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Le médiateur dans la crise malienne, Blaise Compaoré, envisage la signature d’un accord-cadre entre les autorités maliennes et les mouvements armés qui sont au nord. Les Maliens ne voient pas cette approche d’un bon œil.

A partir de juillet, le Mali veut prendre rendez-vous avec un destin meilleur, tourner la page et reconstruire les piliers de l’Etat. La ville de Kidal, bastion du Mnla, est toujours occupée par deux groupes armés qui se disent touareg : le Mnla (Mouvement national de libération de l’Azawad) et le MIA (Mouvement islamique de l’Azawad), dissident des islamistes armés d’Ansar dine. Ils refusent l’entrée de l’armée et de l’administration dans cette ville, hypothéquant la tenue de l’élection présidentielle prévue dans le pays pour le 28 juillet prochain, une date incontournable, selon le président malien par intérim, Dioncounda Traoré. Bamako demande la tenue de l’élection présidentielle sur toute l’étendue du territoire malien, y compris à Kidal. C’est à travers la voix du conseiller spécial chargé du nord auprès du président de la République, Tiébilé Dramé, que Bamako annonce vouloir signer dès que possible un accord-cadre. D’autres discourent qu’un accord-cadre, c’est une demande des mouvements, qui serait obligatoirement validé par les Nations unies pour garantir la tenue des futures négociations. Par contre, la médiation préconise, avant d’engager les négociations avec Bamako, qu’il faut réunir tous les mouvements du nord à Ouagadougou.

Le Mnla et le nouveau Haut Conseil pour l’unité de l’Azawad, sont d’ailleurs invités à rejoindre Ouagadougou le plus rapidement possible. Blaise Compaoré et son staff souhaitent les recevoir un par un pour tenter ensuite d’obtenir une plate-forme de propositions commune. Selon une source proche de la médiation, l’accord-cadre serait appliqué en deux temps. Le premier consiste à imposer aux mouvements du nord un cessez-le-feu, à cantonner les combattants pour permettre un déploiement efficace de la force onusienne et de l’administration malienne afin d’organiser le scrutin présidentiel à Kidal. En contrepartie, c’est la seconde phase de l’accord-cadre, Bamako s’engagerait, une fois le nouveau président malien élu, à négocier sur les problèmes de fond. Notamment sur le statut de l’Azawad, sur les projets de décentralisation et de développement pour le nord du Mali.

A Bamako, nombreux sont ceux qui restent timorés face aux enjeux de ces négociations. Les Maliens, dans leur majorité, se disent ne pas être d’accord avec cette approche de Blaise Compaoré. « D’ailleurs cette médiation burkinabè a prouvé son seuil d’incapacité dans un passé récent. Pourquoi l’utiliser encore ? », se demande un jeune Malien.
En somme, négocier avec ceux que les Maliens appellent les bandits armés, c’est cautionner une véritable injustice. Quoi qu’il arrive, une quelconque négociation est une dédicace à l’humiliation pour le Mali. Car, il incarne la détermination de masquer le tempérament de la rébellion armée conduite par une clique ultra-minoritaire en la présentant comme un conflit rivalisant les populations du nord du Mali à celles du sud. Le combat, le noble, le plus légitime que le peuple malien se doit de mener, de nos jours, serait de dire « non ! » à la honte inébranlable qu’est de signer un accord-cadre de la nature de celui-ci.
Rappelons-nous, le ministre des affaires étrangères burkinabè, Djibrill Bassolé, porte-parole de la médiation, avait annoncé urbi et orbi la tenue des pourparlers directs entre les protagonistes de la crise malienne le 10 janvier à Ouagadougou. Puis, cette date a été mise au placard. Les négociations furent reportées au 19 janvier pour, avançait-on, donner du temps aux différentes parties pour se préparer. L’entrée en action de la France avait suspendu le processus de la négociation.

De leur côté, les islamistes et les pseudo-indépendantistes jouaient la récréation diplomatique pour le contenter, mais au fond, ils ne voulaient pas de sa médiation. Du côté des autorités de Bamako, la méfiance vis-à-vis du médiateur a été plus que constante. Ils n’ont jamais compris pourquoi le Burkina Faso offre gîte et couvert à Ansar dine et au Mnla. C’est au vu et au su de la médiation que le Mnla, singulièrement, parade librement à Ouagadougou et y coordonne ses actions tant militaires que diplomatiques. Autre chose qui met Bamako encore plus mal à l’aise face à la médiation de Blaise Compaoré, c’est le fait que ce dernier, dans sa persistance à vouloir peindre du noir sur du noir, s’est acharné à dissocier le Mnla et Ansar dine, les co-auteurs du massacre d’Aguel Hoc et du reste du chao malien, des autres groupes armés du nord comme Aqmi et le Mujao. Le médiateur tenait opiniâtrement à ce que la communauté internationale fasse la différence entre « ceux qui ont des revendications purement politiques, avec qui on peut discuter » et les « mouvements extrémistes et terroristes avec qui il n’y a aucune discussion possible ».

Blaise Compaoré a tout mis en œuvre, à travers les prestidigitations du ministre Djibrill Bassolé, pour que le monde entier décerne au Mnla et à Ansar dine un certificat de respectabilité. Ceux-là mêmes qui ont fait front entre janvier et mars 2012 pour combattre en symbiose l’armée régulière et démembrer l’Etat malien. Comment peut-on traiter sur le même pied d’égalité un Etat souverain et des groupes armés sans légitimité ?

Rokia DIABATE

Le Prétoire du 23 Mai 2013