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Conformément à sa nouvelle stratégie qui consiste à faire entrer immédiatement l’Etat dans ses droits chaque fois que celui-ci est lésé, le Pôle économique et financier, après avoir entendu des commerçants mêlés dans l’affaire dit du Trésor de Sikasso, les a contraints à rembourser leurs parts.

Comme le point de la situation de remboursement se fait hebdomadairement, le Pôle avait réussi à encaisser vendredi dernier, pour le compte du Trésor public, la bagatelle de 200 millions de F CFA. Il est probable que ce recouvrement soit à la hausse ce vendredi après un nouveau décompte des montants remboursés.

Du côté de la direction nationale du trésor, des sanctions ont été prises à l’encontre des deux agents coupables de faute professionnelle et qui sont à la disposition du Pôle économique. Ils ont été relevés de leurs postes, ce en attendant le verdict du juge anticorruption, Sombé Théra. Leurs remplaçants ont pris fonction mardi dernier à la suite d’une passation de service.

L’affaire a éclaté au grand jour par l’arrestation, il y a deux semaines, du trésorier payeur de Sikasso suivie de l’interpellation du percepteur de Koutiala, à la suite d’une enquête de routine diligentée par le Trésor public, qui a porté plainte devant le juge anti-corruption. Celui-ci les a mis en état d’arrestation pour les besoins des enquêtes.

L’ampleur des dégâts et le fait que les enquêtes suivent leur cours ne permettent pas pour l’heure de donner un montant précis du préjudice. Toutefois, l’hémorragie financière s’élèverait à plus de 4 milliards de nos francs et s’étend sur la période 2004-2005.

Bakoré, Madiou et Modibo hors de cause

La liste des commerçants impliqués serait aussi longue. Ils sont une vingtaine d’opérateurs économiques de Bamako, Sikasso, Koutiala et Koury. Selon des recoupements faits au niveau du Pôle économique, des gros bonnets du monde des affaires comme Madiou Simpara, Modibo Kéita et Bakoré Sylla, dont les noms étaient cités précédemment comme cerveau de cette affaire, ne figurent pas sur la liste.

La pratique qui a consisté à provoquer ce manque à gagner à l’Etat est en elle-même une pratique courante connue des services financiers de l’Etat. Il s’agit d’un jeu d’arrangement qui permet à un opérateur économique, dont les marchandises sont en dédouanement aux postes de Sikasso, Koutiala Koury ou n’importe quel poste autre de contrôle douanier du territoire national, de présenter un chèque au titre des frais de dédouanement au trésorier payeur de la place. Celui-ci met son visa sur le chèque donnant le quitus à son propriétaire de procéder aux formalités douanières pour enlever ses produits.

Le commerçant qui reste débiteur du Trésor public doit se mettre en règle plus tard une fois ses marchandises mises en consommation. Le chèque peut être repris à tout moment à condition que les créances soient apurées.

Il n’y a apparemment pas de banditisme financier en tant que tel, sinon il n’y aurait jamais eu d’émission de chèque qui constitue toujours la preuve matérielle de l’engagement de l’intéressé. C’est même sur la base desdits chèques que tous ceux qui ont été interpellés dans le dossier ont accepté de se mettre en règle vis-à-vis de leur débiteur.

Le Trésor public, la principale banque de l’Etat, connaît présentement des jours difficiles à cause de la conjoncture économique. Par ce coup, il a simplement décidé de secouer le cocotier pour mettre un terme à une imprudence ou laisser-aller dans la gestion des fonds publics.

Quelle que soit la nature du crime ou du délit commis, la responsabilité des opérateurs économiques concernés de même que celle du trésorier payeur de Sikasso et du percepteur de Koutiala restent engagées. Pour les premiers, ils n’ont pas agi en débiteurs de bonne foi, pour la simple raison que quand on s’endette, on paye. Pour les seconds, qui sont des fonctionnaires de l’Etat, ils n’ont pas été très regardants sur les principes de gestion des deniers publics. Aucune loi des finances publiques ne permet de telles pratiques, qui tranchent avec l’orthodoxie en la matière.

Abdrahamane Dicko

31 mars 2006.