En effet, après avoir purgé intégralement leurs peines pour les condamnés et rassurés d’être blanchis dans cette affaire pour ceux acquittés par la Chambre criminelle de la section judiciaire de la Cour suprême du Mali statuant sur les pourvois formulés par les uns et les autres vient de surprendre tout ce beau monde.
Dans un arrêt N°5 rendu le 6 février 2005, ladite Chambre criminelle a, au fond, cassé et annulé les arrêts N°111 du 6 juillet 2004 et les arrêts N°91 et 92 du 6 août 2004.
Elle a en outre décidé de renvoyer la cause et les parties devant la Chambre d’accusation de la Cour d’appel de Bamako autrement composée. C’est l’interprétation de cet arrêt qui pose aujourd’hui problème.
La défense (composée des personnes impliquées dans ce scandale et leurs conseils) et les parties civiles : ceux qui ont été lésés par ces pratiques frauduleuses n’ont pas la même lecture de l’esprit de cet arrêt.
Pour un avocat de la place qui a un client dans le dossier acquitté lors des assises du 6 juillet 2004, cet arrêt N°5 du 6 février 2005 rendu par la Chambre criminelle de la section judiciaire de la Cour suprême du Mali ne concerne nullement ceux qui ont été acquittés.
Selon lui, si une personne bénéficie d’un acquittement devant la Cour d’assises, aucune autre décision, fut-elle de la Cour suprême, ne pourra plus jamais remettre en cause cet acquis. Ce raisonnement juridique n’est cependant pas partagé par tout le monde.
De l’avis d’un autre avocat qui n’est pas dans le dossier, l’arrêt N°5 du 6 février 2005 rendu par la Chambre criminelle de la section judiciaire de la Cour suprême du Mali est « un arrêt de cassation avec renvoi« .
« Les magistrats de la Cour suprême ont estimé que l’arrêt qui a été rendu par la Chambre d’accusation de la Cour d’appel de Bamako en son temps n’a pas été fait en application de la loi. Un grief qui avait d’ailleurs été soulevé par le Collectif des avocats de la défense sous forme d’exception devant le président Nouhoum Tapily (président de la Cour d’assises) au motif que la Chambre d’accusation de la Cour d’appel de Bamako ne leur avait pas accordé le délai requis par la loi pour faire et déposer leurs mémoires. C’est cette violation d’une des dispositions de notre Code de procédure pénale que la Cour suprême a censuré en cassant et en annulant« .
Notre interlocuteur nous expliquera, en outre, qu’en renvoyant la cause et les parties devant la Chambre d’accusation de la Cour d’appel de Bamako autrement composée, cette Chambre va à nouveau statuer sur l’ordonnance de renvoi du juge d’instruction.
Selon lui, « à travers cet arrêt de cassation avec renvoi, l’ordonnance de renvoi du juge d’instruction prend toute sa plénitude« .
Désormais, précisa-t-il, c’est comme si le dossier venait de quitter devant le juge d’instruction. La procédure revient donc devant lui.
« La liberté et les acquittements sont tous remis en cause« , précisa t-il. Avec cet arrêt de cassation avec renvoi, toutes les décisions prises tant au niveau de la Chambre d’accusation que de la Cour d’assises de Bamako qui, lors de son audience du 6 juillet 2004, a pris des mesures d’acquittements et de condamnations dans cette affaire dite des exonérations, deviennent caduques.
C’est comme si aujourd’hui la Chambre d’accusation de la Cour d’appel de Bamako n’a pas encore statué sur ce dossier.
« Ceux qui ont fait un pourvoi c’est tant pis pour eux. On ne peut pas fractionner l’arrêt. Le pourvoi est général, c’est un tout. L’arrêt ne peut pas être bon en certains endroits et mauvais en d’autres« .
Telle est la conclusion tirée par notre spécialiste en droit par rapport à ce débat. Un débat qui va continuer à susciter beaucoup de polémiques et de controverses dans les milieux judiciaires.
Déjà, au niveau de la haute sphère de l’administration judiciaire, l’embarras est perceptible. Un haut responsable du parquet nous confiera par ailleurs que cet arrêt N°5 rendu le 6 février 2005 par la Chambre criminelle de la section judiciaire de la Cour suprême du Mali a mis tout le monde mal à l’aise.
Birama Fall
14 février 2006.