Ne comptez pas sur nous pour vous donner le nom du ministère en question. Mais les agents devront se reconnaître facilement. Premier constat établi : le retard est inscrit dans le comportement des uns et des autres. Notre rendez-vous avec l’attaché de cabinet du ministre, prévu pour 8 h 30, nous avons jugé nécessaire d’être un peu en avance. Notre attente qui devait durer en principe un quart d’heure s’est étirée sur près de 3 h. Elle nous a néanmoins permis de fouiner un peu dans la salle d’attente du secrétariat général, faiblement aérée.
La secrétaire, assise devant sa machine, nous dévisageait et s’occupait au bas de son bureau en cherchant nous ne savons quoi. Elle est vite interrompue par le téléphone qui sonne trois fois. Elle décroche le combiné et se lance dans une conversation en « fran-bambara ». Nous ignorons qui est au bout du fil mais, selon les bribes d’informations que nous avons captées, il semble que c’est quelqu’un qui cherche aussi l’attaché de cabinet. « Ah, il n’est pas encore arrivé. Je ne sais pas dè ! Il n’a pas d’heure fixe (en bambara). Non je ne connais pas son numéro… » Et elle raccroche tout en bafouillant des paroles « incantatoires ».
Entre-temps, une autre dame, probablement la seconde secrétaire arrive à 8 h 57. Second constat : le français, langue officielle, ne l’est plus ici. « Aw ni sogoma », lance-t-elle. La conversation et les commentaires s’engagent alors. « Ces gens là ne nettoient plus correctement nos bureaux, regarde la poussière par là. Et puis, ils n’ont même pas vidé la poubelle », constatent-elles avant que la seconde ne change complètement de sujet. « Eh, M. je n’ai pas dormi hier walayi. Tu sais, mon beau-frère et sa copine se sont fait renverser hier soir en revenant de la boite vers 3 h du matin. Je suis allée avec S. (son mari, Ndlr) à l’hôpital à cette heure. C’est sa copine dont le fiancé se trouve au Congo, qui a eu des fractures ».
La conversation est interrompue avec l’arrivée inopinée d’un conseiller technique, le portable à l’oreille. « Non, le ministre est avec le PM pour une cérémonie je ne sais où encore », dit-il à son correspondant. Il fait appel au vigile et lui remet quelques jetons pour le thé avant de regagner son bureau.
Un bazar ?
A notre question de savoir si le chargé de communication est sur place, l’une des secrétaires répond qu’il est en mission. Elles relancent le débat, cette fois à voix basse. Et soudain, l’une s’empare du téléphone et compose un numéro : « Allô, oui, je vais bien, il va bien, ils vont tous bien… ». Et patati et patata pendant au moins une dizaine de minutes. Une dame, qui a rendez-vous avec le chef de cabinet, fait le pied de grue pendant toute cette niaiserie sans se faire prier. Nous en avons profité pour joindre l’attaché, en vain, il est sur répondeur.
Un silence de cimetière envahit sitôt la salle. C’est le ministre qui arrive. Tout le monde se lève. Devancé par son aide de camp, il nous salue en nous faisant signe avec sa tête et s’introduit dans son bureau. Un directeur d’un de ses services et trois autres personnes l’attendent déjà dans son secrétariat particulier.
La porte d’entrée s’ouvre, c’est le gardien qui vient servir du thé dans des bureaux. Derrière lui, une fillette, assiette en main, se dirige vers les secrétaires. Pas de doute, l’assiette contient des brochettes, des frites et bananes plantain grillées. Nous nous sommes contentés du fumet, car elles n’ont pas daigné nous inviter. Même par courtoisie ou simple réflexe de bon Malien.
Le temps passe, plus de trois heures d’attente. Et ouf, l’attaché arrive. « Bè kunu kuma ye i ka sogomada ye » (l’aube de chacun commence à son réveil) dit l’artiste. L’attaché n’est pas enveloppé, mais il était à la douane pour réceptionner des marchandises. De qui ? Allez-y savoir !
Nous nous introduisons dans son bureau, une morgue, non un congélateur tant l’intérieur est frais. La clim, apparemment, n’avait pas été éteinte la veille. Elle a ronronné toute la nuit. A peine assis, nous retournons sur nos pas : notre « sollicitation » n’est pas réglée. A demain !
Sidiki Y. Dembélé
14 avril 2006