C’est un véritable paradoxe : fort de ses 850 millions d’habitants, le continent africain ne représente que 4,5 % du trafic aérien mondial. Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette faible performance. Le continent est victime des conséquences du 11 septembre 2001, de la disparition d’Air Afrique en février 2002, de la mauvaise gestion des compagnies nationales et plus récemment de la flambée des prix du pétrole.
Certes, selon les chiffres de l’International Air Transport Association (IATA), le transport aérien en Afrique a connu une croissance annuelle moyenne supérieure à celle du reste du monde entre 2003 et 2004 : 11,2 % pour le trafic passager et 7,5 % pour le cargo. Mais, en 2004, les 42 compagnies membres de l’Association des compagnies aériennes africaines (AFRAA) n’ont assuré que le tiers du trafic global sur le continent, ne parvenant pas à s’imposer sur leurs propres marchés.
Les compagnies européennes qui desservent l’Afrique ont capté pour leur part plus de 72 millions de passagers des pays africains. Il faut aussi désormais compter avec la concurrence naissante des compagnies du Moyen-Orient (Qatar, Emirats arabes unis…) De son côté, Boeing prévoit, pour le continent, pour la période 2000-2019, une croissance de l’ordre de 4,8 % par an pour le trafic passagers et de 6,4 % pour le fret.
Un manque d’investissements
A elle seule, l’industrie aérienne génère près de 500 000 emplois en Afrique et contribue à hauteur de 12 millions de dollars au PIB du continent. Mais elle reste très peu développée et souffre d’un manque d’investissement, plus particulièrement dans la desserte du réseau domestique.
L’Airports Council International (ACI) explique la faible part de l’Afrique dans le trafic mondial par le manque d’infrastructures aériennes. En 2004, le nombre de passagers transportés en domestique et à l’international pour l’Afrique n’était que de 83 millions, tandis qu’à la même période il atteignait 605 millions pour l’Asie.
Au sein du continent africain, la situation est contrastée selon les régions. Ainsi le Nord, le Sud et l’Est de l’Afrique connaissent des situations meilleures (plus de 5 millions de passagers par an par pays en moyenne) que les régions de l’Ouest et du Centre composées pour l’essentiel de pays francophones dont le trafic est moindre et ne disposant que de peu d’opérateurs fiables.
En Afrique de l’Ouest, seuls le Nigeria et le Sénégal dépassent le million de passagers par an. Ces différences peuvent s’expliquer en partie par le contexte historique et économique. Depuis 2002, plus de dix compagnies des régions ouest et centre ont été créées suite à la faillite d’Air Afrique et ont dû fermer très rapidement pour des raisons de sous-capitalisation. Elles desservaient généralement les mêmes lignes, occasionnant une guerre des prix qui les a empêchés de couvrir leurs coûts d’exploitation.
Les régions australe et orientale de l’Afrique se portent plutôt bien, grâce à la mise en place par les compagnies aériennes de véritables « hubs », des bases servant à regrouper des passagers en provenance de divers pays. On peut ainsi citer les réussites d’Ethiopian Airlines, qui a bénéficié de la présence du siège de l’Union africaine à Addis-Abeba, ou de la Kenyan Airways, qui a su tirer profit de son partenariat avec la KLM ainsi que de son « hub » de Nairobi.
En Afrique australe, des compagnies historiques ont su mieux gérer leurs droits de trafic ainsi que leurs moyens humains et matériels. Leader du continent, la South African Airlines profite de la bonne santé de l’économie de son pays. Sa suprématie repose sur le marché domestique dont elle tire 70 % des parts, ne laissant pas ainsi de place à la concurrence. Ses ambitions sont freinées par le retard pris dans l’application de la « Décision de Yamoussoukro », une résolution adoptée en 1999 par les ministres africains en charge de l’Aviation civile prônant la libéralisation des marchés de transport aérien en Afrique.
En Afrique du Nord, la Royal Air Maroc (Ram) est parvenue à conquérir une part importante du trafic nord-sud. La compagnie a créé un « hub » à Casablanca qui rassemble des passagers venus des métropoles européennes qui repartent ensuite vers 11 capitales africaines francophones. La Ram est également partie prenante dans le succès d’Air Sénégal International dont elle détient 51 % du capital. Elle en a fait la première compagnie de l’Afrique de l’Ouest avec 500 000 passagers transportés en 2005. Sur le même modèle, la Ram doit lancer cet été Air Gabon International.
La sécurité au centre des préoccupations
Essentiels à la croissance et au bon fonctionnement des services de transport aérien, les aéroports sont sous-équipés dans la plupart des pays et ne répondent pas toujours aux normes internationales. Beaucoup se caractérisent par leur vétusté. Même si certains ont été construits au cours de ces dix dernières années, la plupart datent des années 1950-1960, d’où un besoin de modernisation pour être conforme aux standards requis.
Autre impératif de taille pour les compagnies africaines : se mettre aux normes de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) – dont le siège est à Montréal (Canada) -, qui sont de plus en plus contraignantes, notamment en ce qui concerne la qualification des personnels et la certification des aéroports.
Beaucoup de pays accusent du retard pour intégrer les nouvelles exigences en matière de sécurité. La quasi-totalité des aéroports du continent n’est pas sécurisée et il est à craindre que les audits de la supervision de la sécurité effectuée par l’OACI dans ses 189 Etats contractants interdisent le trafic international sur ceux qui ne seraient pas conformes.
Ces questions sont à régler d’urgence car les premières certifications débutent cette année. Pour l’heure, l’Afrique compte 25 % des accidents aériens qui se sont produits dans le monde, ce qui donne une moyenne d’accidents aériens de plus de 6,6 fois supérieure à la moyenne mondiale. Cause principale de ces accidents, les facteurs organisationnels. Sur le total des accidents, 26 % ont eu pour conséquence des décès de passagers ou de membres d’équipage et 61 % une perte totale de coques d’appareils.
Sadio Kanté
(correspondance particulière)
African Airlines Forum : le rendez-vous de Bamako
Ayant pour président Fousséni Konaté (Abidjan Catering) et pour directeur l’homme d’affaires malien Djibril Baba Tabouré (Atlas-GSA), l’African Airlines Forum est une conférence organisée sur le modèle du Cannes Airlines Forum, qui réunit en France tous les professionnels du transport aérien. Sa première édition a lieu à Bamako les 6 et 7 avril.
Au programme, des débats sur la fiabilité du transport aérien en Afrique avec des interventions des différents acteurs concernés (compagnies aériennes, prestataires de services, autorités aéronautiques) qui évoqueront les questions de sécurité aérienne et de viabilité économique des compagnies en Afrique.
La deuxième journée de la conférence doit permettre notamment d’examiner de manière concrète le projet StB (Simplifying the Business) de l’IATA, à mettre en œuvre avant fin 2007 ; dans ce cadre doit être examiné le problème du passage, pour les compagnies opérant en Afrique, à la billetterie électronique.
S. K.
29 mars 2006.