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Le projet de reformes politiques comportant le referendum constitutionnel n’avance pas au plus pressé. Pas plus que le projet de code des personnes et de la famille, malgré les assurances données par le président de l’Assemblée nationale, Dioncounda Traoré, lors de la rentrée parlementaire, le 4 octobre dernier.

Les deux projets ont en commun ce passage obligé à l’Assemblée nationale pour avoir la caution des élus du peuple. Même si celle-ci ne suffit nullement à l’un et l’autre projet pour requérir la vigueur d’une règle de droit. La preuve en a été faite avec l’adoption par l’Assemblée nationale, à une majorité écrasante, du projet de code des personnes et de la famille, qui a été par la suite bloquée par le veto de la rue (la protestation populaire à travers différentes manifestations de désapprobation a amené le Président de la république à ne pas ratifier ladite loi). Dans son cas aussi, le projet de reforme constitutionnelle, après le vote positif du parlement, sera proposé dans un cadre plus formel et obligatoire à l’approbation du peuple malien à travers un referendum.

Si l’assemblée planche déjà sur le projet de code des personnes et de la famille, tel n’est pas le cas du projet de reforme constitutionnelle dont le texte n’a pas encore été déposé sur le bureau du président de l’Assemblée nationale. A l’hémicycle, on ignore quand est-ce que la transmission du projet sera faite. On croit donc qu’il « parachuterait » quand le Président Amadou Toumani Touré le voudra bien.

En tout cas, la reforme constitutionnelle envisagée n’a pas gagné une place de choix dans le discours du président de l’Assemblée nationale, contrairement au projet de code des personnes, au sujet duquel il s’est pris dans une envolée malencontreuse en affirmant, sans fondement, qu’il sera voté lors de cette session.

Il y existe certes un cadre de concertation entre l’Assemblée nationale et le Haut conseil islamique du Mali, mais le texte n’a pas encore fait l’objet d’un rapprochement des points de vue divergents. Cependant, certains pensent que la dispersion obtenue dans les rangs des ulémas, lors de la fête de ramadan (Aïd El Fitr), et résultant de manœuvres rondement orchestrées, pourrait peser pour faire avaler, sans problème, la couleuvre au guide populaire des musulmans, l’Imam Mahmoud Dicko.

On se rappelle de l’appel de l’Imam Dicko qui était très peiné d’ordonner la célébration d’Ail El Fitr, pour éviter que les musulmans fêtent en rangs dispersés. Mais les participants du forcing pour faire passer le code des personnes ne jouent-ils pas avec le feu, quand on sait que la société malienne est traditionnellement et réellement partisane de certaines considérations qui trouvent leurs répondants dans l’islam ?

En cette année 2010, il faudrait ignorer bien des réalités de la société malienne pour croire que ce code peut être adopté sans basculer notre pays dans une situation d’instabilité politique regrettable.

A l’Assemblée nationale du Mali, nombreux sont les députés qui s’interrogent sur les affirmations gratuites de Dioncounda Traoré. Est-ce pour tester ce qui reste de la force de frappe des ulémas ? Il faut espérer que l’Imam Dicko ne réagira pas à la « provocation ». L’auditoire de l’hémicycle aussi bien que les députés attendaient plus le président de l’Assemblée nationale sur les reformes politiques envisagées par le Président de la République qui, semble-t-il, n’a besoin de rien précipiter.

Ainsi qu’il s’est retenu de ratifier le code des familles, il pourrait aussi jouer toutes ses cartes, le plus loin et le plus longtemps possible, avant d’envoyer le projet de révision constitutionnelle à l’Assemblée nationale pour adoption. Parmi ces cartes, il y a certes le placement au gouvernement de quelqu’un qui aurait les capacités requises pour défendre son projet de reformes politiques devant les députés.

Mais une fois le texte devant l’Assemblée nationale, on saurait tout le contenu des reformes finales sur la place publique, y compris des points qui font aujourd’hui objets de mystère présidentiel et qui maintiennent dans le suspense tout le peuple. Ce devrait être utile de ne pas dévoiler certaines choses qu’au dernier moment possible. Question d’ « autorité » et de respectabilité, nous explique un haut responsable de l’Etat.

L’ancien ministre Daba Diawara est-il le plus apte à défendre le projet ? Certains n’affirment pas et pensent même que le président du Comité d’appui aux reformes institutionnelles (CARI) n’est pas le mieux indiqué. Pour d’autres, il serait logique que le président de CARI qui fut aussi président de la Commission de Réflexion sur la Consolidation de la Démocratie au Mali poursuive cette œuvre.

Le projet de texte de reforme constitutionnelle n’aura pas besoin d’être adopté en conseil des ministres, nous a dit un homme du sérail. Juste, il pourrait y avoir une présentation au gouvernement, « … il s’agit d’une initiative du Président … », nous dit-il. Cela voudra tout dire : le Président a juste besoin d’accompagner son projet d’une lettre au parlement et c’est tout. Mais ATT est seul à choisir le moment qui lui paraîtrait opportun, pour faire cette lettre et ordonner le courrier présidentiel. Le fera-t-il aujourd’hui ? Demain ? Ou va-t-il attendre ?

Pour de nombreux observateurs, le projet de révision constitutionnelle aussi bien que le code des personnes et de la famille ne sont pas pour aujourd’hui. Alors à quoi joue Dioncounda Traoré ?

B. Daou

Le Républicain du 08 Octobre 2010.