La sortie médiatique du ministre de l’Administration Territoriale et des Collectivités Locales le général Kafougouna Koné en fin de semaine dernière pour s’expliquer sur le problème va-t-elle mettre fin à la polémique ?
La pomme de discorde
De quoi s’agit-il en réalité ? Dans sa version des faits qu’il a livrée à notre confrère «L’indépendant» le vendredi dernier, le ministre Kafougouna Koné a expliqué que pour la confection du fichier électoral aux élections de 2002, l’Etat a signé un contrat avec la société Tata Groupe Informatique. Cette société, qui a élaboré le logiciel du fichier électoral, devient un partenaire privilégié du MATCL et de la DGE.
Dans le cadre de ce partenariat, la DGE pensait pouvoir exploiter ledit logiciel à sa guise. Mais mal lui en prit. Car dès la mise en oeuvre de celui-ci à la présidentielle et aux législatives de 2002, puis aux communales de 2004, elle s’est heurtée aux verrous que Tata Groupe avait incorporés dans son logiciel. Cette situation oblige, déplore le ministre, la DGE à passer un marché de gré à gré avec son partenaire Tata Groupe, chaque année, pour pouvoir procéder à la révision du fichier électoral. Les autorités soupçonnent la société partenaire de créer délibérément cette situation de dépendance rien que pour soutirer de l’argent à l’Etat alors même que la réalisation du fichier électoral aura en 2002 coûté environ 5 milliards au gouvernement. Elles sont d’autant plus tentées de crier à l’arnaque que nombre de sociétés informatiques de la place soutiennent que l’exploitation du logiciel doit revenir au demandeur. Seule la propriété intellectuelle appartient, selon elles, à la société informatique ayant conçu le logiciel.
Face à l’intransigeance de Tata Groupe, la DGE avait de guerre lasse tenté de se rabattre sur une autre société informatique de la place en lançant un nouvel appel d’offres concernant la refonte du fichier électoral. Cette décision de la DGE aura été très mal prise par Tata Groupe qui a estimé qu’il s’agissait là d’une façon déguisée de lui retirer purement et simplement le marché du fichier électoral au profit de ses concurrents. Selon la société dirigée par Traoré Leroux Yves Paul, le contrat passé avec l’Etat ne l’oblige pas à lui livrer le programme source censé permettre à la DGE d’exploiter le logiciel sans passer par elle. Les clauses du contrat ne prévoyant pas une telle chose, l’attitude de la DGE a été perçue par Tata Groupe comme une tentative d’expropriation.
Visiblement, des difficultés d’interprétation des clauses du contrat se trouvent à l’origine de la brouille. Alors, faut-il recourir à la justice pour vider le contentieux ?
Cette solution extrême proposée par certains partis politiques a bien failli aggraver la situation. Car Tata Groupe, de son côté, envisageait de tenir une conférence de presse vendredi dernier pour donner sa version des faits. Mais la société a in extremis reporté cette conférence de clarification à une date ultérieure sans raison apparente. A-t-elle eu vent de l’interview que le ministre de l’Administration Territoriale Kafougouna Koné a accordée à notre conférence «L’Indépendant» vendredi dernier ?
En tout cas, si celui-ci n’a pas manqué de fustiger le refus de Tata Groupe de céder à l’Etat l’exploitation pleine et entière du logiciel, il n’en demeure pas moins qu’il ne s’est pas montré favorable à une solution judiciaire. Du moins, pour l’heure. <<Les partis politiques ont évoqué cette éventualité, mais nous n’en sommes pas encore là. Tata Groupe est un partenaire pour nous et nous n’avons rien contre lui>>, a-t-il assuré.
Ces propos rassurants ont-ils déterminé Tata Groupe à surseoir à sa conférence de clarification ? Cette déclaration du ministre Kafougouna Koné va-t-elle résoudre le problème pour de bon ? Ce n’est pas si sûr car le « nous n’en sommes par encore là » du ministre laisse croire que les deux protagonistes « en seront là » si Tata Groupe persistait dans le verrouillage de son logiciel. Reste à savoir si la société acceptera, après cette sortie médiatique du ministre Kafougouna Koné, à livrer à la DGE le programme source qu’elle considère comme sa propriété.
Le fait que la DGE ait décidé de surseoir à la refonte du logiciel est certes de nature à baisser les tensions. En agissant ainsi, les autorités ont franchi un pas dans la recherche de solution au problème posé. Il n’est pas en effet très indiqué de changer de société informatique pour un logiciel dont la mise en oeuvre a débuté depuis les élections de 2002. L’expérience acquise par Tata Groupe tout au long de la mise en oeuvre du logiciel plaide largement en sa faveur. Passer aujourd’hui le marché à une société informatique inexpérimentée pourrait se révéler catastrophique et compromettre dangereusement la fiabilité du fichier électoral et partant la transparence des élections présidentielles de 2007.
En effet, le retrait du marché à Tata Groupe pourrait aujourd’hui donner lieu à des interprétations et spéculations politiques diverses remettant en cause la bonne foi de Koulouba. C’est probablement pour éviter de telles complications que la DGE a, nonobstant le verrouillage effectué par Tata Groupe, proposé à la DGE de traiter avec elle. Cependant, pour que les deux positions ne se crystallisent, il est essentiel que la société Tata Groupe consente à son tour des sacrifices. A cet égard, elle pourrait, à défaut de livrer son programme source, permettre à la DGE d’accéder au code de son verrouillage ne serait-ce que pour la mise à jour du fichier électoral.
En tout cas, les deux protagonistes se doivent de faire des concessions eu égard à l’enjeu électoral que comporte cette « Affaire du fichier électoral ». Notre pays, qui traverse déjà une période économique difficile, n’a pas besoin d’un tiraillement entre partenaires chargés de l’organisation matérielle des élections de 2007.
Samou KONÉ
08 aôut 2005