Partager

Le festival Les Praticables, au-delà de mettre en avant des professionnels du spectacle vivant, s’est aussi fixé pour mission de faire de sa plateforme, un lieu d’expérimentation pour les débutants ; des jeunes qui n’ont jamais joué au théâtre mais qui ont tout de même des choses à dire, qui ont des histoires de quartier à raconter.

En effet, à l’Institut français de Bamako, le vendredi 15 décembre, les festivaliers ont pu voir un spectacle présenté par des adolescents du quartier de Bamako. Ceux-ci, à travers une initiative intitulée «Projet Ado», ont travaillé sur une pièce avec l’accompagnement de Pascal Collin, traducteur, dramaturge et acteur français. Quels sont les problèmes que les jeunes, plus précisément les ados, rencontrent dans les quartiers de Bamako et quels sont leurs souhaits les plus ardents ? Tout le spectacle tourne autour de ces préoccupations.

À tour de rôle, les comédiens, dans la peau de différents candidats, se succèdent sur la scène pour exposer un projet. Trois millions à la clé pour le vainqueur. Certains veulent œuvrer pour «le quartier» parce qu’il est cerné par trop de maux comme le manque d’emploi, le manque d’abri, de repère. D’autres, quant à eux, veulent lutter pour améliorer la condition des filles de ménage, des soldats ou travailler afin que la paix véritable revienne. Un autre candidat, quant à lui, veut écrire des pièces de théâtre.

Malgré la pertinence de tous les projets, grande surprise à la fin : le jury n’a retenu aucun des candidats. Ce spectacle qui mêle théâtre, chant et danse est une belle approche pour peindre la négligence des décideurs vis-à-vis des quartiers défavorisés. Pour Pascal Collin, l’idée était de donner la parole à ces adolescents, leur permettre de s’exprimer, de mettre en avant leur réalité. Qui de mieux qu’eux-mêmes pour le faire ?

Au cours de cette édition des Praticables Sheda, un spectacle écrit et mis en scène par l’auteur dramatique et metteur en scène congolais, Dieudonné Niangouna a retenu l’attention de plus d’un. Représenté trois fois, Sheda est une peinture parfaite illustrant tout type de société en crise. L’artiste, durant plusieurs mois, a travaillé avec de jeunes comédiens africains pour arriver à un résultat respectable.

Quand on intègre l’espace aménagé pour embrasser le spectacle, un décor inhabituel nous frappe. Les bruits diminuent, ils s’éloignent derrière nous, restent sur le goudron. Sheda a commencé. Il nous accueille, nous l’accueillons dans un univers captivant. La scène a quelque chose de naturel, d’exotique. Elle est vaste, assez grande pour être aisément occupée par tous les comédiens. La terre qui sert de praticable embrasse directement le ciel, le tout, entouré en grande partie par des briques prises en compte dans la mise en scène du spectacle et d’où les comédiens, en hauteur, vont et viennent, s’immobilisent où lâchent des répliques. Ces briques représentent une partie des montagnes qui cernent Kakuma, le village où tout se passe.

Au fond du décor, un assemblage d’éléments, visiblement de petite scènes, forment une sorte d’étagère où l’on peut entrevoir une quarantaine de creux occupés par des objets divers : masques, cornes d’animaux, boîtes de conserve…Juste à côté, une échelle.

Kakuma et ses Kakumiens sont perdus dans un trou au milieu des montagnes géantes. Dans ce trou, ce peuple ayant survécu à une catastrophe réinvente une civilisation qui s’apparente trait pour trait à celle des humains. Kakuma est très important pour l’auteur, car il représente un univers assez panoramique et adéquat pour décrire le monde des humains dans toute sa complexité. Il invite à la réflexion.

Youssouf DOUMBIA

Source: L’Essor