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L’excédent était exporté au Burkina voisin et en Côte d’Ivoire. Aujourd’hui, la réalité est toute autre. Les nouvelles en provenance de cette zone rizicole réputée pour la campagne agricole 2008-2009 ne sont pas des meilleures dans la perspective des objectifs de « l’Initiative riz ». La faute incomberait à un problème de gestion, qui, si rien n’est fait, pourrait compromettre la campagne rizicole.

Début novembre, dans un périmètre rizicole de la plaine : le bruit assourdissant des moissonneuses batteuses se mêle aux rires joyeux des riziculteurs au spectacle des gros épis que les batteuses enfournent goulûment. Cette scène presque banale ferait presque oublier un arrière-plan moins rose.

La campagne rizicole accuse, en effet, du retard à cause de graves problèmes de gestion de l’eau, expliquent les responsables de l’Association des riziculteurs des plaines aménagées de San ouest (ARPASO). Pourtant autorités administratives, élus locaux, paysans et, en fait, toute la population de San, se démènent pour sauver ce qui peut l’être.


Les temps ont changé

L’aménagement des plaines de San ouest est un projet agricole vieux de plus de 30 ans dans notre pays. Initié en 1976 pour juguler la grande famine des années 1973-1974 sa production nominale atteignait bon an mal an les 3000 ou 4000 tonnes. Pas plus tard que l’année dernière la plaine a produit, plus de 9000 tonnes de riz.

Au début, les plaines rizicoles de San ouest constituaient un espace aménagé d’environ 500 hectares géré par la Compagnie malienne de développement des textiles (CMDT) qui en avait hérité de l’Opération riz des années 80. Après le retrait de la CMDT du projet, les producteurs locaux décidèrent de prendre en main le patrimoine. C’est ainsi que naquit en 1989 l’Association des riziculteurs des plaines aménagées de San ouest (ARPASO).

Différentes consultations menées auprès des autorités administratives et des populations confirmèrent la crédibilité du regroupement. De cette date à nos jours, cette association est ainsi responsable de la gestion administrative et financière de la plaine. Mais voilà que ces temps-ci les membres de l’association dont la moyenne d’âge est de 70 ans ont du mal à assumer correctement leurs fonctions.

« Il est temps que les responsables de ARPASO comprennent que les temps ont changé. Leur politique ne correspond plus aux orientations de développement des plaines« , analyse Mamadou Traoré, un responsable du service agricole. Selon notre interlocuteur, le pilotage à vue de ARPASO serait à l’origine de toutes les difficultés actuelles des plaines.

Initiées à l’origine sur superficie d’environ 500 hectares, elles s’étendent aujourd’hui sur 2224 hectares. Plus de 4000 riziculteurs (dont 157 femmes) y cultivent diverses variétés de riz, notamment le RPKN 2, le Nérica, l’Aïdine, le BG 90, le Wat, le Komical, le Séberang etc.

Les plaines ont été fragmentées en de petits périmètres appelés ici « cellules ». On compte plus d’une dizaine de cellules. Chaque cellule est à son tour morcelée en plusieurs parcelles d’un demi hectare. La plaine est irriguée par des canaux qui prennent leur source dans le Bani. Ces infrastructures sont approvisionnées en eau par cinq pompes alimentées par un groupe électrogène de 600 Kva. Cependant les besoins hydriques des plaines ne sont guère satisfaits. C’est pourquoi la pluie constitue un précieux appoint.

Tout allait pour le mieux jusqu’au jour où le groupe électrogène tomba en panne. Selon le gérant de ARPASO, Soumana Niafo, cette avarie est imputable à la charge imposée au générateur. « La puissance du groupe ne permettait pas un fonctionnement à temps plein. Il devait plutôt servir de relais en cas de déficit d’approvisionnement en eau », explique-t-il. Cette panne a entraîné plus de trois mois de retard dans l’irrigation des parcelles dont certaines ont commencé à sécher.

Il aura fallu l’intervention du département de l’agriculture pour trouver un autre groupe électrogène beaucoup plus puissant (acheté à plus de 112 millions de Fcfa). Mais le temps nécessaire à l’acheminement du nouveau générateur et à son installation, n’allait pas arranger la situation. ARPASO s’est alors tourné vers la subdivision EDM de San pour parer au plus pressé.


Dans les règles de l’art

« Nous avons proposé à EDM la connexion de la centrale de pompage à son réseau électrique. Cela lui aurait permis, non seulement de produire de l’électricité pour la ville et d’irriguer les plaines. Mais la société d’électricité n’a pas répondu favorablement à notre requête« , indique le gérant de ARPASO, Soumana Niafo.

Démenti du coordinateur de EDM, Ibrahima Daouda Traoré. EDM, soutient-il, a été ignoré durant tout le processus d’acquisition du groupe électrogène. « Au début nous avons été conviés à des réunions. Mais à notre grande surprise, ARPASO a choisi une autre entreprise pour la réalisation de ses installations. Cette entreprise nous a contacté pour contrôler les installations. C’est dans le cadre de ce partenariat qu’EDM a installé un interrupteur à commande manuelle (IACM) pour parer à d’éventuels dommages sur le réseau. EDM a même fait installer un groupe électrogène de 400 Kva au moment où les champs étaient abandonnés faute d’eau », indique le coordinateur de EDM à San.

L’arrêt du groupe d’EDM quelque temps après a été mal perçu par les populations qui ont failli marcher sur la subdivision locale, souligne Ibrahima Daouda Traoré qui impute à ARPASO la responsabilité des problèmes de la plaine. Les populations de San sont aussi très remontées contre l’association dont elles mettent en doute la sincérité dans la gestion des parcelles.

Sont ainsi pointées les expropriations « abusives » et les « attributions arbitraires » de parcelles.
Le président de ARPASO, El Hadj Allaye Dao, lui est formel. Tout ce qui a été fait par son association, souligne t-il, l’a été dans les règles de l’art. Le problème, assure-t-il, réside dans la cherté des charges récurrentes liées à la redevance eau et aux intrants.

Cette explication ne convient pas du tout à Mamadou Goïta, le coordinateur de la cellule technique « Initiative riz » du ministère de l’Agriculture. Celui-ci relève que l’Etat ayant subventionné les intrants pour impulser la production, il ne saurait y avoir ni amalgame, ni fuite en avant.

Il faut cependant reconnaître, que la gestion des plaines de San s’avère onéreuse. Les charges fixes de carburant s’élèvent à plus de 80 millions de Fcfa. Sans compter les frais engagés dans l’achat de l’huile moteur et l’entretien du groupe électrogène.

L’aide de 32 millions de Fcfa promise par l’Etat dans le cadre de l’Initiative riz aurait pain bénit. Mais rien n’a été débloqué pour l’instant faute de « contrat et de facture justificatifs » dans le dossier de demande de fonds comme l’explique une lettre adressée par le ministère des Finances à la cellule de coordination de l’Initiative riz.

En attendant que tout revienne dans l’ordre, l’association s’est endettée de 50 millions de Fcfa auprès de la Banque nationale de développement agricole (BNDA) pour poursuivre la campagne jusqu’au 15 décembre prochain. Passé cette date, elle ne sera plus en mesure de supporter les frais nécessaire à l’irrigation.

L. DIARRA

27 Novembre 2008