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On se rappelle que l’évaluation de l’action gouvernementale précédente avait fait couler beaucoup, d’encre et de salive. Tant au sein de l’équipe gouvernementale que dans l’opinion publique nationale, des voix s’étaient en effet élevées pour fustiger le mode d’évaluation utilisé par la Primature. La pomme de discorde avait été le classement par département ministériel.

Les membres de l’équipe gouvernementale avaient été classés selon le nombre d’actions réalisées pendant la période d’évaluation alors même que les départements ministériels sont plus ou moins sensibles voire plus ou moins complexes. Eu égard à cette situation, des ministres offusqués avaient accusé la Primature de vouloir créer une injustice. Injustice d’autant plus flagrante que des membres de l’attelage gouvernemental, qui avaient eu tous les problèmes du monde à l’époque à gérer leur département, s’étaient retrouvés au premier rang.

Il s’agissait entre autres du ministre de l’Education Nationale le Pr Mamadou Lamine Traoré, de celui des Sports Moussa Balla Diakité. Décriée de toutes parts, la formule avait finalement soulevé un tollé général. A telle enseigne que le porte-parole du gouvernemnet M. Ousmane Thiam, le secrétaire général de la Primature M. Django Sissoko et le ministre de la Communication et des NTIC M. Gaoussou Drabo avaient conjointement animé une conférence de presse pour battre en brèche l’idée de classement distillée dans la presse.

Ces trois personnes avaient volé au secours du gouvernement Pinochet pour remettre les pendules à l’heure. La Primature a eu d’énormes difficultés à démentir le principe du classement individuel et à gérer les conséquences qui en sont résultées. Au bout du compte, elle avait adopté le principe d’une évaluation collective c’est-à-dire un taux brut de réalisation engageant tous les ministres.

A s’en tenir à toutes ces acrobaties, on ne peut pas dire que Pinochet ait eu tort d’abandonner le principe du classement individuel. En effet, il vaudrait mieux éviter de se faire acculer à nouveau par des tiraillements avec des ministres et même l’opinion nationale autour de l’évaluation gouvernementale. En cela, la nouvelle formule est d’autant plus louable qu’elle entraîne plus de solidarité au sein de l’équipe gouvernementale étant donné que la responsabilité en ce qui concerne le taux brut de réalisation est collective.

Si l’abandon du classement individuel était nécessaire, la mise à l’écart de la presse privée dans la ventilation de l’évaluation est difficile à comprendre. En effet, il est déplorable aujourd’hui que l’évaluation de l’action gouvernementale soit devenue une affaire de presse publique. Contrairement aux évaluations précédentes où le gouvernement venait défendre son bilan face à la presse publique et privée, cette fois-ci, les autorités ont préféré ignorer totalement la presse privée.

C’est seulement sur les antennes nationales que l’opinion publique apprendra que le gouvernement a été évalué pour le premier trimestre de 2005. Qu’est-ce que Pinochet a contre la presse privée ? est-on tenté de s’interroger. C’est vrai que des confrères se sont emparés du classement par département lors de l’évaluation précédente pour critiquer vivement l’attitude de la Primature. Ce qui avait largement contribué à exacerber les tensions autour de l’évaluation gouvernementale.

C’est pour éviter une situation de ce genre que la Primature a choisi cette fois-ci de rompre totalement avec la tenue d’une conférence de presse pour présenter l’action gouvernementale réalisée. Les confrères intéressés sont exhortés à se référer au ministre porte-parole du gouvernement M. Ousmane Thiam ou au ministre concerné. Mais cette mesure de sécurité pour le gouvernement peut-elle remplacer valablement la campagne médiatique qui a jusque-là entouré l’évaluation gouvernementale ?

Si la nouvelle formule arrange le gouvernement, il n’en demeure pas moins qu’elle est peu démocratique. Elle manque en effet de transparence. Or, le président ATT a initié cette évaluation de l’action gouvernementale pour plus de transparence dans la gestion des affaires publiques. C’est ainsi que le gouvernement est appelé à rendre compte au peuple au terme de chaque trimestre.

En la matière, les citoyens ne se contentent pas seulement de la version officielle. Ils voudront la confronter à celle des organes de presse indépendants. Demander aux journalistes de la presse privée de prendre attache avec le porte-parole du gouvernement de façon isolée ne résout pas à notre avis le problème.

L’évaluation gouvernementale mérite d’être suffisamment relayée par la presse publique et privée si tant est que la volonté du président ATT est d’amener l’opinion nationale à se faire une idée de l’exécution du programme gouvernementale. De ce point de vue, l’attitude de la Primature est plus une fuite en avant qu’une volonté réelle de rendre l’évaluation de l’action gouvernementale plus efficace.

Il y a donc lieu de s’interroger sur le bien-fondé de la nouvelle formule. Fera-t-elle recelte ? C’est bien de changer, de revoir les règles du jeu au fil du temps. Mais encore faudrait-il que ces règles aillent dans le sens d’une amélioration de l’évaluation gouvernementale.

SAMOU KONÉ

19 avril 2005