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Pour autant, même si Amadou Toumani Touré n’a pas voulu écourter son périple dans la première région après le coup d’éclat des mutins, comme le voulaient certains, l’appel à la retenue qu’il a lancé depuis Diéma lui a donné au moins raison sur un plan : celui de la circonscription des dérapages. Avant la déclaration radiodiffusée dans laquelle le président malien a demandé à ses concitoyens de ne pas faire d’amalgame, les esprits étaient surchauffés à Bamako et dans d’autres localités du pays. Mais au-delà de l’intérêt stratégique de la position gouvernementale, nous pouvons faire une lecture sociologique de cette donne. En clair, le chef de l’Etat a été un maillon essentiel dans l’accueil collectif réservé aux attaques du 23 mai dernier. Et probablement, l’appel de ATT aurait favorisé le désaveu des insurgés par des leurs. Jusque là, le gouvernement malien était suivi par la majeure partie des commentateurs nationaux de l’insurrection touareg. Hélas, la suite des événements a résilié le contrat de confiance entre ces derniers et le gouvernement du Mali. Pour beaucoup de Maliens, les insurgés ne sont ni plus ni moins que des voyous à la solde du diable. Cette vision prosaïque ne préconise comme solution à la crise que la punition. Rien de tel qu’un choix pareil pour soulager le Général Kafougouna Koné, principal négociateur malien ! Mais ni le Ministre de l’Administration territoriale, ni le Président de la République du Mali n’est dupe.

Abstraction faite de la passion, les responsables maliens, par empirisme, savent ce que représente un foyer de tension au Nord du pays, fut-il le moins unanime. Le premier risque que les soldats loyalistes pourraient courir est l’expansion du foyer de tension. Car les fuyards avaient choisi Teghargat pour plusieurs raisons. Si l’endroit est un idéal refuge depuis au moins le néolithique tardif, il a aussi l’intérêt stratégique de permettre à ses occupants de déceler le moindre mouvement adverse au tréfonds de l’horizon. Les stratèges maliens s’attendaient donc à une opération coûteuse quand les insurgés ont vite fait de lancer un appel au dialogue.
Moins qu’un recul, ce geste des insurgés était un aveu d’impuissance. En réalité, faute d’avoir eu gain de cause lors des négociations de Kidal avant les événements du 23 mai, les rebelles ont voulu donner un écho international à leurs doléances.

Mais cette tentative leur a révélé la mauvaise surprise de leur isolement sur le plan international. Iyad Ag Ghaly et ses hommes avaient jugé la Communauté internationale assez crédule en voulant jouer sur la question sensible de la victimisation ethnique. Par ailleurs, les insurgés savaient qu’ils sont condamnés à vivre sous le drapeau malien à moins qu’ils ne choisissent de s’exiler dans un autre pays. Ce que les ex-rebelles feignent d’ignorer, c’est qu’en voulant avoir trop les coudées franches, ils soulèvent des questions géopolitiques qui vont au-delà du Mali. Or les anciens territoires coloniaux d’outre mer, comme on aimait si bien le dire en métropole, ont dépassé de loin le stade de la balkanisation.

Ce que les accords d’Alger vont peut-être changer fondamentalement, c’est l’approche de l’impératif de développement dans les régions nord du Mali et principalement Kidal, l’épicentre des convulsions irrédentistes. En redistribuant les cartes politico-administratives dans cette zone, les accords d’Alger rappellent aux Maliens que les questions du genre identitaire que nous croyions être exclusivement d’ailleurs existent bel et bien chez nous.

Soumaïla T. Diarra

21 juillet 2006