Dans l’émission intitulée «Ce jour là» de l’ORTM, nous avions pu suivre avec intérêt l’entretien réalisé par Sidiki N’Fa Konaté avec le président de la République et l’enquête sur la naissance de l’Union Démocratique du Peuple Malien (UDPM). Parmi les interventions, celle du professeur en Droit et consultant, Mamadou Samaké dit Voltaire, a retenu notre attention. Il a décrit les régimes des quatre présidents du Mali indépendant sans pourtant dire quel régime faut-il pour le Mali et plus précisément pour un pays pauvre comme le nôtre à l’orée du cinquantenaire ?
Après les indépendances, les partis au pouvoir instaurèrent un peu partout en Afrique un système de parti unique. Il s’agissait de réduire au silence les oppositions mécontentes des choix politiques des leaders au pouvoir et de la nature des liens avec l’ancien pays colonisateur, ou de mettre un terme aux rivalités politiques (Senghor et Mamadou Dia, Hamani Diori et Bakary Djibo au Niger, Modibo et Fily Dabo Sissoko au Mali).
La première constitution du Mali promulguée par la loi N°60-1-AN-RM du 22 septembre 1960 modifiée par les lois N°61-25 et 61-26 du 20 janvier 1961. Dans son préambule, elle proclame solennellement la République du Mali fondée sur un idéal de liberté et de justice.
Dans son article premier, la constitution stipule la République du Mali indivisible, démocratique, laïque et sociale. Son principe est le gouvernement du peuple et pour le peuple.
Article 2 : la souveraineté appartient au peuple tout entier. Aucune section du peuple ni aucun individu ne peut s’en attribuer l’exercice. Le peuple exerce sa souveraineté par ses représentants et dans certains cas par la voie de referendum. Le suffrage est universel, égal et secret. Il peut être direct ou indirect dans les conditions prévues par la loi.
Article 3 : les partis et groupements politiques concourent normalement à l’expression du suffrage. Ils se forment et exercent leur activité librement dans le respect des principes démocratiques, des intérêts, des lois et règlements de l’État.
Article 5 : les institutions de la République sont : le Gouvernement, le Parlement, la Cour d’État et la Haute Cour de justice. La constitution de 1960 avait pris en compte le multipartisme, son application posait problème puisque le parti crée par Fayinké a été interdit. Les membres fondateurs du Parti progressiste soudanais (PSP) n’ont pas eu longue vie.
C’est le parti USRDA majoritaire à l’Assemblée Nationale du Mali qui a autoproclamé Modibo Keita président du Mali après la rupture de la Fédération du Mali. Et depuis cette date, le Mali était politiquement mal parti parce que le député du Soudan français ne voulait pas voir de contestataires.
La deuxième République
Le 2 juin 1974 le peuple malien est soumis à un référendum pour l’adoption d’une constitution. Le peuple se prononce à 99,71% de vote favorable à la nouvelle loi fondamentale soumise à son verdict. La constitution est révisée par l’ordonnance N°79-42 CMLN et 79-69 CMLN du 11 mai 1979. Son article premier stipule que le Mali est indivisible, démocratique, laïque et sociale. Son principe est le gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple.
Les institutions de la République sont : le Parti, le Président, la Cour suprême, la Haute Cour de justice et le Conseil économique social (loi N°88-20 AN-RM) du 1er février 1988.
Article 5 : Le parti est unique. Il est l’expression de l’unité nationale et l’autorité politique suprême du pays.
– Il définit la politique de l’Etat et concourt à l’expression du suffrage universel, conformément à la présente constitution et aux lois et règlement en vigueur.
– Aucun membre de la direction du parti, ne peut -être poursuivi, recherché, arrêté ou jugé à l’occasion des opinions ou vote émis par lui dans l’exercice de ses fonctions.
Sauf cas de flagrant délit (….). L’Union démocratique du peuple malien est née de l’accomplissement du serment prêté par le CMLN, qui en accédant au pouvoir le 19 novembre 1968 s’était engagé à assurer le retour du pays à une vie constitutionnelle normale.
Onze ans après, c’est-à-dire à l’issue des journées historiques des 28-29-30 et 31 mars 1979, l’UDPM, a vu officiellement le jour au terme de son congrès constitutif. Parti constitutionnel fondé sur le pouvoir populaire démocratique. La constitution consacre la primauté du Parti sur les autres institutions. Ainsi était confié à l’UDPM, un rôle dirigeant dans le système politique du Mali.
L’UDPM a fait douze (12) ans.
Depuis le fameux discours prononcé par François Mitterrand à la Baule en 1990, l’Afrique est en ébullition et recherche le chemin de la démocratie en adoptant le modèle politique de la France. Comme on peut s’en apercevoir du Niger au Congo en passant par la Centrafrique, la mise en place de ce modèle a donné lieu à de nombreux dérapages.
L’Afrique ne pourrait-elle bâtir son avenir politique en s’appuyant sur son histoire et ses valeurs de civilisations ? Au demeurant, chaque pays africain se considère d’une manière ou d’une autre un exemple de démocratie.
A partir de cet instant se pose la question de savoir si la démocratie que l’Occident veut nous imposer à travers le prisme des droits de l’Homme est la seule valable pour tous. ATT pour se dédouaner a inventé le consensus qui est le parti unique revu et corrigé (avec changement d’appellation).
Si nous reconnaissons que les réalités sont différentes de l’Orient à l’Occident, de l’Afrique à l’Europe, nous devons tout aussi savoir que la démocratie n’est pas une et indivisible. Lors d’un sommet ACP-CEE en 1978 le colonel Moussa Traoré avait sonné le tocsin en ces termes : «sous prétexte de faire respecter les droits de l’Homme, il faudra craindre une immixtion de l’Europe dans les affaires intérieures des Etats ACP, qui relèvent exclusivement de la souveraineté nationale», a-t- il conclu. La suite, on la connaît au Mali.
C’est l’ONG France Liberté pour des questions de non respect des droits de l’Homme a chassé le général Moussa Traoré du pouvoir en mars 1991. Pourtant, les droits de l’Homme ne sont l’apanage de personne. Mais la tentation est devenue trop facile pour les uns, ici comme dans d’autres domaines, de faire la morale aux pays pauvres.
Dans certains cas, on pousse l’excès jusqu’à lier l’aide économique à ce qu’on appelle le respect des droits de l’Homme.
Amy SANOGO
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Moussa Traoré bâillonne l’intelligentsia malienne
1974 : le 25 avril, le Comité militaire de Libération nationale (CMLN) publie son projet de constitution et appelle les Maliens à le plébisciter par référendum le 02 juin. Un tract du «Regroupement des patriotes maliens» (parti clandestin) appelle à voter «non». Dix huit personnes sont arrêtées dont Ibrahim Ly, Oumar Sory Ly, Mohamédoun Dicko, Samba Sidibé, Bakary Konimba Traoré, Adama Samassékou, Cyr Mathieu Camara, Mani Djénépo, Jean Etienne Diendéré, Seydou Thiéro, Cheick Sadibou Cissé, Mamadou Kouyaté et Kary Dembélé, etc.
1977 : En début février, un décret modifie les conditions d’accès aux études supérieures en instituant un concours direct des élèves et étudiants demandent l’abrogation du décret. Une grève générale est déclenchée le 7 février. De nombreux étudiants sont arrêtés.
Le 13 mars 1977, les élèves et étudiants créent l’UNEEM (Union nationale des élèves et étudiants du Mali) organisation indépendante du pouvoir.
Le 21 avril, l’UNEEM demande l’abrogation du décret et la libération des détenus. Le régime réagit par la fermeture des établissements.
Le 25 avril, la police, la gendarmerie et l’armée occupent les établissements scolaires.
Le 9 mai, les élèves et étudiants manifestent massivement dans les rues de Bamako. Ils réclament la libération des détenus, la libération et le retour de Modibo Keïta au pouvoir.
Des chansons à sa gloire sont chantées dans les rues de Bamako. La répression se déchaîne. Des arrestations massives sont opérées, suivies de tortures.
Le 16 mai, Modibo Keïta meurt d’un empoisonnement en prenant son repas au camp militaire de Djicoroni.
Le 18 mai, plus de 30.000 personnes assistent aux obsèques de Modibo. Le lendemain des arrestations massives sont opérées dont celles de Abdoulaye Barry, Abdoulaye Sékou Sow, Adama Sissoko, Téneman Traoré, Demba Diop, Flani Diabaté…
Près de 380 étudiants sont renvoyés des écoles supérieures. Le 10 juin sept (7) officiers et hommes de troupe sont condamnés à mort pour tentative de coup d’État.
Ère démocratique
1997 : Alpha Oumar Konaré jette en prison tous ses opposants politiques : Mamadou Lamine Traoré, Almamy Sylla, Mountaga Tall, Seydou Badian Kouyaté, Fanta Matjini Diarra.
2002 : ATT créé le consensus qui est une copie corrigée du parti unique constitutionnel. Son principe repose sur la réconciliation nationale. Son but ? Saper la démocratie : le verdict des urnes n’a jamais été appliqué dans la formation des différents gouvernements (tous les Premiers ministres sont sans base politique).
Pire, c’est un général de police qui pilote le gouvernement, composé de deux généraux de l’armée.
Le mot consensus rime avec le retour de ATT sur la scène politique.
06 Avril 2010.