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En marge de la session ordinaire du Conseil des ministres de l’Uemoa, qui s’est tenue dans notre capitale le vendredi 7 janvier 2011, nous avons rencontré le ministre ivoirien du Plan et du Développement, Albert Mabri Toikeusse, président de l’UDPCI (parti de Feu Général Robert Guéï), qui a bien voulu se prêter à nos questions. C’était à l’hôtel Radisson, où cette éminente personnalité politique du camp du président Alassane Dramane Ouattara avait pris ses quartiers durant les soixante douze heures qu’il a passées à Bamako.

L’Indépendant : Les Maliens sont inquiets du sort de leurs nombreux compatriotes qui résident dans votre pays. Quelle situation vivent aujourd’hui les communautés étrangères en général et, en particulier, les Maliens de Côte d’Ivoire?

jpg_mabri-toikeuse.jpgAMT : Je vous remercie pour cette question. La Côte d’Ivoire est un pays de convergence de communautés de la région ouest-africaine et du monde entier. Comme vous le savez, le tiers au moins de cette population est d’origine étrangère. Et c’est justement ce qui fait de la Côte d’Ivoire une Cedeao en miniature.

Combien sont-elles ces populations d’origine étrangère ?

AMT : A peu près six millions sur une population totale de 20 millions d’habitants. Depuis le temps du président Houphouët Boigny, nous avons toujours vécu en symbiose avec toutes nos sœurs et tous nos frères étrangers surtout ceux venant de la sous-région. Il ya quelque deux millions de ressortissants maliens soit donc le tiers de l’ensemble des ressortissants étrangers vivant en Côte d’Ivoire. Comme le président ATT disait, lui-même, Bouaké est la seconde ville malienne après Bamako.

C’est dire toute l’importance de cette communauté et des relations entre nos deux pays. Aucun ressortissant étranger n’a à se faire de souci concernant sa sécurité. Les Maliens, en particulier, sont comme chez eux. Tout comme d’ailleurs les Burkinabè, les Guinéens, les Sénégalais, les Gambiens, les Nigérians et tous les autres. Seulement voilà, que ces derniers temps, il y a eu beaucoup de propos malheureux tenus par des gens de l’entourage de Laurent Gbagbo. Ceux-ci n’ont d’autre alternative. Ils veulent s’accrocher au pouvoir et profèrent des menaces et intimidations.

Ces menaces seront vaines parce qu’elles se seront pas suivies. Je voudrais rassurer nos frères et sœurs du Mali et d’Afrique de l’Ouest qu’en Côte d’Ivoire, il n’y a aucune raison fondée qui pourrait amener des Ivoiriens à s’attaquer à leurs frères et sœurs venus d’Afrique de l’Ouest et du Mali en particulier.

Le président Alassane Dramane Ouattara et son gouvernement veilleront à ce que rien n’arrive aux ressortissants d’origine étrangère et qu’on puisse sortir rapidement de cette situation pour le bonheur de tous.Il y a eu récemment une tentative d’occupation de l’ambassade de Côte d’Ivoire à Bamako au cours de laquelle des manifestants ont scandé  » Le Mali a investi Laurent Gbagbo ! « , « ATT soutient Gbagbo « .

Quel commentaire avez-vous à faire à ce propos ?

AMT : Je pense que ce sont là des propos malheureux. Je ne pense pas qu’il y ait des preuves pour étayer leurs propos. Vous savez, il y a la presse et toutes sortes de rumeurs qui avaient envahi Abidjan…Mais, nous voyons que le président ATT s’est toujours retrouvé avec tous les autres chefs d’Etat de la sous-région dans le cadre de la Cedeao. Cela dans le but de se pencher au chevet de la Côte d’Ivoire. Et le Mali a toujours joué le rôle qui lui revient. Le président ATT était en Côte d’Ivoire à l’occasion de la Flamme de la paix et il a, depuis, déployé d’énormes efforts avec le président Compaoré pour le retour de la paix en Côte d’Ivoire.

En ce qui nous concerne, nous ne pouvons que le remercier tout en lui demandant de continuer à aider la Côte d’Ivoire pour en faire un pays aussi démocratique à l’instar du Mali. Il faut que les résultats sortis des urnes, qui donnent Alassane Dramane Ouattara vainqueur, reconnu par le Mali, l’Afrique de l’Ouest et du monde entier, puissent prévaloir pour que la Côte d’Ivoire retrouve la paix.

Malgré les pressions de la communauté internationale, Laurent Gbagbo persiste et signe. Il se dit vainqueur de l’élection présidentielle et n’est pas prêt à céder son fauteuil. Quelle solution envisagez-vous afin de le déloger du Palais ?

AMT: Ecoutez, savez-vous comment Laurent Gbagbo est arrivé au pouvoir ? C’est à la suite d’un coup d’État. En 2000, ayant perdu les élections il a mis les gens dans la rue. Il avait, alors, en face un militaire (Robert Gueï, ndlr) qui n’a pas voulu faire couler le sang et s’est retiré sagement. C’est dans cette situation de calamité que le pouvoir de Gbagbo s’est installé. C’est un pouvoir qui se nourrit de sang, parce que depuis 2000 jusqu’à maintenant ce sont des centaines d’ivoiriens qui sont tombés, ce sont des femmes qui ont été violées, des innocents enlevés et assassinés.

En plus, ce sont des charniers, des corps calcinés. C’est un pouvoir qui s’entretient par la violence. Et c’est cette violence, ces intimidations qu’il essaie encore de mettre en œuvre depuis le 28 novembre dernier (date du second tour de l’élection présidentielle, ndlr) quand il s’est rendu compte qu’il a perdu les élections.

Le président Alassane Dramane Ouattara et son gouvernement apprécient hautement le soutien de l’ensemble des chefs d’Etat de la Cedeao, de l’Union Africaine et des Nations Unies, de l’ensemble de la communauté internationale après la décision des Ivoiriens de procéder au changement au niveau de l’État. Nous leur demandons de faire le plus rapidement en sorte qu’il soit mis fin à la souffrance des Ivoiriens. Plus le temps passe, plus des innocents meurent, plus des familles ne trouvent plus à manger, les entreprises ferment, l’économie est totalement à genou, la situation sociale devient de plus en plus précaire.

C’est pourquoi, le président Alassane Dramane Ouattara a souhaité que d’ici à la fin de ce mois de janvier que Laurent Gbagbo, d’une manière ou d’une autre, ne se retrouve plus en situation d’agir en toute nocivité sur la Côte d’Ivoire. Je voudrais donc dire que la Cedeao mette en œuvre son plan. Mais nous continuons toujours d’en appeler à toutes les bonnes volontés qui peuvent encore amener Laurent Gbagbo à la raison.

Le prochain sommet des chefs d’État et de gouvernement de l’Uemoa est convoqué pour le 22 janvier à Bamako. Pensez-vous que le président Ouattara pourra faire le déplacement à cette rencontre quand on sait qu’il est limité dans ses déplacements étant retenu au Golf Hôtel?

Vous savez, je suis moi-même au Golf Hôtel avec le président Ouattara mais je suis venu à Bamako pour prendre part à cette session du Conseil des ministres de l’Uemoa. Nous rendrons compte à ce sommet des chefs d’État de nos travaux, tant de Bissau qu’à Bamako, de mise en œuvre de la décision du Conseil des ministres de ne reconnaître que les autorités désignées par le président Alassane Dramane Ouattara pour gérer les comptes de la Bceao et les relations de la Côte d’Ivoire avec la communauté de l’Uemoa. Comme vous le savez, les chefs d’État ont leur calendrier. Si son calendrier le lui permettra, Alassane Dramane Ouattara sera là à Bamako pour participer au sommet de l’Uemoa.

M F

11 Janvier 2011.