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Si les élus de la nation ont donné leur feu vert à cet important projet de loi, il n’en demeure pas moins qu’ils ont au préalable formulé plusieurs amendements. Par le truchement de ces amendements, les leaders politiques ont-ils voulu se mettre à l’abri des agissements de l’Exécutif ? Ont-ils essayé d’échapper à toute poursuite pénale ?

Document juridique consensuel déterminant la création, l’organisation, le fonctionnement, le financement des partis politiques, les conditions de suspension de leur activité et de leur dissolution, la Charte des partis politiques a été fixée par l’ordonnance du 10 octobre 1991.

A l’épreuve du temps, sa mise en oeuvre a montré pas mal d’insuffisances qui ont été corrigées par l‘adoption du nouveau projet de loi portant charte des partis politiques.

Certaines des modifications apportées par la relecture de la charte des partis politiques ont, faut-il le souligner, été accueillies par le parlement comme des avancées notables pour la démocratie.

Il s’agit entre autres de la délivrance du récépissé au nom du parti, de la révision des critères de financement public des partis politiques, de la révision du régime juridique des dons, legs et libéralités aux partis politiques, de la liberté d’organiser les marches et meetings en informant les autorités compétentes.

Ainsi, la délivrance du récépissé au nom du parti a été d’autant plus appréciée par les élus de la nation qu’elle a l’avantage de mettre un terme aux querelles de récépissés entre responsables d’un même parti dans notre pays.

En effet, en délivrant le récépissé au nom d’un dirigeant du parti, le MATCL a longtemps contribué à aggraver le phénomène de la personnalisation des partis politiques.

Car celui qui détient le récépissé s’estime de plein droit fondateur du parti, ceux qui lui contestent ce titre ne pouvant apporter la preuve contraire. Avec cette modification, finie la guerre des récépissés qui a divisé et mené nombre de partis devant les tribunaux.

De même, la révision du régime juridique des dons, legs et libéralités permet aux partis politiques de combler leur manque cruel de ressources financières. C’est pour faire face à cette situation financière difficile qu’ils se ruent sur l’aide publique aux partis tels des chiens se disputant un os.

Cette situation financière désastreuse amène les présidents de parti à financer de leur poche toutes les instances et activités du parti. Toute chose qui constituait un important facteur de personnalisation des partis politiques.

Avant la relecture, les donateurs se limitaient aux seules personnes physiques de nationalité malienne. Or, avec la modification apportée par l’adoption de la nouvelle charte, les dons, legs et libéralités peuvent désormais provenir non seulement de personnes physiques d’une autre nationalité, mais également de personnes morales sans compter que le montant des legs, dons et libéralités par rapport aux ressources propres s’élève désormais à 50% au lieu de 20% comme c’était le cas avant la relecture.

Qui plus est, les partis politiques ont désormais la latitude d’organiser des marches et meetings sans une autorisation préalable de l’administration. Il leur suffit en effet d’informer les autorités compétentes.

Autant d’avantages qu’apporte la relecture de la charte des partis politiques que les élus de la nation se sont empressés de qualifier d’avancées démocratiques. Injonction de leurs partis respectifs ou réaction spontanée ?

Toujours est-il qu’ils ont pris le soin de purger la nouvelle charte par le biais des amendements des sanctions édictées par l’Exécutif à l’encontre des leaders politiques.

Ces sanctions auront été perçues par les députés comme un recul de la démocratie. Il s’agit entre autres du remplacement du terme “militant” par “membre” aux articles 6,15, 20, 47 et 50 de la charte, de la poursuite pénale des responsables des partis politiques du fait des dommages causés lors des marches ou meetings, de la poursuite judiciaire des dirigeants des partis politiques pour des opinions contraires aux prescriptions de la loi pénale.

La commission des lois a soutenu à l’appui des amendements formulés contre ces sanctions que les acteurs de la vie politique ont émis pas mal d’observations et de réserves par rapport à ces modifications considérées comme des insuffisances. Par ces amendements, les politiques ont astucieusement évité ce revers de médaille.

Ainsi le 8ème amendement a apporté des modifications à l’article 17 qui stipulait : « Les organisateurs assistent l’autorité publique dans le maintien de l’ordre. Ils sont tenus pour responsables de tous actes et comportements des participants aux marches ou meetings dommageables à la sécurité des personnes et des biens... ».

Donc désormais, il faut lire : <les dirigeants des partis politiques ne peuvent être poursuivis dans l’exercice de leur mandat pour leurs opinions et leurs activités” pendant que le deuxième alinéa émettait des réserves en disant que “Toutefois les dirigeants dont les opinions et les activités sont contraires aux prescriptions de la loi pénale sont passibles de poursuites judiciaires”.

Ces réserves ont été purement et simplement supprimées au profit du 1er alinéa.

Quant au 14ème amendement, il modifie l’article 47 en remplaçant “les membres du parti ne peuvent, sous peine de poursuites, tenir une réunion” par “les militants du parti ne peuvent, sous peines de poursuites, tenir une réunion”.

Or, dans l’entendement de l’Exécutif, cette modification visait expressément les responsables politiques pour les dissuader de se réunir en cas de mesure de suspension prononcée à l’encontre de leurs formations politiques.

Mais ces derniers ont, semble-t-il, à travers leurs députés, préféré tirer leur épingle du jeu en livrant leurs militants qui du reste ne se réunissent guère sans eux.

Alors question : les modifications ayant fait l’objet d’amendement sont-elles réellement un recul de la démocratie ou une volonté des leaders politiques d’échapper à toute sanction pénale ?

La question est d’autant plus pertinente que les sanctions pénales qui étaient prévues dans le projet de loi à l’encontre des leaders politiques constituent, quoi qu’on dise, des freins aux dérives politiques auxquelles les autorités sont souvent confrontées.

Samou KONÉ

04 août 2005