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L’application de l’accord pour la paix et la réconciliation est toujours dans l’impasse. Le gouvernement doit tirer son épingle du jeu face à un médiateur passif et des mouvements rebelles indignes de confiance. Un premier test post-chirurgical pour le président de la République !

une-3023.jpgAprès le « break » lié au séjour médical du chef de l’Etat en France, la République reprend son cours normal. Tous les regards sont désormais tournés vers le premier responsable de la nation et bon nombre de citoyens se demandent déjà comment il va se frotter aux nombreux dossiers qui se sont entassés pendant son absence.

La question du Nord occupe une place de choix dans les sujets généralement abordés par les Maliens. Le dossier avance lentement et l’optimisme affiché par Ibrahim Boubacar Kéita quelques semaines avant son intervention chirurgicale a laissé place à un blocage persistant. L’impasse étant totale maintenant, il n’y a pas de quoi se réjouir. Aussi bien sur le plan sécuritaire que politique, l’horizon ne semble pas s’éclaircir.

Pourtant, ce sont les mêmes refrains de paix et de réconciliation qui sont utilisés tous les jours, à tel point que l’on s’interroge si l’hypocrisie n’est pas devenue le sport favori des différents acteurs. Bamako pourra-t-il déjouer les pièges tendus devant lui ? La question reste toute posée et seuls les actes posés par les autorités pourraient donner des débuts de réponse à cette interrogation.

La fin en queue-de-poisson mardi dernier de la 8e session du Comité de suivi de l’accord pour la paix et la réconciliation atteste des énormes difficultés qui entourent l’application du deal signé, il y a presqu’un an par les protagonistes de la crise du septentrion. A l’issue de deux jours d’intenses discussions, les différentes parties n’ont pas pu s’entendre sur la mise en place des autorités intérimaires et l’opérationnalisation du Mécanisme opérationnel de coordination (Moc).

Les groupes armés, aussi bien les sécessionnistes que les unionistes, croient qu’il faudrait d’abord installer les autorités intérimaires avant de s’occuper de l’aspect sécuritaire de la zone alors que l’Etat malien soutient l’inverse.

A la lumière de l’impasse actuelle, l’on comprend aisément que la confiance n’est pas au rendez-vous et que les calculs politiciens ont plus de chances de l’emporter sur les débats francs et constructifs. Cela n’est point surprenant en ce sens que les mouvements rebelles qui adoptent la même tactique de duperies ont toujours fini par avoir gain de cause.

Le gouvernement a beaucoup cédé face aux groupes rebelles, au nom d’une hypothétique paix. Et aujourd’hui il est compliqué de leur faire entendre raison, surtout avec leur contrôle sur plusieurs localités du Nord. La Coordination des mouvements armés (CMA) veut jalousement garder cette suprématie sur les zones sous son emprise, jusqu’à la satisfaction de ses ambitions politiques.

Bredouillements

Et l’installation des autorités intérimaires, telle que soutenue par le gouvernement et votée par l’hémicycle, risque d’offrir aux rebelles un boulevard vers leur mainmise définitive sur leurs zones de prédilection. C’est pourquoi, il est facile de comprendre pourquoi ces derniers tiennent plus à la mise en place des autorités intérimaires qu’autre chose.

Comme l’Etat privilégie la sécurisation des régions du Nord, le gouvernement doit anticiper, en élaborant ses propres plans susceptibles de contrecarrer les velléités séparatistes. Il y a de fortes chances que la question sécuritaire fasse l’objet d’échanges entre les différentes parties en même temps que l’insertion de membres des mouvements armés dans la Grande muette. Ce volet relatif au recrutement de soldats rebelles mérite d’être traité avec le plus grand sérieux, car il y a beaucoup de précédents fâcheux.

Au moment où l’on parle de disparitions d’armes au sein de l’armée, il ne serait pas prudent d’intégrer dans la Grande muette de jeunes rebelles sans vérifier au préalable leur moralité et leurs motivations. En d’autres termes, le gouvernement doit présenter ses propres conditions de recrutement dans les FAMa. Une telle attitude gouvernementale n’alarmerait pas grand monde quand on sait que la prévention est une arme efficace contre une possible montée de la moutarde au nez des nouvelles recrues.

Quelle que soit la volonté de l’Etat de préserver les intérêts sécuritaires et politiques de la République, la médiation devra bien jouer sa partition. Mais, le médiateur ne se montre toujours pas à hauteur de souhait.

Après ses oscillations au cours des négociations de paix inclusifs, qui ont finalement accouché de l’accord pour la paix et la réconciliation, l’Algérie n’arrive pas à comprendre qu’un médiateur doit savoir presser les protagonistes d’une crise si les enjeux sont énormes et si la situation et l’atmosphère se dégradent. Les propos du président du Comité de suivi de l’accord (CMA) ne sont pas plus qu’un aveu d’impuissance face à l’intransigeance des protagonistes.

« Nous sommes dans une situation aujourd’hui dans laquelle des questions très simples, comme le plan humanitaire d’urgence, n’ont pas encore pu être prises en charge. Ceci nous interpelle davantage sur l’urgence qu’il y a à agir avec beaucoup de bonne volonté, avec la plus grande des sincérités et avec le plus grand des engagements », s’est lamenté le diplomate algérien Ahmed Boutache.

Maintenant, il faudrait attendre de voir comment la médiation s’y prendrait pour réconcilier les positions.

Ogopémo Ouologuem

(correspondant aux USA)

Les Echos du 02 Mai 2016