L’opposition s’interroge sur les vraies intentions du Président
» Si demain, j’avais l’occasion de mettre en place un gouvernement de ce genre, dans le cadre de la gestion consensuelle du pouvoir, je n’hésiterais pas un seul instant. « disait le Président ATT dans son témoignage sur les événements du 26 mars 1991, diffusé le dimanche 28 mars 2010 sur l’ORTM dans son émission » Ce jour là… « .
“Silence ! Je réfléchis ». Semble dire, sur cette photo, l’honorable Ibrahim Boubacar Kéïta, président du Rpm.
Dix jours après l’appel d’ATT, voilà que l’opposition continue toujours à se poser la question si le président de la République exprime un regret – celui de n’avoir pu constituer un gouvernement de consensus après sa réélection en 2007- ou bien si c’est une nouvelle proposition allant dans le sens de la mise en place d’un tel gouvernement
. Raison pour laquelle, certains barons de l’opposition, auxquels nous avons pu soustraire quelques bribes de commentaires- la presse n’étant pas toujours la bienvenue-, demeurent perplexes tout en souhaitant que le Président ATT puisse mieux clarifier son message.
Ceux qui piaffaient donc d’impatience de voir, par exemple, IBK « Kankélétigui » conduire à Koulouba une délégation de l’opposition en vue de discuter des modalités de sa participation à un gouvernement de consensus doivent, certainement, attendre encore.
Et ceux qui demeurent, au contraire, farouchement opposés à une telle éventualité, eux peuvent, toujours, continuer à faire des prières dans ce sens. En tout cas, pour le moment, personne n’est en mesure de prédire lequel des deux camps sortira victorieuse de ce grand débat qui, inévitablement, va occuper l’esprit des cadres et des simples militants de l’opposition. Et cela qu’ils le veuillent ou non. Car, en Afrique et singulièrement au Mali- la situation que nous connaissons le mieux -, les ministres demeurent des vaches à lait pour leurs partis respectifs.
Ces derniers étant parfois considérés, par les ministres en mission, comme des veaux insatiables. Surtout en cette période de vaches maigres, quand l’aide publique de l’Etat aux partis politiques a été déjà utilisée pour rembourser les prêts contractés auprès des banques, lors des élections communales de 2009.
Dans ces conditions, il serait difficile pour l’opposition de faire la fine bouche devant cette proposition alléchante d’ATT. Même si la rhétorique, dans leur camp, semble être que le Président ATT n’a pas été assez clair dans ses propos. Et que la voie et la manière choisies, pour faire passer un tel message, n’étaient certainement pas les meilleures entre partenaires qui jurent n’avoir que respect et considération les uns envers les autres.
Si c’était que la maison brûlait- que Dieu nous en préserve- l’opposition aurait nettement compris le sens et la portée de cet appel, en direct à la télé, du Président ATT. Mais, avec seulement des braises à éteindre sur le front social, des sautes d’humeur et des frustrations à gérer avec tels ou tels pays voisins fâchés, notre interlocuteur-qui a requis l’anonymat- ne trouve même pas utile pour l’opposition de tabler sur cette proposition présidentielle.
Un cadeau de Pâques empoisonné ?
Et pourtant le président de la République a été très clair et précis dans son appel à l’opposition. En effet, dans son témoignage sur les événements du 26 mars 1991, diffusé le dimanche 28 mars 2010 sur l’ORTM dans son émission « Ce jour là… », ATT disait : « Le consensus, c’est un état d’esprit, un comportement. Dans le Soudoubaba (la maison du père, en peulh), ce sont de grandes familles et tout se fait en collectivité…J’ai été éduqué dans cet esprit d’ouverture vers l’autre, de consensus…Candidat indépendant, j’ai proposé la gestion consensuelle du pouvoir. Cela a permis à des gens de se connaître, de travailler ensemble. Il faut qu’on évite, en Afrique…la démocratie d’affrontement ».
Fidèle à cette ligne de conduite, le Président ATT souhaiterait toujours parvenir à ce consensus qui semble être la pierre angulaire de sa politique de réconciliation nationale. Aussi, il ajouta : « En 2007, après les élections, j’ai abordé certains partis pour leur dire de reconduire cette expérience. Ils ont répondu : on n’est pas contre, mais on veut constituer l’opposition, faire autrement. Certains m’ont dit qu’ils ne peuvent pas.
En Afrique, le consensus est un mode de vie. Que ce soit les différents partis de l’opposition, que ce soit mon grand cousin, je veux parler du président Ibrahim Boubacar Kéïta, que ce soit mon cadet Tiéblé Dramé, que ce soit Oumar Mariko, qui est un petit frère ; nos relations interpersonnelles sont excellentes. Si demain, j’avais l’occasion de mettre en place un gouvernement de ce genre, dans le cadre de la gestion consensuelle du pouvoir, je n’hésiterais pas un seul instant ».
Pour certaines personnalités de l’opposition, cet appel ressemble plus à un cadeau empoisonné qu’à un vrai cadeau de Pâques. C’est comme une sorte d’appât, une gourde d’eau, par exemple, qu’on jette à des gens fatigués, voire exténués, après une longue traversée du désert. Alors qu’en matière de gestion d’État, la satisfaction d’un simple besoin d’amélioration du quotidien ne doit, en principe, aucunement passer au premier plan.
Pouvoir faire changer de politique ou d’orientations, infléchir telles ou telles positions du gouvernement en vue de satisfaire tels ou tels besoins des populations, faire des propositions alternatives dans tels ou tels domaines sont des motivations qui peuvent attirer toute opposition, même celle réellement jalouse de l’option choisie. Même si, au contraire, la masse des militants des partis politiques ne voient, en général, que gâteaux et petits fours dès qu’on dit qu’untel est devenu ministre.
Aux dires de ce haut responsable de l’opposition, ça devrait être beaucoup plus sérieux que cela. Dans ces conditions, quels critères, quelles autres considérations, l’opposition pourrait arguer en allant rejoindre la majorité présidentielle ?
Quand persiste la suspicion
De ce fait, on se demande maintenant, si les mêmes raisons, qui avaient motivé que l’opposition récuse les propositions d’ATT, en 2007, demeurent encore valables. A propos, seule l’opposition- qui demeure malheureusement silencieuse comme si elle observait un deuil, la semaine des Martyrs est quand même terminée ! -, peut répondre à cette question.
Mais déjà, d’après ce qui se dit à gauche et à droite dans ses rangs, la situation socioéconomique actuelle ne serait pas propice pour qu’elle s’engage dans la voie souhaitée par ATT.
Avec des grèves en cascade, limitées ou illimitées, il semblerait que l’opposition se demande pourquoi elle viendra siéger dans un gouvernement occupé à jouer aux sapeurs-pompiers, quand sur plusieurs fronts ce sont déjà plusieurs petits incendies allumés par-ci, par-là.
Surtout que si l’opposition devrait siéger dans un futur gouvernement, il est fort probable qu’il lui soit attribué le ministère chargé des négociations avec les syndicats. Aura-t-elle alors le choix d’éviter l’impopularité garantie découlant de l’exercice d’une telle mission ?
Dans ce climat politique, où règnent superbement la méfiance, les calculs, grands et petits, avec les yeux rivés sur 2012, la réponse de l’opposition ne saurait, pour le moment, être que niet. Seul le Président ATT pourrait la mettre en confiance, en lui réitérant son appel et en optant pour une voie mieux balisée, dans le but faire de raccourcir le délai de réflexion. Si délai il y a.
Encore une fois, cette perche tendue au Rpm, au Parena et à Sadi- si toutefois leurs différents leaders l’acceptent- pourrait servir de véritables catalyseurs dans la mobilisation générale de leurs troupes, fatiguées par tant d’années de somnolence dans une opposition quasi aphone.
En participant même à un gouvernement de consensus, l’opposition aura toujours, quand elle le voudra, la latitude de claquer la porte dès qu’elle jugera le moment opportun pour ce faire. Cela n’est point interdit en démocratie. Sauf que, parfois, des ministres déjà habitués aux petits fours pourraient, aussi, refuser d’être sevrés au petit lait.
Malheureusement que cela, aussi, est une réalité avec laquelle il faudra compter. D’où cette peur de l’opposition de se voir phagocytée par le pouvoir dans un gouvernement de consensus. Et de devoir être obligée de partager le bilan d’ATT au moment, où elle devrait, au contraire, faire l’objet de ses critiques les plus acerbes. D’où, certainement, ce dilemme cornélien pour IBK et ses alliés, tous pris de court par cette soudaine proposition d’ATT. Venue malheureusement au très mauvais moment.
En tout cas, 2012 c’est encore loin. IBK et ses alliés du Parena et de Sadi vont-ils lâcher du lest? Pour l’instant tout reste quand même jouable.
A IBK et à ses alliés de foncer donc dans la bonne direction qu’ils sont censés connaître plus que tous. Surtout dans ce cas précis.
Mamadou FOFANA
Chroniqueur politique
06 Avril 2010.