Pendant que le tout nouveau président s’attèle à la mise en place des institutions, consécutivement à sa brillante victoire à la présidentielle, un couac se signale déjà au Nord-Mali. En effet, des accrochages entre l’armée malienne et des combattants du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) ont eu lieu ce 11 septembre à Fooïta, non loin de Léré, près de la frontière mauritanienne. Cet incident, qui intervient à un moment où le Mali est en pleine convalescence, est diversement décrypté par les deux camps. Pour le porte-parole de l’armée, le lieutenant-colonel Souleymane Maïga, il s’agit d’une intervention qui s’inscrit « dans le cadre d’une opération de sécurisation entamée en fin de semaine dernière et menée depuis les environs de Léré et de Nyafunké notamment ». Le porte-parole de la grande muette poursuit en précisant et en rassurant qu’il « ne s’agit pas de créer des situations conflictuelles avec des groupes armés, mais de remplir ses missions régaliennes de sécurisation des populations en vue d’un retour de la paix sur l’ensemble du territoire national ».
Qui a intérêt à enfourcher, eu égard au contexte que tout le monde connaît, des chevaux de bataille au Mali ?
Le MNLA, pour sa part, fait entendre un autre son de cloche. En effet, Ag Ibrahim Mohamed Assaleh, cadre du mouvement rebelle et membre du comité de suivi des accords de Ouagadougou, dénonce une violation de ces accords et assure que la zone où ont eu lieu les affrontements a été décrétée « zone de regroupement » en vue d’un cantonnement des rebelles en accord avec les autorités maliennes. Ces incidents, auxquels il ne faut pas donner une dimension eschatologique, suscitent tout de même des interrogations. Qui a intérêt à enfourcher, eu égard au contexte que tout le monde connaît, des chevaux de bataille au Mali ? L’armée malienne croit-elle que le moment est venu de venger les soldats qui ont été atrocement exécutés par le MNLA à Aguelock ? A la première interrogation, l’on est tenté de répondre que ce n’est certainement pas Ibrahim Boubacar Kéïta qui a intérêt aujourd’hui à enfiler le costume du provocateur.
En effet, l’homme « du Mali d’abord » sait qu’il doit, par ses propos et ses actes, œuvrer prioritairement dans le sens de la réconciliation nationale et de l’apaisement. Et ce n’est pas à quelques jours de la grande cérémonie festive de son investiture, à laquelle prendront part de hautes personnalités d’Afrique et d’ailleurs, qu’il va prendre le risque d’écorner l’image de son pays et sa propre image, en posant des actes de provocation. L’on peut également ajouter à son crédit que sa volonté d’associer des « fils du Nord- Mali » à la gestion du pays est réelle si l’on s’en tient aux hautes responsabilités qu’il a confiées à des personnalités issues de cette partie du pays. Enfin, un autre signal d’Ibrahim Boubacar Kéïta, qui peut être inscrit dans le registre de la réconciliation, est sa promesse ferme de tenir bientôt des assises nationales consacrées à la problématique du Nord.
Ibrahim Boubacar Kéïta ne doit pas justement donner du grain à moudre aux irrédentistes du MNLA
Cela dit, et pour répondre à la deuxième interrogation, il n’est pas exclu que des composantes de l’armée malienne aient la rancune tenace et entretiennent in petto des velléités de « réparer » l’humiliation d’Aguelock. Il paraît difficile de croire que Ibrahim Boubacar Kéïta a eu la faiblesse de se laisser entraîner par une telle logique. En tous les cas, il y a une sorte de mur de méfiance qu’il faut travailler à démolir au plus vite car des extrémistes existent dans les deux camps et n’ont pas intérêt dans une normalisation de la situation sécuritaire dans le Nord du pays.
Une telle perception les priverait des subsides qu’ils tirent des trafics illicites qui prospèrent dans cette partie du Mali. Ibrahim Boubacar Kéïta ne doit pas justement donner du grain à moudre aux irrédentistes du MNLA, car l’on sait que dans ce mouvement, existent fort heureusement des hommes et des femmes qui croient à la paix.
D’ailleurs, le MNLA a su observer une trêve qui a permis à l’élection présidentielle de se dérouler sur toute l’étendue du territoire national. C’est pourquoi les nouvelles autorités maliennes ne peuvent pas passer par pertes et profits les accords de Ouagadougou qui ont l’avantage d’être un cadre de référence consensuel pour les protagonistes de la crise du Nord-Mali. Il est aussi impérieux, pour un retour à une paix et à un développement durables, de ne pas occulter la question de la justice dans le processus de la nécessaire réconciliation nationale, car c’est elle qui doit être au centre de la renaissance démocratique et de la vraie réconciliation au Mali.
Pousdem PICKOU
Publié le vendredi 13 septembre 2013
Source : Lepays.bf