A voir la grille de programme de l’Office de radiodiffusion télévision du Mali (ORTM) réservée exclusivement au cinéma et à la musique, l’on se pose la question pourquoi la censure des émissions politiques ?
C’est une lapalissade de dire que le plateau de l’ORTM est vide en débats politiques. L’essentiel de son programme est consacré aux émissions de distraction (musique et cinéma). Aujourd’hui, nombreux sont les Maliens qui ne trouvent plus leur compte sur les antennes de la radio et de la télévision nationales pour la simple raison que le folklore a ravi la vedette aux débats politiques.
Ces débats politiques qui sont généralement diffusés sur les antennes de l’ORTM à la veille des élections ont totalement disparu. Déçus par la qualité des émissions, bon nombre de téléspectateurs sont devenus des abonnés d’autres chaînes.
Finalement, l’on est en droit de se demander quel est l’apport de la chaîne nationale qui se tape le slogan creux de « passion du service public », à la promotion de la démocratie et au pluralisme politique ? Tout est mis en œuvre pour ne pas heurter la sensibilité ou agacer les plus hautes autorités auxquelles les premiers responsables de l’ORTM doivent leurs postes. Voilà qui explique la censure des émissions politiques sur le petit écran qui, si elles sont organisées, ne le sont pas de façon régulière.
Doit-on résumer une chaîne nationale à la lecture du communiqué du conseil des ministres ou des informations institutionnelles relatant la visite d’un ministre quelque part, de cérémonies de bienfaisance de la première dame ? Que non !
Bozola doit comprendre que l’Etat ne se résume pas exclusivement au président de la République, au Premier ministre et aux autres membres du gouvernement. Mais la radio et la télévision nationales doivent servir également l’intérêt des contribuables, de tous les fils du pays.
Sur des chaînes de télévision comme la RTS (Sénégal), la RTI (Côte d’Ivoire), la RTB (Burkina Faso)… des débats sont organisés autour des moindres problèmes nationaux entre les différents acteurs politiques : majorité et opposition ou même société civile pour éclairer la lanterne de l’opinion nationale. Et cela pour contribuer à l’ancrage démocratique et au pluralisme politique. Mais rien de tout cela au Mali où ceux qui sont censés éclairer l’opinion publique de façon indépendante ont choisi la voie de l’obscurantisme.
Dans le système démocratique, s’il y a une tribune où des hommes politiques doivent se rencontrer pour débattre des problèmes brûlants de l’heure et rendre compte à l’opinion nationale à travers des débats politiques et non les journaux parlés, l’ORTM est connu aujourd’hui pour sa propension de tout peindre en rose alors que la réalité est autre. Il est temps que cette chaîne change de fréquence en jouant son rôle de servir la démocratie. Qu’elle soit une tribune pour des acteurs politiques en dehors des périodes électorales.
Il y a quelques années, l’Assemblée nationale s’était saisie de la question suite à l’interpellation d’un député. La question orale a eu pour conséquence, la recommandation faite à Bozola (siège de l’ORTM) d’ouvrir les débats avec les hommes politiques. L’ORTM qui avait avancé le prétexte de manque de journalistes politiques pour conduire de tels débats est parvenu à organiser quelques émissions, mais l’effet escompté n’a pas été perçu. Ces débats politiques sont morts de leur belle mort.
Les Maliens ont l’impression qu’à l’ORTM, la politique est un sujet tabou. Toute velléité de critique est considérée comme une offense aux plus hautes autorités. L’ORTM ne veut pas alors endosser une telle responsabilité.
Bamadou Y. Koumaré dit Noumouké
(Djélibougou, Bamako)
20 Octobre 2008