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La comparution des avocats du maire du district devant le Tribunal du commerce en lieu et place de l’administrateur gérant du Marché rose vendredi dernier a été riche en révélations : Adama Sangaré a vendu « le passage piéton » sans l’aval du conseil du district.

L’Association des commerçants détaillants du Marché rose « Yérédèmè-Ton »avait initialement assigné Nianan Sanogo, l’administrateur gérant du Grand marché, devant le Tribunal de commerce pour avoir morcelé les couloirs ou servitudes séparant les boutiques et appelés « passage piéton ».

Constatant l’absence au prétoire, le lundi 17 novembre de l’administrateur gérant qui a refusé de prendre la citation arguant « qu’il était en mission de ses supérieurs hiérarchiques », le président du Tribunal de commerce a ordonné la convocation de l’autorité morale, c’est-à-dire la mairie du district. L’audience avait été alors renvoyée au 21 novembre 2008.

Vendredi dernier, les avocats de la mairie, Mes Diop et Aminata Traoré, ont d’entrée de jeu demandé au président du Tribunal de se déclarer « incompétent » dans cette affaire qui, selon eux, « est d’ordre administratif ». Un argument réfuté par Me Modibo Sylla, conseil de « Yérédèmè-Ton ». Celui-ci a soutenu qu’il s’agit bien d’une affaire commerciale dans la mesure où il existe un contrat de location des magasins entre ses clients et la mairie du district.

L’exception d’incompétence n’ayant pu passer, les débats au fond se sont imposés. Me Sylla a affirmé qu’ils sont devant un cas de servitude réglementé en droit par les articles 487 et suivants du code civil. Le « passage piéton » qui vient d’être vendu et sur lequel ont été construits nuitamment 8 magasins constitue en même temps des couloirs de passage de la clientèle, d’aération et d’issues de secours en cas de sinistre.

« La mairie du district ne peut rien entreprendre pour transformer l’architecture du Marché rose sans en référer à ses exploitants qui ont payé 750 000 F CFA pour participer à ses frais de reconstruction financés par la Coopération française à 1,6 milliard de F CFA et qui a renoncé à 1 milliard de F CFA » , a affirmé Me Sylla.

Le maire seul

Me Sylla a ajouté que « le maire seul est en train de piloter cette vente du passage piéton et qu’il n’existe aucune délibération du conseil du district ». Il s’est inquiété du silence du gouverneur du district et des plus hautes autorités qui sont au courant de l’affaire.

Me Aminata Traoré a opposé à l’argument de son confrère « le pouvoir qu’a le maire du district de prendre un acte administratif ». Son collègue Me Diop a précisé que « la mairie du district est propriétaire et que les commerçants sont des locataires. Un locataire ne peut pas empêcher le propriétaire d’apporter des modifications à son domaine ».

« Je suis désolé, le maire ne peut pas changer la nature d’un contrat commercial. Nul ne peut faire ce qu’il veut d’une servitude. Des maires sont passés avant lui pourquoi ils n’ont pas fait la même chose ? S’il a le plein pouvoir de décider de ce qu’il veut pourquoi ne va-t-il pas construire sur l’un des deux ponts de Bamako ? » , lui a rétorqué Me Sylla.

Le conseil des détaillants a exigé « l’arrêt immédiat des travaux, la démolition des magasins déjà construits et la cessation de troubles aux activités des commerçants sous astreinte de 100 000 F CFA par jour de retard ».

Le président du Tribunal qui est souvent intervenu pour calmer les ardeurs a fixé le délibéré sous huitaine, un délai jugé long par les commerçants détaillants et leur avocat qui pensent que leurs activités sont bloquées.

Le silence du gouverneur du district, du ministre de l’Administration territoriale et des Collectivités locales est plus que surprenant. On se rappelle la radiation de l’ex-maire du district, Moussa Badoulaye Traoré (paix à son âme) en 1995 lorsqu’il était maire de la Commune II. Il était accusé par le Groupement des commerçants détaillants d’avoir commandé des kiosques en bois à Abidjan sans leur aval et de leur imposer leur location devant la Maison de l’artisan.

M. Traoré avait été lâché par le conseil communal qui avait reconnu n’avoir pas délibéré sur la question. Confondu de gestion personnelle, Moussa Badoulaye Traoré avait été radié quelques mois par décret du conseil des ministres.

Adama Sangaré bénéficiera-t-il de plus de miséricorde que son prédécesseur ? Wait and see !


Abdrahamane Dicko

24 Novembre 2008