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La fête anniversaire de la naissance du prophète Muhammad, communément appelé Maouloud, est l’un des événements les plus célébrés par les communautés musulmanes du monde entier et en particulier celles de Tombouctou. En prélude aux préparatifs de la fête, qui se tiendra du 26 février au 4 mars 2010, Abdrahamane Ben Essayouti, imam de la grande mosquée de Djingareiber, explique l’importance de ce glorieux événement.

Les Échos : Quelle est l’origine et la signification du Maouloud ?

Abdrahamane Ben Essayouti : Maouloud veut dire la fête anniversaire de la naissance du prophète Muhammad (PSL). Le prophète Muhammad est né le 12 du mois lunaire qu’on appelle rabbi walawal, c’est-à-dire le 3e mois de l’année. Ce qui fait que chaque 12 de ce mois les communautés musulmanes célèbrent l’anniversaire de la naissance du prophète,.

Cette fête a été introduite à Tombouctou, vers le XVIe siècle et le premier qui a institué le Maouloud à Tombouctou est un saint du nom d’Abul Qassim Al Touati, originaire de Touat en Algérie.

Abul Qassim était le 4e imam dans la lignée des imams qui se sont succédé à la grande mosquée de Djingareiber. Il est enterré dans le grand cimetière à l’ouest de la ville de Tombouctou. Le premier imam fut Khatib Moussa. Chaque année, il organisait des lectures de poèmes panégyriques sous son vestibule. Il apprenait aux gens comment cette lecture se faisait.

Et comme c’était un saint, il faisait des miracles.
La nuit de la naissance par exemple, avant de commencer la lecture quand tous les lecteurs se réunissaient, il levait ses mains comme pour faire la fatiha et miraculeusement du pain chaud descendait du ciel, qu’il distribuait aux fidèles. Aucun de ses fidèles n’avait jamais dégusté un pain aussi succulent et nourrissant. C’est à partir de ces démonstrations que ses contemporains avaient compris qu’il était un saint.

Et comme année après année le nombre de lecteurs augmentait, son vestibule ne pouvait plus contenir les gens. Il a alors institué les séances de lectures dans les 3 grandes mosquées (Djingareiber, Sankoré, Sidi Yehia). C’est dans ces circonstances que le Maouloud a vu le jour. Il s’est élargi avec la participation des Marocains, résidant à Tombouctou, les Kountas, les musulmans de la communauté d’Araoune. Depuis peu, les autres quartiers organisent la lecture des poèmes panégyriques tels que Belléfarandi, Hammabangou et Kabara.

Les Échos : A quoi sert la lecture de ces poèmes panégyriques c’est-à-dire quel est l’objectif recherché ?

A. B. E. : Ce sont des poèmes rédigés par des grands poètes, qui font les louanges du prophète Muhammad. Ces poèmes consistent également à montrer les traits caractéristiques du prophète. Autrement dit qui est le prophète et quelle est sa conduite pour que les musulmans puissent imiter cet homme incomparable aux yeux du monde. C’est ce que nous faisons ressortir à travers la lecture de ces poèmes.

Les Échos : A quelle période commence la lecture ?

A. B. E. : A Tombouctou, la lecture de ces poèmes commence dans les mosquées depuis le 2e mois de l’année qu’on appelle as-safar. Là ce n’est pas toutes les nuits qu’on fait la lecture. Des jours spécifiques sont choisis (lundi, jeudi et vendredi).

Les lectures continuent jusqu’à la fin du 2e mois. Quand le troisième mois qu’on appelle rabbi hou al-lawal pointe, toutes les nuits ils font la lecture jusqu’au 10e jour. Ensuite, les lecteurs observent une pause d’une nuit et la 12e nuit c’est la fête anniversaire du prophète Muhammad communément appelé Maouloud. La semaine suivante marque la cérémonie de baptême.
Les Echos : Quelles sont les personnes habilitées à participer à la lecture de ces poèmes panégyriques ?

A. B. E. : Nous avons institué comme une tradition l’apprentissage de ces poèmes par les enfants. N’importe qui peut participer, qu’il soit fils de marabout ou non. La lecture est ouverte à toute personne ayant des connaissances en arabe et qui désire apprendre. Chaque année après le Maouloud il y a des endroits où nous formons des jeunes qui assurent la relève. Ce sont des éloges du prophète que tout musulman doit savoir et apprendre.

Les Echos : Les préparatifs du Maouloud sont à quel niveau ?

A. B. E. : Au niveau du Haut conseil islamique, certaines dispositions sont prises pour élaborer un programme que nous pouvons ventiler aux besoins pour les étrangers qui veulent venir. Dans ce programme, il y a la nuit de la naissance et le lendemain matin nous avons prévu la zyhara, c’est-à-dire le tour des saints, professer sur leurs tombes et chercher leurs bénédictions. Entre la naissance et le baptême il est prévu un concours de lecture pour les plus grands lecteurs de poèmes.

Le matin, les lectures reprennent dans les mosquées, l’après-midi avant la fatiha il y a ce que l’on appelle le tanaré exécuté par les zarmas suivie par la grande fatiha sur la dune de Sankoré, après la fatiha c’est la prière du maghrib ponctuée par des prêches qui démontrent l’historique et l’importance du Maouloud. Les cérémonies prennent fin ainsi. Le Maouloud est une fête qui marque les communautés musulmanes. Beaucoup de musulmans à travers le Mali, l’Afrique viennent célébrer l’événement.

Les Echos : Selon vous qu’est ce qui explique une telle affluence ?

A. B. E. : Parce qu’à Tombouctou le Maouloud est célébré d’une manière toute particulière. C’est un brassage culturel, en quelque sorte un tourisme religieux. Les musulmans convergent de tous les lieux, de tous les horizons. Les ressortissants de Tombouctou partout où ils se trouvent viennent coïncider avec la grande fatiha du baptême. C’est une fête pittoresque, vous verrez que tout le monde est habillé de ses plus beaux atours. Ce sont des retrouvailles.

Propos recueillis par

Abdou Maïga

(correspondant régional)

18 Février 2010.