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Suite à la lettre du 09 mai 2005 du Camp I de la Gendarmerie Nationale adressée au ministre chargé de la Sécurité Intérieure et de la Protection Civile relative à la mise à disposition de l’Inspecteur de Police Ahmed Yattara en service à la Brigade des stupéfiants de Bamako ; ledit Inspecteur de Police a été entendu le 13 mai par les gendarmes. Après son audition, il a jugé nécessaire de rendre compte au Directeur Général de la Police Nationale de ce qui s’est passé entre lui et les gendarmes par rapport à l’affaire Daouda Yattara accusé d’être l’auteur de la disparition du Guinéen Mory Magasouba. Quels liens l’Inspecteur a-t-il avec cette affaire ?

L’Inspecteur de Police Ahmed Yattara s’est confié au Directeur Général de la Police Nationale. Nous avons intercepté une copie de sa lettre dont nous vous livrons la teneur.

Monsieur le Directeur Général de la Police Nationale Bamako,

Suite à la lettre sus référencée, j’ai l’honneur de vous rendre compte de ce qui suit :

Le 13 mai 2005 à 09 heures, accompagné de l’Inspecteur Divisionnaire Néguesson Konaté de notre service, je me suis rendu au Camp I de la Gendarmerie où j’ai été reçu par le Capitaine Amadou Diakité, chef de la section d’Investigation Judiciaire.

J’ai été ensuite mis à la disposition du Lieutenant Yaro pour mon audition. Ce dernier était assisté de deux agents dont j’ignore le nom.

Introduisant, il a demandé de lui faciliter la tâche en tant qu’Officier de Police Judiciaire. Il m’a ensuite posé la question suivante :

Que savez-vous sur les événements entre votre jeune frère Daouda Yattara et un certain Mory Magassouba qui était venu de la Guinée ?

Ma réponse a été la suivante :

Suite à la visite d’un individu à notre domicile, se disant être de la nationalité Guinéenne et répondant au nom de Magassouba Mory, venu solliciter de l’aide auprès de mon jeune frère Daouda Yattara, en tant que confrère, pour aller fêter le Ramadan chez lui en Guinée.

A cette occasion, mon jeune frère lui a donné 175.000 FCFA dont 50.000 FCFA pour sa mère et 125.000 FCFA pour lui-même.

Mais curieusement, il a fait paraître des enregistrements sur une cassette audio d’où il traitait Daouda Yattara de tous les maux et promettait de l’assassiner.

Mory Magassouba est ensuite allé à Kangaba où un certain Mamby avec ses adeptes informés de son projet, le ramenèrent ligoté à notre domicile, en vue d’une confrontation avec Daouda sur les propos qu’il a tenus à l’endroit de ce dernier.

Ce jour, j’étais en train de dormir et c’est le bruit de la foule qui m’a réveillé. Elle avait accouru pour venir voir celui qui avait tenu des propos déshonorants à l’égard de mon frère sur des enregistrements de cassette.

J’ai ordonné immédiatement qu’on détache Mory Magassouba. Cette attitude n’étant pas comprise par Mamby et ses adeptes, ils ont aussitôt quitté notre domicile amenant avec eux Mory Magassouba, en disant qu’ils devraient d’abord le présenter à Céan Kéïta leur maître féticheur.

C’est ainsi que le Vieux Kita Balla informé de la situation, nous a rejoints à notre domicile. Accompagné de ce dernier, je me suis rendu au Commissariat du 9è arrondissement pour informer la Police de ce qui se passait.

Avec le vieux Kita Balla, à notre retour à la maison, nous avons trouvé Mory Magassouba avec Mamby. Le vieux Kita Balla, Céan Kéïta et moi-même avons eu un entretien avec Mory Magassouba et Mamby et ses adeptes en présence de Daouda Yattara.

Nous avons pu convaincre les uns et les autres de mettre fin à cette altercation. Céan et Mory Magassouba se sont joints à moi pour aller au 9è arrondissement où l’Adjoint au Commissaire le Commissaire Issa Konaté a interrogé verbalement Mory Magassouba au sujet des allégations qu’il a faites contre Daouda Yattara. Alors il a reconnu lui-même que c’était des propos mensongers.

Informé de l’affaire par le Commissaire Konaté, le Directeur Régional de la Police alors, le Contrôleur Général Falaye Kéïta nous a dit de nous adresser à la Brigade Territoriale de la Gendarmerie (B.T).

En partant à la Brigade Territoriale de la Gendarmerie, nous avons rencontré le Lieutenant Boubou dudit service qui, après avoir constaté que la réconciliation était effective entre Daouda Yattara et Mory Magassouba, a confié ce dernier à Céan Kéïta à charge pour lui de le ramener avec Daouda Yattara le lendemain à la Brigade Territoriale. Mais Mory Magassouba a passé la nuit à notre domicile.

Au cours de la nuit, une manifestation de réjouissance a eu lieu chez nous au cours de laquelle Daouda Yattara et Mory Magassouba ont scellé leur réconciliation en présence de leurs confrères chasseurs.

Le lendemain, j’ai accompagné à la BT Céan Kéïta, Daouda Yattara, Mory Magassouba et la délégation venue de Kaaba dirigée par Mamby Kéïta.

Après son audition Daouda Yattara a annoncé sa renonciation à toute plainte contre Mory Magassouba à qui d’ailleurs il a remis une somme d’argent. Nous nous sommes ensuite retirés en laissant Mory Magassouba entre les mains du Lieutenant Boubou de la Brigade Territoriale de la Gendarmerie.

Continuant mon audition, le Lieutenant Yaro m’a posé les questions suivantes :

1) Question : En tant qu’homme de loi, au moment des faits, pourquoi avez-vous abandonné Mory Magassouba aux mains de ses ravisseurs ?


Réponse :
Vous n’êtes pas sans savoir que c’est Mamby et ses adeptes qui ont amené Mory Magassouba de Kangaba à Bamako. Seul, je ne pouvais pas m’interposer physiquement vu la tension qui prévalait. Et c’est en ma qualité de policier que j’ai immédiatement informé le Commissariat du 9è arrondissement pour dispositions à prendre. Alors on ne peut pas parler d’abandon , car j’ai même pris des dispositions pour le sécuriser contre la vindicte populaire.

2) Question : Dans l’audition du Commando Para du nom de Moussa Kéïta, ce dernier a laissé entendre que vous leur avez ordonné de veiller sur la sécurité de Mory Magassouba pour qu’il ne soit pas agressé par les adeptes de Daouda Yattara avant que vous informiez le Commissariat du 9è arrondissement. Est-ce vrai ?

Réponse : J’ai ordonné au Commando Para Moussa Kéïta que j’ai rencontré au bord de la route près du domicile de Céan Kéïta de veiller sur la sécurité de Mory Magassouba contre toutes agressions de la foule, mais je n’ai pas dit contre les agressions des adeptes de Daouda Yattara.

3) Question : D’après des renseignements qui nous sont parvenus, la voiture avec laquelle Mory Magassouba a été enlevé est votre propriété ?

Réponse : C’est très grave ce que je viens d’entendre. S’il s’agissait de ma voiture, de quel genre et quel est son numéro d’immatriculation ? Comme c’est toujours des renseignements, il reste à vérifier leur véracité. En tant que agent de la loi, jamais ma voiture ne sera utilisée dans ce genre d’opération.

Aussi, j’en appelle à votre bon sens. Encore, il n’y a pas de concordance entre la date sur l’ordonnance aux fins de non lieu du Juge et la date que vous venez de me dire.

De toutes façons ces deux dates m’ont trouvé à l’internat de l’Ecole Nationale de Police où je suivais la formation d’Inspecteur.

J’estime que tout cela est un montage, sinon comment un tel enlèvement peut-il avoir lieu, dans un quartier à forte densité de population sans que personne en dehors des membres de la famille, ne soit au courant et que les membres de la famille ne puissent pas crier au secours.

Après le Lieutenant Yaro a demandé mon avis personnel sur cette affaire. Sur ce, j’ai dit ceci :

Selon moi, le fait que Mory Magassouba en tant que confrère de Daouda Yattara qui venait de lui rendre un grand service et qu’en contre partie il fasse paraître une cassette contenant des propos déshonorants à l’égard de son confrère Daouda et en promettant de l’assassiner, me donne une très mauvaise impression sur sa personne.

Les questions ci-après me viennent constamment à l’esprit : Mory Magassouba était-il en mission ? Qui sont les commanditaires ?

Que veulent-ils réellement ?

Pourquoi les parents de Mory Magassouba ont-ils attendu cinq jours avant d’informer le Commissariat du 9è arrondissement de son enlèvement ?
L’audition a pris fin à 13 heures 20 mn sans incident.

Tels sont les faits.

Monsieur le Directeur Général, je vous affirme que je ne suis impliqué ni de près ni de loin dans cette affaire. En tout état de cause, vous pouvez, si nécessaire, vous impliquer pour la manifestation de la vérité car nul ne connaît les vicissitudes d’une enquête et surtout les caprices de certains enquêteurs, s’ils veulent créer des ennuis.


Inspecteur de Police, Ahmed YATTARA

1er Juin 2005