent les ressources nationales.

On comprend alors la très forte attente qu’ont les ONG comme Jeunesse et développement à leur égard. Inverser la tendance actuelle, c’est amener les gouvernements à consacrer au minimum 3 % du budget de l’éducation à l’alphabétisation contre actuellement 1 % dans la plupart de nos Etats. Ce n’est pas forcement de la mer à boire pour une grande partie des Etats africains qui consacrent près de 20 % (environ 30 % pour le Mali) de leurs budgets au secteur de l’éducation. Et pour ce faire, nos Etats doivent donner plus d’impulsion au financement de l’éducation de base et augmenter de façon significative les allocations budgétaires consacrées à l’alphabétisation.

Après la conférence de Bamako, on attend également des décideurs des programmes et des plans sectoriels qui prennent en compte l’éducation des adultes, une gestion transparente et judicieuse des fonds alloués au secteur, l’intégration des valeurs d’un apprentissage tout au long de la vie et l’implication des personnes vivant avec le VIH/Sida dans les programmes d’alphabétisation.

Les fausses promesses

Il va de soi que les bailleurs de fonds aient également leur mot à dire compte tenu des attentes suscitées par leurs engagements. Des engagements qui sont encore loin d’être tenus car, sur 16 milliards de dollars promis, seulement trois sont pour le moment mobilisés. Et pourtant, ce soutien international est indispensable à l’atteinte des objectifs de l’EPT. Tout comme l’allègement des conditionnalités, du moins en ce qui concerne les ressources allouées à l’éducation et à l’alphabétisation.

Comme l’a démontré la lutte conte le VIH/Sida, le paludisme, la pauvreté…, il ne faut pas trop miser sur les ressources extérieures, surtout trop attendre des pays riches. Mais, puisque l’alphabétisation est incontestablement « un facteur clef du développement, de la lutte contre la pauvreté et la dépendance » , il va falloir compter sur les ressources nationales sans trop miser sur les communautés qui ont déjà du mal à survivre.

De ce fait, la balle est dans le camp des gouvernements et des groupes de pression car, comme l’a dit le Premier ministre Ousmane Issoufi Maïga , « il est illusoire de penser, quelles que soient les ressources naturelles, que l’Afrique pourra se développer sans la moitié de sa population qui vit dans l’obscurantisme, laissée pour-compte d’une société qui avance à un rythme effréné, en domptant la science et la technologie ».

Malheureusement, c’est ce que les dirigeants africains tentent de faire depuis près de 5 décennies, malgré des discours comme « jeunesse moteur du développement » , « il est utopique de se développer dans la langue d’autrui » , « l’Education est la priorité des priorités » … et malgré les nombreux engagements nationaux et internationaux. Dans ce cas, Bamako est-elle une conférence de plus ?

Moussa Bolly

17 septembre 2007.