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« L’Afrique est encore mal partie »

Bamako abrite depuis hier, lundi 24 novembre, un important atelier sur la promotion des transitions démocratiques en Afrique. Conjointement organisée par l’ONU, l’OIF et la Fondation du Forum de Bamako, cette rencontre accueille des sommités internationales, venues du Commonwealth, l’UA, la CEEAC, la CEDEAO, la SADC, la CAE et l’UMA. Durant deux jours, du 24 et 25 novembre, les participants échangent à l’hôtel Laïco El Farouk sur des thèmes riches et divers.

Dès l’ouverture des travaux, Abdoullah Coulibaly, le vice-président de la Fondation Forum de Bamako, a soutenu que «  sans s’abonner au registre de l’afro-pessimisme, l’on peut dire qu’à l’heure des transitions démocratiques, l’Afrique est encore mal partie « .

Les thèmes discutés ont trait à «la problématique des transitions en Afrique : état des lieux et perspectives» par Elhadj Kassé, «les Constitutions et alternances démocratiques en Afrique» par le Pr Ntumba Luaba Lumu de la Faculté de Droit de l’Université de Kinshasa, «le constitutionalisme et l’Etat de droit» par le Pr Théodore Holo, membre de la Cour constitutionnelle du Bénin, «les processus électoraux et alternances démocratiques en Afrique» par Mme Fatimata Mbaye, vice – présidente de l’Association mauritanienne des droits de l’homme. Ce n’est pas tout

Le Pr Saïbou Issa, chef du département d’histoire, Faculté des Arts, Lettres et Siences Humaines de l’Université de N’Gaoundéré, Camaroun exposera sur  » les militaires et l’alternance démocratique en Afrique. Permanence et ambivalence « . «Le rôle de la société civile, des partis politiques et des médias dans la consolidation de la démocratie en Afrique» sera développé par Dr Zolela Ndayi, Département d’Etudes Politiques, Université de Witwatersrand, Johannesburg, Afrique du Sud.

Le dernier exposé de cet atelier portera sur «  la bonne gouvernance et démocratie en Afrique « . Il sera fait par l’ambassadeur Ayo Oke, conseiller spécial et chef de la Section Afrique de la Division des Affaires politiques au Secrétariat du Commonwealth.

Dans son allocution à l’ouverture des travaux, le représentant permanent de l’OIF auprès des Nations Unies, l’Ambassadeur Moussa Makan Camara, a rappelé les objectifs de cet atelier, à savoir entre autres, échanger à travers des tables-rondes et des débats sur la problématique des transitions démocratiques en Afrique, recueillir et croiser les points de vue des experts, des acteurs de la société civile et des représentants des organisations et institutions internationales partenaires sur les éventuelles stratégies et mesures pour mieux consolider les processus de transition démocratique et prévenir les contentieux électoraux conflictuels, explorer les voies et les moyens visant à favoriser une meilleure coordination de l’appui et de l’assistance de la communauté internationale aux gouvernements et aux institutions africaines dans leurs entreprises et efforts de consolidation d’une gouvernance démocratique.

Le conseiller spécial du Secrétaire général des Nations Unies pour l’Afrique et son Haut Représentant pour les pays les moins avancés, Cheïck Sidi Diarra, a lu l’adresse de son patron, dans laquelle il encourage et soutient les pays africains dans la voie de la démocratisation.

Auparavant, le vice-président de la Fondation Forum de Bamako, Abdoullah Coulibaly, par ailleurs Directeur de l’Institut des Hautes Etudes en Management, avait tenu un brillant discours. « Le vent de la démocratie a soufflé sur l’Afrique. Il a pris, par endroits, l’allure d’un tourbillon qui a balayé nombre d’habitudes. Presque partout en Afrique, la soif du changement s’est manifestée par de longues files d’attente, des gens en colère, des marches de protestation dans les rues.

Ni les gaz lacrymogènes, ni les matraques, ni les balles transperçant les poitrines en face, déchaînées, n’ont pu empêcher les peuples africains de chanter en chœur le même refrain : rien ne sera plus comme avant ! Fini le parti unique ! Finie la présidence à vie ! Finie la présidence héréditaire ! Vive le changement ! Vive l’alternance «  a expliqué Abdoullah Coulibaly. Avant de déplorer que «  l’espoir que les années 80 avaient suscité s’effrite de plus en plus.

En lieu et place, reviennent au galop les vieilles habitudes, les démons du pouvoir éternel : manipulation constitutionnelle, avec son cortège de revérouillages souvent douteux, mandats présidentiels illimités, tripatouillages électoraux, refus de l’alternance, présidences héréditaires et que sais-je encore ? La liste des dérives s’allonge, les affrontements ethniques et leurs cortèges de morts et de réfugiés, rendent illusoires tous les projets de développement « .

Très éloquent, Abdoullah Coulibaly a laissé entendre que «  sans s’abonner au registre de l’afro-pessimisme, l’on peut dire qu’à l’heure des transitions démocratiques, l’Afrique est encore mal partie. Elle est en proie à un nouveau syndrome qui se propage au rythme d’un feu de brousse sous l’harmattan ».


Chahana TAKIOU

25 Novembre 2008